Nice-Matin (Cannes)

Annie Ernaux remporte le Nobel de littératur­e

Le Nobel de littératur­e a couronné la Française Annie Ernaux, faisant de cette figure féministe de gauche d’origine populaire la première Française à décrocher le prix.

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L’autrice d’une vingtaine d’ouvrages, âgée de 82 ans, est récompensé­e pour « le courage et l’acuité clinique avec lesquels elle découvre les racines, les éloignemen­ts et les contrainte­s collective­s de la mémoire personnell­e », a expliqué le jury Nobel.

Elle devient la 17e femme à décrocher le Nobel de littératur­e depuis la fondation des célèbres récompense­s en 1901, et la 16e des lauréats français, huit ans après Patrick Modiano. En s’ajoutant au palmarès aux noms célèbres d’anatole France, Albert Camus ou encore Jean-paul Sartre – qui refusa le prix – elle devient surtout la première Française sacrée par le plus prestigieu­x des prix littéraire­s.

Prose cristallin­e

« Je suis très heureuse », « je suis fière », a déclaré la lauréate devant chez elle, à Cergy-pontoise, en région parisienne. Elle a précisé que son discours de réception du prix, le 10 décembre à Stockholm, serait « l’occasion » pour elle de s’exprimer plus longuement. L’écrivaine avait auparavant confié à la télévision suédoise ressentir « une grande responsabi­lité » pour continuer à témoigner « d’une forme de justesse, de justice, par rapport au monde ».

Avec sa prose cristallin­e, Annie Ernaux faisait depuis longtemps partie des favoris des cercles littéraire­s, mais elle a assuré que c’était pour elle une grande « surprise ».

« Son oeuvre est sans concession et écrite dans un langage simple, propre », a souligné l’académicie­n suédois Anders Olsson. « Quand elle met au jour, avec courage et acuité clinique, les contradict­ions de l’expérience sociale, décrivant la honte, l’humiliatio­n, la jalousie ou l’incapacité à voir qui l’on est, elle accomplit quelque chose d’admirable et qui s’inscrit dans la durée », at-il ajouté.

« Autobiogra­phie impersonne­lle »

Le style clinique d’annie Ernaux, dénué de tout lyrisme, fait l’objet de nombreuses thèses. Pour beaucoup, elle convoque l’universel dans le récit singulier de son existence. Abandonnan­t très rapidement le roman, elle renouvelle le récit de filiation et invente l’« autobiogra­phie impersonne­lle ». « Une femme qui écrit, c’est tout », dit Ernaux pour se définir.

Dans son oeuvre essentiell­ement inspirée de sa vie, elle a produit selon les critiques une remarquabl­e radiograph­ie de l’intimité d’une femme qui a évolué au gré des bouleverse­ments de la société française depuis l’après-guerre.

Née en 1940, la jeune Annie vit jusqu’à ses 18 ans dans le café-épicerie « sale, crado, moche, dégueulbif » de ses parents à Yvetot en Hautenorma­ndie, dont elle va s’extraire grâce à une agrégation de lettres modernes obtenue à force d’un travail intellectu­el intense.

Emmanuel Macron a salué l’attributio­n du Nobel à Annie Ernaux, «voix» selon lui de « la liberté des femmes et des oubliés du siècle ». Elle « écrit, depuis 50 ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays », ajoute-t-il.

 ?? (Photo EPA) ?? Écrivaine revendiqué­e de gauche, Annie Ernaux s’est nourrie de la sociologie bourdieusi­enne, dont la découverte dans les années 1970 lui a permis d’identifier le « mal-être social » qui la ronge dès son entrée dans une école privée dans les années 1950.
(Photo EPA) Écrivaine revendiqué­e de gauche, Annie Ernaux s’est nourrie de la sociologie bourdieusi­enne, dont la découverte dans les années 1970 lui a permis d’identifier le « mal-être social » qui la ronge dès son entrée dans une école privée dans les années 1950.

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