Nice-Matin (Cannes)

Marina Foïs et Benjamin Voisin

« NOUS DEUX CONTRE LE RESTE DU MONDE ! »

- CÉDRIC COPPOLA magazine@nicematin.fr

Complices et complément­aires, les comédiens forment un duo inattendu dans En roue libre, le premier film de Didier Barcelo.…

Dans En roue libre , le premier long-métrage de Didier Barcelo, Marina Foïs interprète une femme terrassée par une attaque de panique qui n’arrive pas à sortir de sa voiture, qu’un jeune voyou, campé par Benjamin Voisin, va s’empresser de voler, sans savoir qu’elle est à l’intérieur. Le début d’une folle virée.

En roue libre se déroule presque intégralem­ent en voiture… Difficile de jouer tout le temps dans un lieu si étroit ?

Marina Foïs : C’était l’un des enjeux. Ce sont des personnage­s qui manquent un peu de souffle, un peu d’espace, un peu enfermés dans leur tête… En conséquenc­e, la sensation de claustroph­obie lors du tournage servait le récit et le jeu.

Benjamin Voisin : Il y avait deux voitures dont une qui ne roulait pas ou peu, où différents éléments pouvaient se démonter pour que le chef opérateur puisse placer la caméra selon ses besoins. Dans un film comme celui-ci, en tant qu’acteurs, nous essayons de ne pas jouer les mêmes scènes – ce qui est un risque puisque nous sommes dans une position un peu stagnante – pendant qu’à la technique, ils s’évertuent à nous filmer différemme­nt, pour ne pas que ce soit répétitif.

M. F. : Effectivem­ent. La caméra a exploité tous les possibles autour de la voiture et à l’intérieur de celle-ci.

Dans un espace aussi clos, l’entente avec votre partenaire est primordial­e ?

M. F. : Oui. Heureuseme­nt qu’on était là l’un pour l’autre car passer un tournage de ce style en compagnie de quelqu’un qu’on ne supporte pas… Je ne sais pas si je serais allée au bout. Mais cette contrainte du huis clos n’en est pas vraiment une dans la mesure où un acteur doit se servir de tout ce qui le dessert. Il faut composer avec ce qui existe, avec le réel, et donner au spectateur l’illusion que tout est vrai. La relation entre Louise et Paul naît aussi de cette contrainte. Elle n’aurait pas été la même dans d’autres conditions. B. V. : Je différenci­e énormément les tournages où je me demande comment je vais jouer le lendemain et ceux où je me préoccupe de ce que l’autre va jouer le lendemain. Ce qui était le cas donc, sur En roue libre. J’étais intrigué par ce qu’allait me proposer Marina, quand elle allait faire jaillir la dépression de son personnage, la retenir… Une démarche qui s’apparente à celle des musiciens qui écoutent davantage les autres que le son qu’ils produisent, pour être à l’unisson et véritablem­ent faire partie de l’orchestre.

M. F. : On avait très envie de se découvrir l’un l’autre et de jouer ensemble. On était curieux. Benjamin est quelqu’un d’agité ! Il faut qu’il se passe toujours quelque chose donc il bouge, crée du mouvement… et j’aime ça!

On a le sentiment que Didier Barcelo vous a laissé très libre pour constituer ce duo ?

B. V. : Il nous dirigeait d’abord sur l’enjeu de la scène. Ensuite, il était friand de voir nos propositio­ns. Résultat : aucune prise ne ressemblai­t à la précédente.

M. F. : On peut voir un travail en deux parties : celui de l’équipe image, qui a réfléchi au découpage, et notre binôme, où on avait pour but de faire vivre ce récit. Par moments, on a été forcé de ralentir notre complicité, de se désaccorde­r pour que ce soit juste et que cela reflète la relation qui se crée à l’écran. Une question de dosage, très agréable à mettre en place par ailleurs. Au final, c’était un peu nous deux contre le reste du monde ! (rires)

On imagine, au vu du dispositif, que la caméra était constammen­t très près de vous. C’était difficile de l’oublier ?

M. F. : Depuis un certain nombre d’années, j’assume que j’aime être filmée. Oublier tout ce qu’il y a autour est compliqué, surtout que le chef opérateur/cadreur est, finalement, l’un de nos premiers partenaire­s. C’est un travail qu’on fait ensemble. Cependant, le cerveau a la capacité de se découper en plusieurs parties. C’est-à-dire qu’on peut être en même temps ultra-conscient de ce qui se passe avec l’équipe, le partenaire, soimême… Le plaisir est là. Parfois quand je sens que je passe à côté de quelque chose, je peux regarder ailleurs pour me raccrocher à du réel puis, subitement je me plonge dans la prise.

B. V. : Être filmé de près ou de loin n’a pour moi aucune importance. Je souhaite, en revanche, être filmé de manière cohérente et là je comprenais qu’il était nécessaire qu’on procède ainsi pour capter des émotions à vif.

Marina Fois, votre personnage a une grosse crise d’angoisse. Quelque chose qui vous est arrivé dans votre vie ?

M. F. : Comme la plupart des gens… je suis bien névrosée ! Quand j’étais jeune, j’ai eu une période où j’ai eu des crises d’angoisses et j’ai suivi une psychanaly­se pour me débarrasse­r de tout ça. Ces angoisses n’étaient pas assez fortes pour m’empêcher de sortir sur un laps de temps assez long mais, ponctuelle­ment, je me suis retrouvée sidérée sur mon canapé. Dans ces moments, on ne pense plus, les images et la réalité se déforment…

« Comme la plupart des gens… je suis bien névrosée ! » Marina Foïs

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