Casse-tête chinois
Depuis plusieurs jours, Élisabeth Borne était comme un oiseau sur un fil. Première ministre démissionnaire, sans que le Président ait accepté sa démission, et sans nouveau gouvernement, elle trouvait difficilement, dans une situation politique parfaitement inédite sous la Ve République, son rôle face à ces parlementaires nouvellement élus, dont beaucoup comptent bien vendre cher leur peau et affirmer très fort leur opposition.
Élisabeth Borne avait été choisie pour conduire une majorité absolue telle qu’elle se dégage habituellement autour du Président dans le sillage de son élection. Mais avec cette majorité relative bien étriquée, les choses se sont compliquées. Il ne s’agit plus de faire adopter des lois dans un hémicycle docile, mais de trouver, sur chacun des sujets qui sera discuté au Parlement, un consensus entre groupes et personnalités politiques que tout sépare. Le Président aurait pu choisir, pour affronter un hémicycle largement hostile, une pointure supérieure, plus charismatique, moins « techno », puisque c’est ainsi que beaucoup voient la nouvelle élue du Calvados, plus politique et moins raide, aussi, qu’élisabeth Borne. C’est le conseil que lui avaient donné, au cours d’un déjeuner à l’élysée la semaine dernière, François Bayrou et Édouard Philippe, tous deux partenaires d’emmanuel Macron dans la coalition présidentielle. Mais de nouveau ténor, de magicien chargé de transformer la discorde en harmonie, le président de la République n’en a pas trouvé. « Difficile de dénicher, dit en plaisantant à peine un de ses proches, un Jean Castex en jupon ! »
Au cours de cette période indécise, qui a duré trop longtemps, Élisabeth Borne, évidemment, a perdu, comme le montrent les sondages, de son autorité. Elle est affaiblie, au moment précis où elle est confirmée à son poste. La première mission qui lui a été confiée par le Président n’en est pas moins très, et peutêtre trop, ambitieuse : il s’agit de former un nouveau gouvernement, si possible élargi, d’ici au mois de juillet et d’élaborer une « feuille de route », c’est-à-dire de déterminer avec qui et comment – en excluant les deux extrêmes, Rassemblement national et Insoumis – le gouvernement pourra faire passer au Parlement, non sans discussions et amendements, un texte qui lui convienne. Et pas n’importe lequel : dans sa dernière déclaration, le Président a redit sa volonté de mettre en chantier la plus volcanique des réformes, celle des retraites. C’est donc auprès des Républicains, a priori assez peu chaleureux, et des petits groupes de députés indépendants, qu’élisabeth
Borne doit établir des proximités d’idées et des convergences de pensée. Et d’abord sur le pouvoir d’achat. Bonne chance à elle.
« Au moment où elle est confirmée, Borne est affaiblie. »