Le Brésil aux urnes, duel de titans entre Lula et Bolsonaro
Les Brésiliens se sont pressés en masse dans les bureaux de vote hier, pour une élection dont le président sortant Jair Bolsonaro menacait de contester le verdict. Les résultats étaient attendus dans la nuit.
La présidentielle brésilienne vat-elle virer au chaos ? « Si les élections sont propres, aucun problème. Que le meilleur gagne ! », a déclaré hier le chef de l’etat d’extrême droite Jair Bolsonaro en votant en matinée à Rio de Janeiro. Agacé par les questions insistantes de la presse, Bolsonaro, vêtu du maillot jaune et vert de l’équipe nationale de football sous lequel il portait un gilet pare-balles, n’a pas voulu dire clairement s’il reconnaîtrait le résultat du scrutin. L’ex-président de gauche (20032010) Luiz Inacio Lula da Silva, a voté peu avant à Sao Bernardo do Campo, banlieue ouvrière de Sao Paulo. « Pour moi, c’est l’élection la plus importante », a affirmé l’ancien métallo, qui dispute sa sixième course présidentielle pour briguer un troisième mandat, 12 ans après avoir quitté le pouvoir avec un taux de popularité stratosphérique (87 %). « Nous ne voulons plus de haine, de discorde. Nous voulons un pays en paix » a-t-il dit en référence aux fractures d’un Brésil très polarisé, qui compte 214 millions d’habitants.
Les files d’attente s’allongeaient devant les bureaux de vote dans l’après-midi, les électeurs souvent habillés du jaune et vert bolsonariste ou du rouge luliste devant patienter parfois plus d’une heure pour voter en raison de l’affluence. À la mi-journée, le président du Tribunal supérieur électoral (TSE), Alexandre de Moraes, a assuré que le vote se déroulait « sans problème », et a tenu à « réaffirmer la fiabilité et la transparence » du système d’urnes électroniques, moult fois critiqué par Jair Bolsonaro.
Lula largement favori
L’institut de référence Datafolha donnait Lula, 76 ans, à la tête du Parti des Travailleurs (PT), largement devant au premier tour, avec 50 % des votes exprimés, contre 36 % pour Bolsonaro, 67 ans (Parti Libéral).
« On a vraiment peur parce que le climat est tendu, mais on a préféré montrer notre opinion », déclare à Sao Paulo Isabela Queiroz, 39 ans, venue voter, vêtue en rouge, avec une amie. « Je suis chrétienne, je ne vote que pour les candidats qui sont d’accord avec ce qui est écrit dans la Bible, alors je vote Bolsonaro », exprime Aldeyze dos Santos, 40 ans, femme au foyer à Brasilia.
En Amazonie, les indigènes Kambeba se sont rendus dans une école pour aller voter au moyen de barques naviguant sur le Rio Negro.
« La question est de savoir s’il y aura un deuxième tour ou non, et c’est impossible à prédire », estimait hier Adriano Laureno, analyste chez les consultants Prospectiva.
Une victoire de Lula signerait un comeback inespéré quatre ans après son incarcération controversée pour des soupçons de corruption. Sa campagne a lancé un appel au «voteutile» pour une victoire dès le premier tour. Cela lui éviterait quatre semaines supplémentaires de campagne à couteaux tirés jusqu’à un second tour le 30 octobre, qui pourrait permettre au populiste Bolsonaro de galvaniser ses troupes et de trouver un nouvel élan.
Remake brésilien de Trump et de l’assaut du Capitole ?
« Je pense que Bolsonaro va contester le résultat s’il perd », ajoute Laureno, « mais cela ne veut pas dire qu’il va réussir. La communauté internationale va reconnaître le résultat rapidement ». Beaucoup redoutent un remake brésilien de l’assaut du Capitole à Washington en 2021 après la défaite de Donald Trump.