Nice-Matin (Cannes)

«Jen’aipas fini mon histoire »

- CHRISTOPHE­R ROUX

‘‘ La Route du Rhum ? La légende est là”

‘‘ La voile et la compétitio­n restent des passions intactes”

Contraint à l’abandon en 2002, troisième puis quatrième en 2006 et 2010 en Imoca, Jean-pierre Dick repart à l’assaut de la Transatlan­tique cet automne. Une course avec laquelle il n’a pas encore bouclé la boucle. A 56 ans, le Niçois vise la victoire dans la classe Rhum Mono.

Le gentleman skipper revient à la compétitio­n. Jean-pierre Dick sera au départ de la Route du Rhum, le 6 novembre à Saint-malo, et à l’aube de 3542 milles qui le mèneront jusqu’à Pointeà-pitre (Guadeloupe). Il n’avait jamais vraiment quitté la course au large, mais le Niçois la vivait dans l’ombre. Depuis qu’il a délaissé la classe Imoca, en 2017 au crépuscule d’un quatrième et dernier Vendée Globe (4e), il a transmis son savoir au monde amateur et lancé puis revendu la série des ETF26, les catamarans volants. Mais l’aventure en solitaire lui manquait. Le revoilà donc à la barre et en première ligne. De passage hier à Nice-matin, le quadruple vainqueur de la Jacques-vabre (2003, 2005, 2011 et 2017) a fait le point sur son nouveau projet. A bord de son « JP54 Notre Méditerran­ée-ville de Nice », sa nouvelle monture, il entend gagner et éveiller les conscience­s pour préserver la Grande Bleue.

Jean-pierre, comment va votre main, blessée lors du Défi Pure Ocean en mai Vous faites votre retour sur la Route du Rhum... ?

(*)

Je me suis cassé le cinquième métacarpe à la suite d'un problème sur un winch (un outil qui permet de contrôler la voilure, NDLR). Cela ne m'était jamais arrivé mais ça va. J'ai une visite dans une semaine chez le chirurgien qui m'a opéré.

On doit ôter les broches. Il y aura encore un peu de rééducatio­n derrière mais je devrais avoir retrouvé la pleine possession de mes moyens mi-juillet.

Mon meilleur résultat est une

3e place en 2006. J'étais un peu à côté de la plaque en 2010 (4e).

J'ai eu des gros problèmes d'alimentati­on en énergie et j'avais perdu ma 3e place sur le tour de la Guadeloupe (rire). Quatrième n'est jamais une place très sympa donc j'ai envie d'effacer ça et de gagner. Quand je vois le plateau, c'est jouable.

Ne pas l’emporter serait un manque dans votre palmarès ?

Ce serait un grand plaisir de l’emporter dans ma catégorie et j'insiste sur ‘‘dans ma catégorie’’. Les Ultimes vont se battre pour le temps scratch. Je n'ai pas fini mon histoire avec la Route du Rhum. C'est pour ça que je souhaite revenir. Je me suis retrouvé deux fois en position de gagner, j'avais les bateaux pour, mais je ne suis pas passé au tiroir-caisse (rire).

Pourquoi ce retour en classe Rhum Mono ?

Revenir en Imoca, c'était franchir une montagne. Il faut retrouver de gros sponsors, éventuelle­ment reconstrui­re un bateau... C'est monstrueux. Je voulais une dimension différente, moins de pression sur le plan financier.

Ce projet à petite échelle vous permet de vous rapprocher de Nice et de la Méditerran­ée, vos aspiration­s du moment...

J'ai 56 ans et il faut quand même avoir en tête l'énorme pression qui se dégage d’un projet en Imoca et du système. C'est comme chez les footballeu­rs. A un moment, il y a une usure. Familièrem­ent, j'avais aussi besoin de me retrouver. Les sportifs de mon âge sont dans un rôle différent. Avec Alex Thomson, on a un peu la même carrière. Il a cinq Vendée et a dit : ‘‘Je suis parti et ma femme s'est occupée de mes enfants pendant ces tours du monde.’’ Comme lui, il faut aussi que je voie un peu mes gamins. Ce qui me plaît dans le projet actuel, c'est le retour aux sources. Je me rapproche de la famille, de Nice et de la Méditerran­ée. J'habite entre Nice et la Bretagne, je ne le cache pas, mais j'essaie d'être de plus en plus présent ici.

Que représente la Route du Rhum à vos yeux ?

Cela a toujours été une course avec des bateaux innovants. Elle est assez magique pour ça. Après le Vendée, qui est le pouls de la voile, c'est la course qui fait rêver les gens. La légende est là avec les

Mike Birch, Michel Malinovsky (1978), Florence Arthaud (1990) ou Loïck Peyron (2014)... Cela a toujours été une vraie course. L'atlantique Nord reste l'atlantique Nord, surtout à la fin de l’automne (rire). Il faut se battre contre les éléments. Dans la voile, il faut se rappeler que la mer est notre plus grand adversaire. Il faut la respecter. Je penserai d’abord à finir la course. Il va falloir faire jouer le sens marin que j'ai acquis ces dernières années. Je sais me mettre la pression, parfois un peu trop et il faut que je calme les choses.

Vous reprenez la course en solitaire cinq ans après... Avezvous retrouvé vos sensations...

Je me retrouve à nouveau face à moi-même et il va falloir envoyer du steak (rire). Me relancer lors de la qualificat­ion pour la

Route du Rhum m'a fait bizarre. Il ne faut pas tomber à l'eau, reprendre les habitudes que vous aviez. Fin avril, j'ai amené le bateau jusqu'aux Bermudes. Je me suis retrouvé seul à bord à gérer les problèmes. J’ai peu navigué en solitaire et je dois m'y remettre en septembre-octobre. En cinq ans, vous perdez la fluidité et la musculatur­e. Ce n’est plus la même chose qu’après un Vendée et 80 jours en mer.

La compétitio­n vous manquait ?

Avant les amateurs, j’étais toujours dans la compétitio­n mais plus en retrait. J’étais obligé de faire des concession­s dans la performanc­e et j’avais clairement un manque. Je suis un compétiteu­r. La voile et la compétitio­n restent des passions intactes. J’en suis surpris mais j'ai toujours ce truc qui me fait avancer. Même après m'être arrêté à l’issue du Vendée Globe. A terre, je ne suis pas le même homme, je suis un peu différent. En mer, je me sens bien, en phase avec mon bateau et les éléments. J’aime ce monde à part, le voyage qu’il permet.

Vous avez entamé un gros chantier sur le bateau (moteur, pilote automatiqu­e, décoration)...

J'espère qu'on n'aura pas de grosses surprises. Il fallait le mettre aux normes pour la course au large. On vérifie tous les organes. Je vais retirer tous les éléments luxueux et l’alléger.

C'est un bateau qui a été fait pour un équipage de six personnes. Le fait d'être tout seul va me permettre d'enlever des coussins, des matelas ou des réservoirs.

Vous cherchez encore des partenaire­s ?

Je cherche de petits partenaire­s locaux pour compléter mon budget et équilibrer mes comptes (en plus de Duncan et Flytrans). Le ticket d’entrée est inférieur à 40 000€.

Cette Route du Rhum vous permettra de délivrer des messages sur la préservati­on de la Méditerran­ée...

J'ai la chance d'avoir acquis une notoriété localement (sourire).

Nice est important pour moi, comme la Méditerran­ée. Ma passion est née ici, ma mère habite ici et c'est le berceau de ma famille. C'est une mer qui fait partie de moi, fragile et fermée. Toute la pollution tourne en rond et il y a des problémati­ques. Il y a eu des avancées positives, comme sur le thon rouge que l’on retrouve petit à petit, les génération­s ont évolué, mais il reste des urgences. Les matières plastiques sont encore trop présentes. Avec la plaisance, il y a aussi le souci de l’ancrage des bateaux qui abîme les sols marins. Après la Route du Rhum, je compte lancer une fondation mais rien n’est scellé.

Le Défi Pure Ocean est une course disputée entre les Bermudes et Lorient (Morbihan).accompagné de David Sussmann, le fondateur de Pure Ocean, Jeanpierre Dick a abandonné en raison d’une blessure, d’une avarie et d’une météo dangereuse. Il espérait battre le record de l’épreuve (12 j., 23 h. et 16 m. en monocoque) détenu par Eugène Riguidel et Jeanfranço­is Le Menec en 1983. Il a aussi recueilli des données scientifiq­ues.

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