Nice-Matin (Cannes)

Zero Dark Thirty low-cost

- M. F. De Cédric Jimenez (France). Avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kimberlain, Jérémie Renier, Lyna Khoudri, Raphaël Quenard, Cédric Khan... Thriller. 1 h 40. Notre avis : CÉDRIC COPPOLA magazine@nicematin.fr

Le cinéaste livre une oeuvre choc qui invite les spectateur­s à revivre la traque des terroriste­s en compagnie d’un casting haut de gamme où l’on retrouve notamment Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain, Jérémie Rénier et Lyna Khoudri. L’histoire

Une plongée au coeur de l’antiterror­isme pendant les cinq jours d’enquête qui ont suivi les attentats du 13 novembre à Paris.

Notre avis

Un an après le passage remarqué au Festival de Cannes de Bac Nord, Cédric Jimenez était de nouveau sur la Croisette avec son dernier film hors compétitio­n : Novembre. Nous voilà dans le sillage des attentats du 13 novembre dans la capitale et l’intrigue se concentre sur l’enquête de l’anti-terrorisme pour mettre la main sur Abdelhamid Abaaoud. Une traque qui se terminera par un assaut d’une violence rare – plus de 1 500 cartouches tirées par les forces de l’ordre – dans un immeuble insalubre de Saint-denis avec, comme conclusion, la mort du terroriste ainsi que celle de deux complices. Le parallèle avec le film Zero

Dark Thirty de Kathryn Bigelow, Oscar du meilleur film en 2013, qui retraçait, lui, la traque de Ben Laden après le 11-Septembre est évident mais la comparaiso­n s’arrête là. Novembre se regarde comme un film du samedi soir, on le traverse sans jamais vraiment rentrer dedans à l’exception de la scène de l’assaut qui emprunte les mêmes codes que celui des Seals sur Abbottabad : intensité, vision nocturne, tension. Mais globalemen­t, on reste à la porte de Novembre, notamment en raison du casting qui, bien qu’alléchant sur le papier, est au minimum syndical à commencer par un Jean Dujardin inexpressi­f et quelconque en patron de l’anti-terrorisme. On est loin du très bon et très nerveux HHHH de Jimenez sorti en 2017 et on reste vraiment sur notre faim. Novembre n’est pas un mauvais film, notamment parce que Lyna Khoudri apporte une vraie humanité et explore un pan de la traque peu médiatisée, mais c’est trop peu pour un tel sujet. Et la comparaiso­n naturelle avec Revoir Paris d’alice Winocour, qui traite les attentats sous un autre prisme et sorti le mois dernier n’aide pas non plus.

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Votre précédent film, a fait polémique et a été repris par des politiques de droite. Comment l’avez-vous vécu ?

Pas très bien… et, en même temps, j’ai essayé de prendre de la distance. Je ne peux pas empêcher les gens de récupérer les films. Que ce soit le public ou les personnali­tés politiques, cela fait partie du jeu. Après, je trouve cela vraiment triste qu’un film devienne l’objet d’une campagne, un argument du programme… c’est délirant ! Et, effectivem­ent, que cela vienne de gens que je n’ai même pas envie de citer et dont je ne partage pas du tout les idées m’énerve encore plus. Leur démarche de dire : “Si vous voulez comprendre la France allez voir Bac Nord” est tellement absurde… Non, si on veut comprendre la France, il faut aller sur le terrain, pas voir des films. J’ai réalisé une fiction ! Gilles Lellouche est comédien, pas de la Bac et, à l’écran, ce sont des figurants. Il faut donc mettre un peu de distance.

Le juge Michel dans les soldats tchèques dans des représenta­nts des forces de l’ordre dans et dans D’où vous vient l’envie de filmer des personnes liées au respect de la loi ?

Novembre.

La French, HHHH,

Bac Nord

Bac Nord,

Bruce Willis dans Die Hard, c’est du pur fantasme. Le réel me touche beaucoup et, parfois, me bouleverse. Il est vrai qu’il y a des thématique­s un peu récurrente­s dans mon travail. Mais c’est plutôt le thème de l’individual­ité broyée par la machine qui m’intéresse plutôt que les institutio­ns. Il se trouve que la police n’a pas été ma meilleure amie pendant très longtemps à Marseille. Bien au contraire… Mais je déteste ce phénomène de pour ou contre manichéen et du concept “être de gauche, c’est être contre les flics”… Au contraire, je suis quelqu’un plutôt à gauche et je n’ai pas besoin de détester qui que ce soit ! J’ai plutôt envie d’aimer les gens, de partager, de ne pas stigmatise­r. La French vient de mon père, qui était plutôt proche de Zampa. C’était le point de départ, mais l’angle du juge Michel m’a paru évident par la dramaturgi­e qui s’en dégage. Ensuite, Bac Nord, je suis un enfant des quartiers Nord et les médias ont parlé de cette affaire. Ils ne sont pas les seuls et on a fini par croire que la Bac a pris le contrôle des trafics de ces quartiers ! Or, je sais que c’est faux. J’ai donc creusé, je me suis intéressé à eux et je me suis fait violence pour adopter leur point de vue. C’est une affaire complexe.

Cette fois, vous ne signez pas le scénario. Vous avez été séduit par ce projet lors de la lecture ?

Effectivem­ent. C’est Olivier Demangel, le scénariste, qui m’a transmis le scénario. Au début, je n’étais pas trop chaud. La douleur des attentats est vive… Cela peut être obscène et on n’a pas envie de manquer de respect à qui que ce soit et, en particulie­r, aux familles touchées par ces terribles évènements. Je ne voulais pas être celui qui ravive ces douleurs… Cependant, lors de la lecture, j’y ai vu la pudeur et l’intelligen­ce du propos. Le fait qu’olivier ne reconstitu­e pas les attentats et se concentre uniquement sur ces cinq jours – avec un point de vue radical – et qu’on participe plus à l’onde de choc qu’au choc lui-même m’a intéressé. J’y ai vu une autre façon de raconter cette tragédie et la possibilit­é de montrer que la démocratie a eu, à ce moment-là, une manière digne, respectabl­e de répondre à l’innommable.

Pas de pathos, pas de psychologi­e, pas d’intrigues secondaire­s. Vous multipliez les choix forts… et payants.

C’était déjà le cas dans le script mais j’ai poursuivi dans cette voie. J’ai écouté les membres de la SDAT [Sous-direction Antiterror­iste, ndlr] qui m’ont parlé de l’effet tunnel. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas dormi, sont restés concentrés et ont laissé de côté leurs émotions personnell­es pour se focaliser sur l’arrestatio­n de ces deux terroriste­s qui s’apprêtaien­t à frapper à nouveau. Cette urgence, cet enjeu, dépasse tout ! Ils ont donc débranché famille, cerveau, coeur pour atteindre leur objectif. J’ai respecté cela. C’était mon credo.

Quelle a été la méthode pour coller au plus près à la réalité de cette traque ?

Il y avait des consultant­s, les gens de la SDAT nous ont, là aussi, aidés… Ils ont beaucoup oeuvré pour qu’on puisse s’approcher de la réalité. Ils nous ont montré comment les services fonctionna­ient, l’organisati­on, l’esprit très pyramidal, pourquoi ils avaient mis plein de monde en garde à vue en même temps… Il ne faut pas oublier qu’ils ne savaient pas qui ils cherchaien­t et n’avaient donc pas de réseau à infiltrer. C’était une mission quasi impossible… De mon côté, je les appelais régulièrem­ent pour savoir si tel ou tel élément était juste. Comme c’est secretdéfe­nse, ils ne répondent jamais par l’affirmativ­e mais me disaient : ‘‘Oui Cédric, là tu t’approches de la réalité…’’ Et quand je partais dans une mauvaise direction, ils m’alertaient également. Nous avons cependant changé les identités et nous avons été très précaution­neux pour protéger l’instructio­n.

« Une autre façon de raconter cette tragédie »

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(Photo Patrice Lapoirie) Anaïs Demoustier, Cédric Jimenez, Sandrine Kiberlain et Lyna Khoudri lors du dernier Festival de Cannes.
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Navet Médiocre

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