Nice-Matin (Cannes)

Le RN se conjugue au passé recomposé

- Reporter politique edito@nicematin.fr

Vite fait, mal fait. Le 50e anniversai­re du Rassemblem­ent national a été expédié, hier, par un colloque organisé en catimini au Palaisbour­bon. Sans Jean-marie Le Pen, exclu du parti par sa propre fille en 2015.

C’est peu dire que le vieux lion, qui s’obstine à rugir à 94 ans révolus, embarrasse ses successeur­s. Le patriarche incarne ce passif qui ne passe pas ; les racines d’un mouvement né dans un marigot pétainiste, antisémite et révisionni­ste. Aux origines du Front national, on trouve notamment le néofascist­e François Duprat et Pierre Bousquet, ancien Waffen-ss de la Division Charlemagn­e – des personnali­tés que Jean-marie Le Pen persiste à juger « fréquentab­les » (1).

En quête de dédiabolis­ation, Marine Le Pen n’assume pas cette histoire qu’elle connaît pourtant mieux que personne. Elle fustige les « outrances » de son père, pointe des « erreurs, des maladresse­s, peut-être même parfois des fautes» (2), mais nie les fondamenta­ux d’extrême droite de son parti. En somme, suggère-t-elle, seul le tempéramen­t outrancier de Jean-marie serait contestabl­e. Une façon assez cynique d’induire que ce « problème » disparaîtr­a en même temps que son bouillonna­nt géniteur. En réalité, le continuum idéologiqu­e n’a jamais été rompu. L’ex-candidate RN à la présidenti­elle ne fait que poursuivre la stratégie engagée par ses prédécesse­urs. François Duprat, déjà, interdisai­t aux militants d’user d’un vocabulair­e raciste : il fallait plutôt évoquer le « coût social » de l’immigratio­n. Bruno Mégret, vingt ans plus tard, offrait aux militants de nouveaux éléments de langage. La « préservati­on des identités » se substituai­t à l’inégalité des races ; on ne fustigeait plus le métissage, mais on défendait ardemment le « droit à la différence ».

Les dirigeants actuels du RN ne font pas autre chose lorsqu’ils travestiss­ent leur ostracisme culturel sous les oripeaux d’une prétendue défense de la laïcité. Leur discours

« Marine Le Pen n’assume pas cette histoire qu’elle connaît pourtant mieux que personne »

féministe dissimule mal la mise en cause des «voyous» adeptes de Mahomet, accusés d’importuner les « Européenne­s » dans la rue. Et c’est bien le Rassemblem­ent national version 2022 qui, en avril dernier, proposait de distinguer les signes religieux musulmans – bannis de l’espace public – de ceux de toutes les autres religions.

Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons pour lesquelles l’histoire du parti est occultée. Sous le vernis du RN, le FN n’est jamais loin : seule change l’épaisseur du maquillage appliqué pour rendre les idées acceptable­s. 1. Notre interview du 9 septembre dernier. 2. Dans le journal Le Parisien du 4 octobre.

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