Qui est cet Antibois, consul autoproclamé de Donetsk ?
Hubert Fayard, né au cap d’antibes, ex-élu du FN dans la région, pro-poutine convaincu, condamné pour proxénétisme, avait ouvert à Marseille une représentation diplomatique du Donetsk.
Poutine ? « Il est droit dans ses bottes ! » L’ukraine ? «Ça n’existe pas ! C’est un État artificiel. Tout le monde veut en grignoter un bout : la Pologne, la Hongrie… »
Quand on fait remarquer à Hubert Fayard, 64 ans, que seuls les chars russes en ont, pour l’heure, franchi les frontières, cela n’entame en rien ses « convictions ». « La Crimée appartient depuis toujours à la Russie. Dans le Donbass, 97 % de la population est russe », assène cet Antibois de naissance, Auvergnat de coeur et candidat au gré des circonstances électorales dans plusieurs communes de Provence-alpes-côte d’azur.
Premier adjoint de Catherine Mégret à Vitrolles
Au milieu des années 90, il fut le premier adjoint de Catherine Mégret à la mairie de Vitrolles. Vingt ans plus tard, en 2014, c’est l’hôtel de ville de Coudoux, une petite commune des Bouches-du-rhône, qu’il convoitait. Pour son dernier mandat en date, Hubert Fayard a dû se contenter d’un strapontin au conseil municipal, dans les rangs de l’opposition.
Celui qu’il voulait détrôner n’en garde « pas un bon souvenir ». « Cette campagne a été particulièrement dure, se souvient Guy Barret qui est aujourd’hui encore le maire de Coudoux. Fayard était prêt à tout pour gagner. » Y compris faire distribuer à toute la ville « la lettre de soutien » que lui avait adressée Renaud Muselier. L’intéressé, qui a aussi été conseiller régional, s’en délecte encore et raconte volontiers l’anecdote en suivant du coin de l’oeil les cérémonies d’annexion des territoires du Donbass.
Déboires judiciaires
« Le président Poutine arrive sur la place Rouge », lâche-t-il au beau milieu de l’interview. Il ne pouvait rater un tel « événement ». Tant pis si Hubert Fayard y perd son titre au passage. Celui de consul de la République du Donetsk. L’homme a en effet défrayé la chronique en 2017 en ouvrant, à Marseille, la première (et dernière) représentation diplomatique de cet État autoproclamé que seule la Russie a reconnu à la veille d’envahir l’ukraine. « C’est à partir de ce moment que les “emmerdes” ont commencé », souffle Hubert Fayard, qui ne fait pas référence au déluge de bombes qui s’est abattu sur l’ukraine mais à ses propres déboires judiciaires. Pour l’inauguration de son « consulat », Hubert Fayard a pris soin d’inviter la presse. Même quelques élus phocéens avaient fait le déplacement. « Ainsi que deux pieds nickelés, raconte-t-il. Deux colonels appartenant au personnel militaire de l’ambassade d’ukraine en France, venus pour nous renifler. »
De « consul » à détenu
Car évidemment, Kiev n’a guère goûté son initiative. « Ils ont demandé la dissolution de notre association. Nous avons gagné en première instance. Mais perdu en appel. »
Qu’importe, le « consul » Fayard avait « un plan B », « une seconde association a été créée ». Elle aussi dissoute par la justice au printemps dernier. Cette fois, il n’avait plus les moyens de poursuivre en appel. « De toute façon ça n’a plus d’importance aujourd’hui, tranche Hubert Fayard, puisque le Donbass fait désormais partie de la Russie depuis quelques heures. » L’ancien élu a aussi été condamné en avril 2019 à 18 mois de prison pour proxénétisme aggravé.
Sur cette autre bataille judiciaire, il s’étend moins : « J’ai eu le malheur d’aider une fille qui était en fait une escort-girl », lâche-t-il en guise d’explication.
Il semblerait qu’une agence de rencontres, baptisée « Amour de Russie », qu’il avait d’ailleurs enregistrée à la même adresse que la « représentation » de la République populaire de Donetsk, était au coeur de l’affaire. Elle a valu à Hubert Fayard quatre mois de détention. « Quand ils sont venus m’arrêter, il n’y avait pas que des policiers de Marseille. Il y avait aussi des agents de la DGSI [les services de contre-espionnage français] », assure-t-il, comme s’il s’agissait d’une barbouzerie. «Laprisonçaaétédur.» Hubert Fayard se demande même si ce n’est pas à cause d’elle qu’il a déclenché le cancer des poumons contre lequel il se bat aujourd’hui. « Ça fait prendre du recul », affirmet-il, sans rien renier de ses engagements. Au contraire, il trouve « dégueulasses » ses anciens camarades de partis qui « en quatre ans ont tous retourné leur veste » et fustigent aujourd’hui la Russie. « Alors que c’était les premiers à vouloir se faire inviter en Crimée ou à Moscou. »
Beaucoup de politiciens de cette « droite dure » dont il se revendique sans complexe.
« J’ai même croisé Mélenchon sur la place Rouge »
Mais Hubert Fayard assure qu’il a aussi « croisé Mélenchon » sur la place Rouge à l’occasion du traditionnel défilé de la Grande marche du peuple, le 9 mai 2018.
Fayard, lui, est rapidement passé du RPR au « Front national canal historique », avant d’égrainer à peu près tous les partis qui se situent à la droite de la droite. Du MNR de Bruno Mégret à Reconquête ! d’eric Zemmour, en passant par Debout La France, le MPF de de Villiers ou encore le CNI.
À sa décharge il s’est engagé en politique « très tôt », « sur les traces de [son] père ». Avant de regagner Le Puy-en-velay, il était gardien de maison au cap d’antibes. « Je suis né à la villa Balzac, la première à l’entrée du cap, raconte-til. Mon papa s’occupait de l’entretien. Ma mère en était la cuisinière. J’ai grandi avec les histoires des personnages célèbres qui étaient passés par celle villa : Ava Gardner, Henry Miller, le mari de Marilyn Monroe. » Hubert Fayard relate une enfance « heureuse », faite « de parties de pêche, de baby-foot et de mobylettes ». Des études « classiques » : « le lycée agricole, puis une école spécialisée en cynégétique ». Il est passionné de chasse.
S’enchaînent les boulots qui semblent aussi variés que ses étiquettes politiques.
Il a notamment travaillé chez Pfizer. Mais c’est en tant que journaliste free-lance qu’il part en 2014 couvrir le soulèvement de Maïdan à Kiev puis dans le Donbass. « Je me suis retrouvé dans le bordel. J’ai vu les croix gammées taguées sur les murs. Les nazis qui occupaient la mairie. Les obus ukrainiens qui tombaient sur les civils… Aujourd’hui encore ce sont les Ukrainiens, pas les Russes, qui prennent pour cible les centres commerciaux. »
Hubert Fayard en est persuadé, même s’il avoue ne pas avoir remis les pieds à Donetsk depuis 2018. Tout comme il est sûr que ce sont les Américains qui ont saboté les gazoducs en mer baltique. Et il ne compte pas « changer d’avis ».