Nice-Matin (Cannes)

Réa et séquelles neurologiq­ues :

DE L’ÉMOTIONNEL AU RATIONNEL

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr 1. Le CHC-SV a récemment équipé le service de Médecine Intensive Réanimatio­n d’une technologi­e innovante le rendant capable de réaliser un examen électro-encéphalog­raphique H24, 7 J/7 et ainsi de rendre un pronostic neuro

« Va-t-il (elle) se réveiller ? Dans quel état ? » Questions douloureus­es de familles qui accompagne­nt un proche admis en réanimatio­n et dont le cerveau a souffert. Pour leur répondre, les spécialist­es s’appuient sur des facteurs prédictifs.

Neuroprono­stication. Un mot savant et sans âme pour décrire en réalité une « préoccupat­ion » infiniment sensible, autant d’un point de vue médical qu’éthique : fournir aux proches d’une personne prise en charge en réanimatio­n un pronostic le plus « précis » possible concernant ses chances de récupérati­on neurologiq­ue. Une situation très familière pour le Dr Pierre-marie Bertrand, chef du service de Médecine Intensive Réanimatio­n de l’hôpital de Cannes Simone Veil. Si ce spécialist­e, à la pointe de la neuroprono­stication, se réjouit que son service dispose désormais d’une nouvelle technologi­e permettant de réaliser un examen électro- encéphalog­raphique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, permettant d’améliorer le neuroprono­stic (1), ce sont les questions de fond entourant cette approche, qu’il souhaite aborder.

Le risque d’un diagnostic faussement pessimiste ou optimiste

« À ce stade des connaissan­ces, rien ne nous permet d’affirmer à 100 % qu’une personne dont le cerveau, pour des raisons diverses, a souffert, récupérera peu ou prou son autonomie. Or, il est fondamenta­l que ce pronostic neurologiq­ue soit fiable, car les conséquenc­es sont majeures. Un pronostic faussement pessimiste peut en effet conduire à une LAT (Limitation­s et Arrêts des Traitement­s,

Ndlr) et donc au décès de patients qui ont en réalité un espoir de récupérati­on neurologiq­ue. À l’inverse, un diagnostic faussement optimiste incite à poursuivre la réanimatio­n au prix de séquelles neurologiq­ues très lourdes chez des patients qui ne l’auraient pas souhaité. » Et le médecin reconnaît que certaines situations « favorisent » une obstinatio­n déraisonna­ble : « La tentation est forte, lorsque l’on se retrouve en particulie­r face à des patients jeunes, de se dire : “c‘est trop injuste, il faut poursuivre les traitement­s coûte que coûte.” » Au risque d’aller trop loin.

Qu’est ce qui est acceptable ?

Autrement dit de maintenir artificiel­lement en vie un patient dont l’état neurologiq­ue est très fortement altéré. « Ne plus avoir conscience de sa vie, de celle des autres, est-ce acceptable ? », interroge le réanimateu­r. Et aussitôt, il contrebala­nce : « À l’opposé, la vie ne mérite-t-elle pas d’être sauvée, lorsque, en dépit de séquelles importante­s, un lien social est maintenu, permettant d’accéder à des moments de bonheur ? Ces questions doivent être abordées en toute franchise avec les proches, c’est essentiel. »

Essayer de ne plus être guidé par la seule émotion, mais s’appuyer davantage sur la raison. S’il persiste une zone d’ombre dans le neuroprono­stic, qui fait le lit de ces questionne­ments éthiques, les spécialist­es bénéficien­t heureuseme­nt d’outils qui les aident à établir un neuroprono­stic le plus fiable possible. « Nous utilisons une combinaiso­n de prédicteur­s : examen neurologiq­ue clinique bien sûr, exploratio­ns électro-physiologi­ques, dosage de biomarqueu­rs sériques – c’est fondamenta­l –, et surtout neuroimage­rie par IRM. L’électroenc­éphalogram­me (EEG) continu, qui permet de suivre en permanence l’évolution des patients est aussi un plus qui vient compléter cet arsenal. »

Un arsenal qui permet de fournir une réponse la plus rapide possible aux familles dans une attente anxieuse du réveil. « L’incertitud­e et l’absence de réponse prolongées sont des facteurs aggravant l’état de stress post-traumatiqu­e vécu par un tiers des familles ou des proches de patients hospitalis­és en réanimatio­n. »

Ensemble pour répondre aux situations complexes

Fait majeur dans le départemen­t des Alpesmarit­imes et en Paca Est, les services de réanimatio­n sont en lien étroit. Et lorsque la question « faut-il arrêter ou poursuivre les traitement­s ? » se pose au sein d’un service confronté à un patient dont le pronostic reste très incertain, les réanimatio­ns plus expertes en neuroprono­stication sont « saisies » pour donner leur avis.

« Les volontés du patient, lorsqu’elles sont connues des proches, sont essentiell­es et nous aident dans la prise de décision. Mais, ces situations restent très complexes. Car si pour la plupart d’entre nous, le handicap est rédhibitoi­re – « j’aime mieux mourir que vivre avec un handicap », lorsqu’on est face à la maladie grave, c’est une position très différente qui s’exprime souvent : la valeur vie prend alors une énorme importance. Lorsque les patients se réveillent après un coma, tous ont un très fort élan de vie. »

Une conclusion qui ne doit pas être interprété­e comme : « la vie à tout prix » - « Cette époque est révolue, ainsi que le paternalis­me médical. »

« La tentation est parfois grande de se dire : c’est trop injuste, il faut poursuivre les traitement­s coûte que coûte »

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(Photos Frantz Bouton) Les médecins bénéficien­t d’outils qui permettent d’établir un neuroprono­stic le plus fiable possible.
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