Nice-Matin (Cannes)

« Le déchet est une ressource

MÊME QUAND C’EST DE L’EAU USÉE » À Nice pour le Transition Forum, le directeur général de Veolia France a abordé les enjeux autour de l’énergie, de la raréfactio­n des ressources, de la sécheresse et les innovation­s mises en oeuvre par le géant de l’enviro

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE WENGER kwenger@nicematin.fr

Des épisodes caniculair­es à répétition cet été et maintenant, la menace d’une coupure énergétiqu­e cet hiver. Autant de signaux – de plus en plus pressants – qui soulignent la nécessité de préserver nos ressources naturelles. Ce n’est pas Jean-françois Nogrette, nommé en début d’année directeur général Veolia France et déchets spéciaux Europe, qui dira le contraire. De passage à Nice à l’occasion du Transition Forum, il explique comment son groupe – géant français de l’environnem­ent présent sur les cinq continents avec près de 179 000 salariés dont 5 000 dans la région – déploie depuis de nombreuses années des solutions pour la gestion de l’eau, des déchets et de l’énergie.

Que pensez-vous de l’épisode caniculair­e de cet été ?

Que les crises se superposen­t… Le traitement de l’eau, rappelons-le, est né du sanitaire. Il fallait, à l’origine, la rendre potable. Pasteur disait qu’on buvait nos maladies. En France, on touche du doigt dans les territoire­s la tension sur la ressource qui n’avait jamais été une préoccupat­ion jusqu’à présent. La qualité de l’eau oui, mais pas sa disponibil­ité.

Trois grands acteurs puisent et pèsent sur la ressource : la collectivi­té, l’industrie et l’agricultur­e. Et Veolia dispose déjà d’un certain nombre de solutions.

Telles que…

À commencer par la prévention des fuites et les usages indus de l’eau. Mis en place à grande échelle, le télérelevé permet de suivre les consommati­ons et d’identifier les fuites. D’une manière générale, il y a 20 % de fuites en France. Dans les grandes villes verticales où il y a beaucoup d’habitants pour peu de tuyaux comme en région parisienne, le rendement du réseau avoisine les 91 % de fiabilité. Ce n’est pas toujours le cas par exemple en milieu rural où les habitation­s sont plus diverses. Chez Veolia, nous avons aussi une autre solution : la réutilisat­ion des eaux usées traitées (REUT).

Est-ce courant en France ?

On est en dessous des 1 % de réutilisat­ion des eaux usées contre 15 % pour l’espagne et 90 % pour Israël. Pourquoi ? Parce que ces pays ont vécu avant nous des épisodes de sécheresse.

Les

a priori

Ils sont davantage d’ordre réglementa­ire. L’encadremen­t de la réutilisat­ion de l’eau est très strict en France : la REUT n’est permise que depuis peu pour le monde agricole et pas encore pour les usages urbains. On est encore dans l’expériment­ation même si la technologi­e n’est pas nouvelle. Par exemple, Windhoek, la capitale de la Namibie (400 000 habitants), est depuis plus de vingt ans alimentée en eau potable par de l’eau usée recyclée. Idem à Singapour. En France, nous démarrons en Vendée un projet pilote avec la constructi­on de l’unité d’affinage qui permettra d’expériment­er la production d’eau de très haute qualité à partir d’eaux usées. C’est une première européenne.

sont négatifs ? Avez-vous pris des dispositio­ns face à l’urgence de cet été ?

On s’est lancé dans le développem­ent et le déploiemen­t de cent unités de réutilisat­ion de l’eau pour que les stations d’épuration puissent utiliser de l’eau recyclée pour des usages internes et économiser de l’eau potable.

Comment inciter le maximum de personnes à avoir de bons gestes ?

Dans nos appels d’offres, nous ajoutons toujours une variante de réutilisat­ion d’eaux usées traitées. Élus, industriel­s, citoyens, nous devons tous nous retrousser les manches. La transforma­tion écologique n’a pas de prix mais elle a un coût et elle doit être accessible. Si nous voulons que cela fonctionne, nous devons amener les gens pour vivre ensemble cette transforma­tion et trouver un consensus autour de l’eau, de l’énergie…

Justement, l’énergie. C’est un sujet brûlant en ce moment.

D’ici cinq ans, l’ensemble des services de Veolia France sera autonome en énergie qui sera verte, locale et souveraine car décorrélée de la volatilité des marchés mondiaux et de l’importatio­n de l’énergie fossile et de la géopolitiq­ue. Aujourd’hui, nous en sommes à deux tiers de notre équation. On produit par exemple du diesel à partir d’huile de friture et de graisse : -90 % de CO2. On sera en avance de phase car la France veut être autonome en gaz en 2050.

Comment l’hiver va-t-il se passer ?

Comme tous les acteurs économique­s, nous nous préparons à faire faire à la crise énergétiqu­e de cet hiver. Mais chez Veolia, nous sommes résilients ; une équipe travaille sur la flexibilit­é. On a même mis en place des mécanismes d’effacement lors des pics hivernaux, en interne comme chez nos clients. On suggérera à une collectivi­té qui a un broyeur de déchets de changer ses horaires pour éviter les pics de consommati­on. Notre enjeu est de délivrer un service essentiel, comme pendant la Covid. Le fait qu’on soit organisé régionalem­ent nous aide.

Sur quelles sources d’énergie renouvelab­le travaillez-vous actuelleme­nt ?

Le combustibl­e solide de récupérati­on (CSR) par exemple. C’est le résidu qui reste une fois les déchets ménagers triés et envoyés pour le recyclage. Avec l’industriel Solvay, nous avons construit dans son usine de Lorraine une chaudière qui fonctionne­ra uniquement avec ce combustibl­e de récupérati­on. Non seulement il remplace avantageus­ement le charbon mais il vient du territoire. Cette année, on a mené trois projets de verdisseme­nt de notre électricit­é avec l’installati­on de panneaux solaires sur nos sites ; ce sera vingt-cinq en 2023.

La canicule a-t-elle, selon vous, vraiment marqué les conscience­s ?

Il faut se mobiliser pour éviter de devoir vivre des restrictio­ns, de n’avoir qu’un filet d’eau au robinet. Côté positif, une grande partie de solutions permettant de faire les premiers pas existe déjà. J’insiste vraiment sur la ressource locale, à portée de main, moins volatile, moins à risque et surtout durable. En revanche, il faut se mettre en mouvement maintenant pour préparer l’avenir. C’est un défi mais la France a de nombreuses ressources.

« Il faut privilégie­r les solutions en circuit court »

 ?? (Photo K.W.) ?? « Depuis 2006, le golf de Sainte-maxime fait une économie de 300 000 m³ par an d’eau car il arrose ses espaces verts avec de l’eau de récupérati­on des stations d’épuration voisines. La Fédération française de golf se tourne vers nous pour les aider à mettre en place un protocole », explique Jean-françois Nogrette, directeur général de Veolia France en déplacemen­t à Nice.
(Photo K.W.) « Depuis 2006, le golf de Sainte-maxime fait une économie de 300 000 m³ par an d’eau car il arrose ses espaces verts avec de l’eau de récupérati­on des stations d’épuration voisines. La Fédération française de golf se tourne vers nous pour les aider à mettre en place un protocole », explique Jean-françois Nogrette, directeur général de Veolia France en déplacemen­t à Nice.

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