Nice-Matin (Cannes)

GRAND PRIX DE FRANCE HISTORIQUE AU CIRCUIT PAUL RICARD Ayari coche enfin la case F1

Après avoir brillé en monoplace - jusqu’à la F3000 - puis sur d’autres pistes (Endurance, GT), Soheil Ayari négocie le virage vintage dans le baquet d’une Ligier presque quadragéna­ire. Une cure de jouvence en Formule Ford

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Il y a près d’un quart de siècle, quand il ferraillai­t contre Fernando Alonso, Mark Webber, Juan Pablo Montoya, Nick Heidfeld, Stéphane Sarrazin, Franck Montagny, Tom Kristensen, entre autres, sur les circuits du championna­t internatio­nal de Formule 3000, c’était son ambition suprême. Gravir la dernière marche. Atteindre le top niveau. Explorer la planète F1. Espoir déçu au bout d’une trajectoir­e en dents de scie (4 saisons, 2 victoires, 5 podiums, 1 pole position, 5e en 1998) dans l’antichambr­e de l’époque où les portes de l’ascenseur sont restées closes.

« Pour l’adrénaline, c’est le summum »

Comme tant d’autres jeunes loups, Soheil Ayari n’est pas allé au bout du rêve. Toutefois, on le sait, il ne faut jamais dire jamais. La preuve : à 52 ans, après avoir garni son palmarès de maints titres et succès en Supertouri­sme, Endurance, GT, le pilote savoyard coche enfin la case F1, ce weekend, au volant d’une Ligier JS21 cravachée par le Brésilien Raul Boesel en 1983 (12 départs, 7e à Long Beach)

« J’ai tiré un trait sur le championna­t de France FFSA-GT pour lancer cette nouvelle aventure en créant ma propre structure (Ayari Classic Racing, ndlr) dont l’atelier est basé à Montélimar » ,raconte-t-il. « L’étincelle s’est produite en 2019, juste avant la crise sanitaire. Un de mes amis m’a proposé de prendre en main une JS17 ex-jacques Laffite de 1981 lors du 50e anniversai­re de la création de l’écurie Ligier célébré à Magny-cours. Coup de foudre ! Après trois virages seulement, je me suis dit sous mon casque : ‘‘Soheil, tu n’aurais jamais dû quitter la monoplace !’’ J’ai ressenti un frisson extraordin­aire, oublié depuis la F3000. Aux antipodes des GT actuelles pourvues de toutes ces aides au pilotage qui gâchent le plaisir. Pour l’adrénaline, la F1, c’est le summum ! »

« Un chantier énorme »

Initialeme­nt, le top départ était fixé le mois dernier au Grand Prix de Monaco Historique. Faux départ ! «Ily avait trop de travail, pas assez de temps, ni de pièces disponible­s. À l’époque, cette JS21 utilisait une suspension hydropneum­atique inspirée de celle des Citroën. Greffer une suspension classique, c’est un chantier énorme. Un sacré challenge. J’ai dû me retrousser les manches pour finir le job juste avant le panneau trop tard... »

La seule Ligier présente à l’affiche du plateau Historic Formula One réunissant une quinzaine de F1 des années 70 et 80 a ainsi débuté sa « séance d’essais grandeur nature » hier au Castellet. « Ici, on roule sans prétention. Juste pour voir si notre boulot produit l’effet escompté ».

L’audi R8 GT4 dont il partageait le volant avec un gentleman driver en 2021 ne lui manque pas un instant. « Ce projet me tient tant à coeur. C’est tellement excitant. À tel point que je n’ai pas passé le moindre coup de fil avant le début de saison pour redémarrer en moderne ».

Son ambition suprême maintenant ? « Là, on aligne deux F1 : cette Ligier et l’ensign MN75 de Guillaume Roman que pilotaient autrefois Chris Amon et Jacky Ickx. À moyen terme, j’aimerais bien en compter deux ou trois de plus. Des autos françaises, de préférence, afin de faire briller nos couleurs dans ces épreuves vintage où les Anglais règnent sans partage, ou presque. »

Ce week-end, Soheil Ayari fait aussi une longue marche arrière.

Comme une cure de jouvence. Un retour à la case départ.

« Le magasinier du Graff Racing (l’écurie avec laquelle il avait coiffé ses deux premières couronnes nationales, Formule Ford en 1994 et Formule 3 en 1996, ndlr) vient d’acquérir un châssis Van Diemen datant de 1990. Il m’a demandé de disputer les deux manches du Grand Prix de France Historique pour affiner les réglages, voilà ! »

« La coupe et le plâtre »

Tête d’affiche d’un plateau Formula Ford 1600 bien garni (46 engagés), où il va affronter un autre membre du palmarès hexagonal en la personne d’éric Hélary (1988), Ayari fait ainsi un nouveau bout de chemin inattendu à bord de son auto-école. « Là, il s’agit d’un moteur

Kent 1600 cm3, plus petit que le Zetec 1800 cm3 avec lequel j’ai débuté », précise celui qui n’a pas oublié les circonstan­ces rocamboles­ques dans lesquelles il avait gravi son tout premier podium, en 1993.

« C’était ici, au Castellet. J’avais la main droite cassée. Impossible d’enclencher les rapports. Avec Jean Silani, l’ingénieur varois du team Mygalemaxa­uto, je m’étais donc rendu dans une clinique du coin où une amie à lui, infirmière, avait remplacé mon plâtre par une coque en résine avec le levier de vitesses incrusté ! Du coup, c’est l’avant-bras qui faisait l’effort au lieu de la main. Je pilote comme ça durant tout le week-end, en tenant le volant avec la seule main gauche. En cachette, ni vu, ni connu... Et je finis deuxième.

Pour ceux qui ne me croient pas, j’ai gardé les preuves chez moi : la coupe et le plâtre ! »

 ?? (Photo Frank Muller) ?? Au Castellet, Soheil Ayari effectue une « séance d’essais grandeur nature » dans le baquet de cette Ligier JS21 tout juste sortie de ses ateliers.
(Photo Frank Muller) Au Castellet, Soheil Ayari effectue une « séance d’essais grandeur nature » dans le baquet de cette Ligier JS21 tout juste sortie de ses ateliers.

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