« La police est trop souvent montrée du doigt »
Interview Secrétaire départemental Unité SGP Police, Laurent Martin de Frémont défend l’image de la profession, malmenée par une frange de la population et certains politiques.
C’est une voix qui porte. Sur les ondes radios, lorsqu’il est animateur d’émission à ses heures perdues. Mais aussi sur tous les médias, en tant que tonitruant syndicaliste policier. Basé à Mandelieu, Laurent Martin de Frémont sillonne sans relâche le territoire départemental pour défendre les intérêts d’une profession dont le travail et la réputation sont aussi reconnus et loués que parfois décriés. Homme de caractère, dévoué à sa mission, le représentant d’unité SGP Police ne mâche jamais ses mots, même (voire surtout) lorsqu’il s’agit de répliquer à une punchline d’un candidat à la Présidentielle qui cible les hommes en bleu. Invité des déjeuners Cannes Radio/nice-matin au Bistrot des Anges de Bruno Oger, Laurent Martin de Frémont ne manque pas de rebondir sur l’actualité.
Une présentation rapide de votre action syndicale ?
Nous sommes une dizaine de syndicalistes détachés en permanence sur le département et parmi nos dernières grandes satisfactions, il y a le reclassement de Nice en secteur difficile l’an dernier. Nous avons beaucoup oeuvré en ce sens auprès du ministre de l’intérieur. Cela se traduit par une prime versée en deux fois car à Nice aussi, le métier de policier est compliqué. Vous savez, il n’existe pas de petite mission dans ce métier.
Votre positionnement ?
Régi par la charte d’amiens, notre syndicat se veut apolitique. Mais cela ne nous empêche pas de réagir aux propos de certains politiques, comme Jean-luc Mélenchon par exemple
(N.D.L.R. : « La police tue », tweet du leader de La France Insoumise après la mort de la passagère d’une voiture dont le conducteur a refusé d’obtempérer lors d’un contrôle le 4 juin à Paris), car pour nous, c’est une insulte. Aucun policier ne se lève le matin en se disant : « Tiens, je vais aller tuer un concitoyen ! » La police, c’est avant tout du secours, de l’aide et de l’assistance.
Les refus d’obtempérer sont devenus courants ?
Oui, il y en a un toutes les vingt minutes en France, sauf que tous ne finissent pas de la même manière. Bien souvent, on tombe sur un défaut de permis ou d’assurance, mais certains écervelés sont prêts à prendre tous les risques pour éviter un contrôle. Notre mission est avant tout de préserver l’ordre public et les policiers parisiens ont fait leur métier en interceptant l’auteur un délit.
Légitime défense ?
S’il n’est pas possible d’esquiver un véhicule qui vous fonce dessus, il y a autorisation de faire feu. Les trois l’ont fait en même temps, donc ils ont perçu le danger de la même façon. Pour la passagère, c’est évidemment un drame, mais elle était déjà connue de la justice, de même que le conducteur qui avait 80 antécédents judiciaires ! On verra les conclusions de l’enquête mais il faudrait une juridiction spéciale, aguerrie à ce genre de situation policière.
Il y a un sentiment de mal-être au sein de la police ?
Oui, les policiers se sentent esseulés. Même si certains sondages avancent que 80 % de la population soutient sa police, on ne le ressent pas du tout sur le terrain, où les hommes subissent continuellement crachats et insultes.
C’est quand même la profession la plus atteinte par les suicides en France, 50 à 60 par an pour environ 120 000 flics.
Policier, ça reste une vocation ?
Oui et non. Oui après les attentats terroristes et la chanson de Renaud, (N.D.L.R. : J’ai embrassé un flic), on a ressenti à nouveau une envie.
Mais très vite, le soufflé est retombé face aux difficultés du métier.
Et une certaine frange de la population et des politiques nous ont harangués, avec une sorte de transposition du drame de Georges Floyd en France.
On s’est réveillés un matin avec le sentiment d’être montrés du doigt alors qu’on sauve des vies tous les jours.
Les mystérieuses piqûres en boîte de nuit ou en concert à Toulon, inquiétant ?
Ce qui nous préoccupe, c’est ce que contenaient ces seringues. Il y a des expertises et une enquête en cours, mais la discrétion est de mise pour l’instant.
Quelles sont vos revendications actuelles ?
On réclame un management plus humain. Dans la police, la chaîne hiérarchique a conservé ce que Sarkozy a mis en place : la politique du chiffre. Rendre des comptes n’est pas critiquable en soi, mais fixer des objectifs chiffrés quand on travaille sur de l’humain, c’est une aberration. Cela pèse sur la cheville ouvrière de notre métier, c’est-à-dire les gardiens de la paix.
Au niveau des effectifs déployés pour l’été, vous êtes satisfait ?
Je suis syndicaliste donc jamais pleinement satisfait. Mais le premier Ministre et Gérald Darmanin ont fait de gros efforts, avec 80 agents en plus dans les AM l’an dernier. Ce n’est pas suffisant mais c’est mieux, surtout au regard des précédentes années où l’on a tellement tiré la langue. Il y a aussi les effectifs de CRS et gendarmes détachés, mais trop peu de maîtres nageurs sauveteurs. L’an dernier, il a été question de mettre fin aux maîtres nageurs CRS sur les plages, ce serait une hérésie.