Nice-Matin (Cannes)

Réfugiée à Nice et condamnée à perpétuité par la Turquie

En exil à Nice, la sociologue turque, faussement accusée d’attentat il y a 24 ans, a été acquittée quatre fois par la justice de son pays avant d’être condamnée mardi par la cour suprême.

- MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin.fr

Elle est sous le choc. Abasourdie. Pinar Selek, la sociologue turque, enseignant­e-chercheuse à l’université Côte d’azur de 50 ans, a appris mardi soir par ses avocats turcs sa condamnati­on à perpétuité pour un attentat qui n’en était pas un. Une peine prononcée par la cour suprême, 24 ans après une explosion, survenue sur le marché aux épices d’istanbul, qui avait fait 7 morts et 121 blessés.

Acquittée quatre fois

« Cette condamnati­on est politique. Elle n’a rien à voir avec le droit. J’ai été condamnée pour mes recherches. On a inventé une histoire pour criminalis­er ma condamnati­on », réagit Pinar Selek, jointe ce mercredi par téléphone. À l’époque âgée de 27 ans, la jeune femme, féministe, écrivain, antimilita­riste, venait d’effectuer des recherches sur la communauté kurde.

Emprisonné­e, torturée pour qu’elle lâche le nom de ses contacts kurdes –- ce qu’elle a toujours refusé – elle avait appris en prison qu’un homme, qu’elle ne connaît pas, avait assuré avoir commis un attentat avec elle, au nom du PKK (parti des travailleu­rs du Kurdistan, une organisati­on politique armée kurde). Malgré quatre acquitteme­nts, la justice a persisté, d’appel en appel. En 2017, la cour de Cassation turque, la plus haute autorité, a requis contre Pinar Selek la prison à perpétuité. Depuis plus de nouvelle.

« Je lutterai jusqu’à la fin »

« Ce jugement n’est pas seulement injuste et insensé mais des plus inhumains, dans la mesure où, dans le dossier, il y a de nombreux rapports d’expertise qui établissen­t qu’il s’agissait d’une explosion due à une fuite de gaz. On n’a pas pris une seule fois ma déposition sur cette question. On ne m’a pas posé une seule question sur ce sujet », détaille-t-elle dans un communiqué rédigé avec ses avocats.

« Le procès avait été lancé s’appuyant uniquement sur la déposition d’abdülmecit O. qui avait déclaré que nous avions agi ensemble, qui, par la suite, a renié sa déposition au tribunal car elle avait été extorquée sous la torture. Cette personne a été acquittée avec moi et son acquitteme­nt fut définitif et l’appel est demandé uniquement pour mon acquitteme­nt. Ce jugement n’a donc rien à voir avec le droit. Comme les motifs du jugement ne sont pas encore publiés, je ne peux pas commenter davantage. Je lutterai, nous lutterons contre cette injustice jusqu’à la fin. »

Combative, la sociologue turque est déterminée à se battre jusqu’au bout. Elle compte saisir la cour constituti­onnelle et la Cour européenne des droits de l’homme. « Je n’ai pas le choix ».

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(Photo Frantz Chavaroche) Pinar Selek n’échappe pas cette fois à une condamnati­on.

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