La semaine vagabonde de Denis Carreaux
Lundi
Mauvais perdants. Au lendemain du premier tour des législatives, alors que se joue l’avenir d’un pays mal dans sa peau, on se dispute pour savoir qui est arrivé en tête.
« République bananière ». « Bidouille ». Avec la sobriété qu’on lui connaît, Jean-luc Mélenchon conteste les résultats, accusant le ministère de l’intérieur de tripatouiller l’étiquetage des candidats pour permettre à Emmanuel Macron de se prévaloir d’une petite avance de 21 000 voix. La réponse de la majorité présidentielle est à l’avenant. Elisabeth Borne qualifie le leader de la Nupes de « premier menteur » tandis que le patron des députés LREM Christophe Castaner dénonce une « théorie du complot ». Polémique niveau CE1… Au même moment, on apprend que l’ex-ministre de l’éducation Jean-michel Blanquer, éliminé pour 189 voix dans le Loiret, va déposer un recours contre son adversaire de la Nupes. En politique comme ailleurs, les (mauvais) perdants ressortent rarement gagnants.
Mardi
Le blues du dico. Le sacro-saint dictionnaire connaîtra-t-il bientôt le même sort que les cabines téléphoniques et les magnétoscopes ? À l’heure où le Larousse 2023 arrive dans les librairies, on est en droit de se poser la question. Si les éditeurs restent discrets sur la réalité des ventes de leurs bibles de l’orthographe, les libraires évoquent des volumes divisés par dix en quinze ans. Désormais réservé aux profs à l’ancienne et aux mordus du Scrabble, le lourd dictionnaire traditionnel ne fait plus le poids. Manifestement, la plupart des 186 000 candidats au bac pro qui planchaient ce mardi sur l’épreuve de français n’en ont jamais ouvert un. De nombreux élèves ont déploré l’emploi dans l’énoncé du sujet d’un mot inconnu au bataillon (« ludique ») et fustigé ce scandale sur les réseaux sociaux. Abracadabrantesque (adj. Qui suscite l’incrédulité par son caractère improbable ou incohérent, Larousse).
Mercredi
Passe ton Parcoursup d’abord. Et si le vrai stress pour les lycéens et les parents ne résidait en définitive pas dans les épreuves du bac, mais dans Parcoursup ? Alors que plus de
500 000 élèves suent à grosses gouttes pendant quatre heures ce mercredi matin devant leur copie de philo, les incertitudes liées à l’admission post-bac génèrent des jours (et des nuits) d’angoisse interminables dans les familles. Deux semaines après la mise en ligne des résultats sur la plateforme, 140 000 lycéens n’ont toujours aucune réponse à leurs voeux. Huit futurs bacheliers sur dix qui devront donc encore patienter, la boule au ventre, avant d’être fixés sur leur sort, suspendus à l’évolution des listes d’attente et aux mises à jour de Parcoursup. Un supplice chinois plus éprouvant que la simple attente des résultats du bac.
Jeudi
Des promesses ou des armes. Mise en scène savamment étudiée ou moment d’histoire partagé en direct ? Avant de pouvoir analyser la portée de ce déplacement qui sera rapidement qualifié d’« historique » par Volodymyr Zelensky, on reste scotché devant les images des chaînes d’info continue. Trois présidents,
dont le nôtre, en pull ou bras de chemise dans un train qui brinquebale vers Kiev. Un envoyé spécial de BFMTV qui joue des coudes dans le couloir étroit de la fameuse rame pour faire vivre cette journée dont il ne sait à peu près rien. L’arrivée lunaire de Macron, Draghi et Scholz sur le quai de la gare de Kiev, les convois officiels dans les rues vidées d’une capitale en guerre totalement indifférente à cette agitation. Méfiants vis-à-vis d’une Europe qu’ils trouvent trop timorée par rapport aux alliés américains, les Ukrainiens se fichent bien de la validation d’un processus d’adhésion à l’union européenne qui prendra des années, sinon des décennies. Eux n’attendent pas des promesses ou des bons sentiments, mais des armes.
Vendredi
On n’est pas là pour se faire engueuler. « Bouge-toi, mon pote ! ». Cette semaine, Jean-luc Mélenchon est vénère. C’est le jeune qui l’énerve. Ce jeune qui le kiffe, mais qui n’a pas pris la peine d’aller mettre un bulletin dans l’urne dimanche dernier. Car si 42 % des 18-24 ans ont choisi la Nupes au premier tour, seulement 30 % de cette classe d’âge est allé voter. Alors le jeune, il lui cause, Jean-luc. « Bouge-toi », éructe Mélenchon au micro de Quotidien, une émission qui lui parle, au jeune. « Fais quelque chose à part pleurnicher ou rester à la maison à rien faire. Et les filles encore plus. Qu’est-ce que vous voulez, le retour des réacs, c’est ça ? Bon alors, faites quelque chose. C’est nul de pas aller voter ! » Efficace, le savon de papa Mélenchon ? Pas sûr qu’il apprécie tant que ça de se faire engueuler, le jeune.
Samedi
Joe Lagaffe. Après la dégringolade dans les sondages, la chute de vélo. Alors qu’il ralentit pour parler à des passants et à des journalistes lors d’une promenade matinale dans le Delaware, le président des Étatsunis tombe lourdement sous les yeux de badauds médusés. Une bûche heureusement sans conséquence pour un dirigeant de 79 ans coutumier du fait. En novembre 2020, tout juste élu, ce président aux faux airs de Gaston Lagaffe s’était fracturé le pied en jouant avec son berger allemand. Six mois plus tard, il avait été filmé en train de trébucher à trois reprises au moment de monter dans son avion.
Des incidents sans gravité qui prouvent au moins qu’à l’inverse de Vladimir Poutine, qui cultive un secret absolu autour de son état de santé, Joe Biden ne triche pas. Contrairement aux apparences, il est d’ailleurs peut-être beaucoup plus en forme que son homologue russe.
« Bouge-toi, mon pote ! Cette semaine, Jean-luc Mélenchon est vénère. C’est le jeune qui l’énerve... »