Raoult attaque un Azuréen qui dénonce ses fraudes
Dès mars 2020, le lanceur d’alerte et militant anti-intox Alexander Samuel a débusqué les « tricheries » de Didier Raoult. L’ancien patron de L’IHU de Marseille l’attaque en diffamation.
Didier Raoult tient-il à soigner sa sortie, ou à faire payer ceux qui dénoncent ses fraudes ? En tout cas, il n’aime pas être qualifié de « gourou de la chloroquine ».
Trois ans après le début de l’épidémie qui l’a mis sur le devant de la scène, les enquêtes et les rapports accablants se multiplient au sujet de l’ancien patron de L’IHU de Marseille, comme celui de l’inspection générale des affaires sociales (Igas). Pressions sur les médecins, consentements de patients douteux, étude « truquée »… Le rapport met en lumière tout un système de dérives mené par Didier Raoult, qui lui a notamment permis de faire croire au remède miracle. Coûte que coûte, il a défendu l’usage de l’hydroxychloroquine contre le coronavirus et l’a prescrite. Alors qu’il est avéré qu’elle ne le soigne pas. Mais en parallèle, le scientifique en déchéance attaque ceux qui s’en prennent à lui, comme l’azuréen Alexander Samuel, visé par une plainte pour diffamation et injures publiques.
La « gigantesque escroquerie » du « druide de la chloroquine »
Cet ancien « gilet jaune » de 37 ans, docteur en biologie et professeur de sciences au lycée professionnel Léonchiris à Grasse s’est d’abord fait connaître en dénonçant la toxicité des gaz lacrymogènes, puis en tant que militant anti-intox pendant la pandémie. Didier Raoult l’attaque pour avoir traduit et relayé sur son blog des propos du journaliste scientifique ukrainien, Leonid Schneider (lui aussi visé par une plainte), spécialisé dans les questions d’intégrité et d’éthique en sciences.
Les propos concernent le « gourou » et le « druide de la chloroquine » : « données falsifiées », « fraude financière », « gigantesque escroquerie », « essais cliniques ostensiblement illégaux »…
Selon l’avocat de l’ancien directeur de L’IHU de Marseille,
Brice Grazziani, quatre personnes ont fait l’objet de plaintes pour diffamation. « On pouvait déposer cent plaintes par jour, notamment au plus fort de la pandémie, lorsque M. Raoult était attaqué de toutes parts, défend-il. On a fait le choix de se concentrer sur les plus graves. Ici, il est gravement mis en cause. »
« L’étude était totalement bidon »
Les plus graves ou les plus opiniâtres ? Ou les plus isolés ? Engagé sur son temps libre contre les fausses informations et leur propagation, Alexander Samuel, dont la biologie moléculaire est le domaine d’études, fait partie des tout premiers à avoir débusqué et dénoncé des « tricheries » de Didier Raoult.
Dès le 23 mars 2020, il s’en prend sur Twitter à la première étude du Marseillais défendant la chloroquine. Délais de publication «impossibles », conflits d’intérêts (un des auteurs était également éditeur de la revue), « trucages »… «L’ensemble des scientifiques avaient compris qu’il y avait une fraude, qu’elle était totalement bidon », raconte Alexander Samuel. Des éléments que confirme le rapport de l’igas, plus de deux ans après.
Militant sur les réseaux sociaux mais aussi dans les manifestations contre les fausses infos pendant la pandémie, Alexander Samuel a senti l’influence du professeur marseillais : « Didier Raoult, ça se limitait d’abord à de la fraude scientifique. Puis, il a commencé à faire son émission. On appelait ça le “mardi conspi’’. Ses vidéos faisaient 500 000, un million de vues. Il s’appuyait sur la science, mais avec des concepts foireux, qu’on voyait fleurir dans les manifestations. À chaque fois, il fallait debunker (démonter). »
« L’objectif, c’est de faire taire des gens »
Didier Raoult est donc l’un des personnages qu’il a le plus évoqués dans ses publications. Récemment encore, il a coécrit une vidéo. Alors, la plainte le fait sourire : « Avec tout ce que j’ai écrit sur lui, il n’a trouvé que la traduction de Leonid pour m’attaquer… Aujourd’hui, il se présente en victime, alors qu’il a passé son temps à dire que les médecins refusaient de soigner les gens parce qu’ils étaient corrompus. Ça rendait les gens très virulents. » Alexander Samuel considère être un lanceur d’alerte. Et voit ces attaques comme « des plaintes baillons » contre laquelle il se défend à ses frais. « J’ai eu des propos engagés, mais je m’appuie sur des publications. Mais l’objectif, c’est de faire taire des gens. »
« Ce n’est pas une procédure bâillon, répond l’avocat de Didier Raoult. On ne se donne pas le statut de lanceur d’alerte, il est donné par la loi. Mais la loi est plutôt bien faite : s’il apporte la preuve de ce qu’il dit est vrai, il ne pourra pas être condamné en diffamation. »