Aux assises, le procès d’une jalousie criminelle
À un homme, jaloux et alcoolique, a tiré quatre fois et frappé à coups de crosse celui qui vivait avec son ex. La victime a perdu l’usage d’une main. L’agresseur a écopé d’une lourde peine.
Au regard de la sauvage agression perpétrée en 2017 à Nice, on s’attendait à découvrir un accusé surexcité, prêt à dégoupiller à la moindre remarque désobligeante. «Un psychopathe sans empathie », avait tranché, définitive, une psychiatre. Fabrice Besson apparaît surtout dans le box affaibli, malingre, capable d’autocritique et visiblement peiné par l’infirmité de la victime. À l’énoncé du verdict : 22 ans de réclusion, il reste stoïque. Avec 1,8 g d’alcool dans le sang, un peu de cocaïne, et un fusil de chasse chargé, Fabrice Besson est à l’évidence un homme dangereux. Son passé judiciaire (14 condamnations) dénotait déjà une propension à se battre pour un oui pour un non. « La semaine, je ne buvais pas, affirme cet ancien ouvrier spécialisé dans les travaux périlleux. Quand vous travaillez à 100 mètres de hauteur, vous ne pouvez pas vous permettre de rater un noeud. »
Des menaces mises à exécution
Le 24 octobre 2017 – un mardi vers minuit trente – Fabrice Besson se présente avenue Miltat à Nice avec un sac de sport. Il sonne au parlophone de l’immeuble de Muriel, son ex-compagne avec laquelle la relation sur fond d’alcool a toujours été chaotique. « C’était je t’aime, moi non plus », confirme celle qui se trouve, malgré elle, au coeur de cette affaire criminelle.
Celle-ci s’était mise en ménage avec Al Kaya, mais continuait d’entretenir une relation avec Fabrice, de dix-huit ans son cadet.
Fabrice Besson supporte mal la situation. Il connaît à peine son rival amoureux mais lui en veut à mort, menace de «leniquer» ,de « le laisser handicapé ». Devant la porte palière, alors qu’il cogne en vain, il charge son fusil de chasse et tire une fois, deux fois. La porte cède au troisième coup de feu. Muriel panique. Le nouvel amant tente de désarmer l’intrus. Une décharge de plombs lui arrache une partie de la main gauche. Des voisins courageux interviennent et maîtrisent Fabrice Besson, qui ne semble pas réaliser l’ampleur de son geste. « Il n’était pas net. Il était incohérent, alcoolisé », témoigne Sylvain. « Il disait qu’il avait tiré sur celui qui avait violé sa fille. » Sauf que Fabrice Besson n’a jamais eu d’enfant… Depuis lundi dans le box de la cour d’assises, Fabrice Besson, le visage encore marqué par ses addictions, répète inlassablement : « Je n’ai jamais voulu tuer Al. » À cette époque, il était sous bracelet électronique, sorti de prison huit mois auparavant.
Al Kaya, carrossier de 50 ans, est venu hier matin et raconter le calvaire, avec beaucoup de pudeur, de dix-huit interventions chirurgicales. Malgré l’amputation de deux doigts, sa main gauche a été sauvée mais elle est inutile, sans force. « Lui retrouvera un jour sa vie d’avant. Moi, pas », indique sobrement ce père de deux enfants, en galère pour retrouver un emploi.
Du sang partout
Si l’accusé conteste toute intention homicide, Al s’est vu mourir. « Il est venu me buter. Il m’a mis en joue direct. J’ai essayé d’écarter le canon quand il a tiré », mime la victime. Me Audrey Vazzana, avocate de la partie civile, insiste sur «ladétermination de l’accusé ». « Les premiers coups de feu dans la porte sont à hauteur d’homme », rappellet-elle. Quatre tirs, six coups de crosse, du sang partout, un morceau de doigt sur le carrelage… La tentative d’assassinat est démontrée par un faisceau d’indices, développe l’avocate générale Meggie Choutia. La magistrate requiert 18 ans de réclusion criminelle. Pendant deux jours et demi, les défenseurs Me Julien Zanatta et Me Coralie Binder ont bataillé pour tenter de convaincre les jurés de requalifier ce crime « en violences avec arme ayant entraîné une infirmité permanente ». Fabrice Besson, malgré ses élans de sincérité, n’a pas su expliquer ses réelles et inquiétantes motivations. « Cela peut être un agneau comme cela peut être un démon », avait résumé Muriel. La cour et les jurés ont estimé que le démon devait rester encore de longues années en prison.