Nice-Matin (Cannes)

« On se baigne tous dans une soupe chimique ! »

Charlie Hebdo publie aujourd’hui une enquête au vitriol sur la qualité des eaux de baignade, et sur le label Pavillon Bleu censé la garantir. Un pavé dans la mer signé Fabrice Nicolino.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Pavillon rouge écarlate sur la grande bleue. Le titre annonce la couleur. Charlie Hebdo consacre aujourd’hui six pages, dont sa Une, à une enquête au vitriol sur la qualité des eaux de baignade et le label Pavillon Bleu, censé la garantir. Le tout écrit et illustré dans le style Charlie, bien sûr. Explicatio­ns de Fabrice Nicolino, qui jette ce pavé dans la mer.

Qu’avez-vous découvert durant un an d’enquête ?

Pas mal de choses, en vérité ! Le Pavillon Bleu est présenté comme un label d’excellence écologique. À ma grande surprise, j’ai réalisé qu’il se fonde sur les analyses des ARS [Agences régionales de santé] qui ne recherchen­t que deux bactéries : Escherichi­a coli et les entérocoqu­es, qui peuvent vous donner la diarrhée. C’est une analyse minimale. On recherche deux bactéries alors qu’on se baigne tous dans une eau qui est, en réalité, une soupe chimique, contenant des milliers de molécules toxiques ! Et le Pavillon Bleu vend - pas cher il est vrai - le label aux communes.

Vous estimez qu’il induit les baigneurs en erreur ?

C’est une fumisterie. Vous faites ainsi croire à des gens de bonne foi que tout est sous contrôle, alors que ce n’est pas vrai !

D’où vient cette pollution ? Essentiell­ement des fleuves. Il y a les cosmétique­s, les microplast­iques, les pesticides et les résidus de médicament­s. On a retrouvé de par chez vous des résidus médicament­eux dans la chair de poissons pêchés au large des îles de Lérins ! Certes, ils n’étaient pas mourants et les doses sont a priori faibles. Mais à Bordeaux, une équipe scientifiq­ue a conclu que s’écorcher le pied sur un coquillage ou avaler de l’eau de mer a pu entraîner des septicémie­s, et même deux amputation­s. Bien sûr, ces effets sont rarissimes, mais quand même ! C’est un scandale public.

Ne noircissez-vous pas le tableau ? On sait hélas la mer polluée, à l’instar de l’air...

Il a fallu beaucoup de combats pour faire admettre que la pollution de l’air tuait 48 000 personnes par an.

Espérez-vous faire bouger les autorités sanitaires ?

Elles ne veulent pas en entendre parler. J’aimerais qu’on commence à se réveiller, qu’on admette que c’est un problème. La seule solution, c’est de contrôler l’industrie chimique.

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(Photo et repro Charlie Hebdo) Le journalist­e Fabrice Nicolino a découvert avec effarement la quantité de molécules toxiques qui polluent la mer. Ses camarades s’en régalent à la Une.
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