Nice : « Si j’avais été un mac j’aurais pris tout l’argent »
Un homme de 28 ans, qui venait de se découvrir une vocation de proxénète, a été condamné jeudi soir à quatre ans de prison ferme. Deux prostituées, rouées de coups, avaient déposé plainte.
Mamadou Diallo, 28 ans, se présente, tête haute, prêt à affronter le tribunal correctionnel de Nice pour répondre à la fois de violences aggravées mais également de proxénétisme. « Pour les violences, je regrette, j’ai mal réagi. Pour le proxénétisme, j’ai du mal à l’accepter, mais mon avocate m’a expliqué. »
Le prévenu est domicilié à Rouen et venait de s’installer à Nice pour, dit-il, y chercher du travail. La justice lui reproche surtout d’avoir tiré profit de deux jeunes femmes en difficulté qui s’étaient résolues à se prostituer. L’affaire est mise au jour quand Alya et Melina se présentent le 6 mai,
(1) visage ensanglanté, au commissariat central de Nice. Les blessures sont telles que les jeunes femmes sont conduites à l’hôpital. Melina est coupée à la tempe. Alya souffre, entre autres, d’une double fracture à la mâchoire.
50 % des gains
En relation via un réseau social avec Mamadou Diallo, l’une est de Marseille, l’autre de la région parisienne. Il les avait convaincues de venir se prostituer à Nice. Lui s’occupait de tout : billets de train, location d’un appartement à Pessicart, rédaction des petites annonces, gestion de la clientèle. Il gardait également si nécessaire l’enfant handicapée d’une des jeunes femmes. Il empochait au passage 50 % des gains d’alya et Melina.
« Tout ça, c’était à leur demande », se justifie Mamadou Diallo, qui fait tout de même amende honorable : « Je voudrais m’excuser auprès des victimes. J’avais remarqué que de l’argent m’avait été volé. J’ai réagi de colère. »
Les deux femmes, absentes, représentées par Me Agnès Farrugia, l’accusent de leur avoir dérobé chacune 2 000 euros. La police a saisi 650 euros dans la sacoche de marque de Mamadou Diallo et 50 g de cannabis. « Je n’ai pris que 300 euros sur les 1000 que Melina avait. Si j’avais été « un mac », j’aurais tout pris. »
Du sang partout
« Vous pressentez que ça va mal se terminer puisque vous tirez les rideaux de l’appartement avant de les frapper », remarque le président Christian Legay. «Ilyavaitdu sang partout disent-elles. Ce sont elles qui ont nettoyé ? » « C’est ça », admet le proxénète à la petite semaine. La procureure Parvine Derivery s’étonne : « Vous dites leur avoir avancé 400 euros à leur arrivée. Quel était votre intérêt ? » « Je n’avais pas trouvé de travail et je voulais garder l’appartement. C’était un investissement. » La magistrate note que le prévenu n’a aucun revenu officiel mais 1 000 euros de charges mensuelles et possède une sacoche de luxe à 2 500 euros. Les policiers précisent le prix sur le PV de perquisition. « C’est une fausse », jure le prévenu.
Me Farrugia, partie civile, dénonce « le massacre » de ses clientes. « Et quelle indignité de demander aux victimes de nettoyer l’appartement. Comment tomber plus bas ? »
Me Macchi, pour EACP, une association de lutte contre la prostitution, réclame 20 000 euros de dommages et intérêts. Elle en obtiendra 2 000.
Préjudices en cours d’évaluation
La procureure requiert cinq ans de prison, choquée par la désinvolture du prévenu. « Sans doute ne les estimait-il pas suffisamment rentables. Alors il a décidé de les voler et de les maltraiter. »
En défense, Me Bénédicte Page regrette l’absence des victimes, ce qui aurait permis une confrontation. Elle demande une obligation de soins pour son client. Le tribunal inflige quatre ans d’emprisonnement au proxénète et une interdiction de séjour pendant cinq ans dans les Alpes-maritimes. Il est également condamné à verser 2 000 euros à chacune des jeunes femmes ainsi que 500 euros à l’enfant de l’une d’elles. Des expertises médicales ont été ordonnées pour évaluer les préjudices des deux victimes.