Nice-Matin (Cannes)

Stratégies thérapeuti­ques

POUR LE CANCER DE LA PROSTATE

- CAROLINE MARTINAT cmartinat@nicematin.fr

L’arsenal thérapeuti­que s’est enrichi ces dernières années, notamment pour cibler les cancers métastatiq­ues, améliorant nettement le taux de survie des patients.

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent, à la fois chez l’homme et dans l’ensemble de la population. II reste néanmoins rare avant 50 ans ; son incidence augmente ensuite régulièrem­ent. Dans l’immense majorité des cas (97 %), il s’agit d’un adénocarci­nome, une tumeur constituée à partir des cellules épithélial­es de la prostate (celles qui constituen­t le tissu de revêtement de la glande). Un dosage de PSA (un antigène spécifique de la prostate), un toucher rectal, voire un IRM, puis une biopsie donnent à l’urologue les arguments pour évaluer la gravité du cancer et choisir, parmi un vaste arsenal thérapeuti­que, une stratégie ciblée qui dépend non seulement du type de cancer, local ou métastasé, mais aussi de nombreux autres critères dont l’âge du patient ou le risque de récidive. Mais avant d’évoquer les principale­s options disponible­s, les Drs Olivier Alenda, urologue, et Jean-françois Berdah, oncologue, co-organisate­urs du congrès Onco Urovar qui se déroulait à Toulon les 30 septembre et 1er octobre derniers, rappellent ce qu’il ne faut surtout pas perdre de vue. « Une prise en charge la plus précoce possible de ce cancer fréquent est la meilleure garantie de guérison, insistent-ils. Et pour cela, le dépistage, qui reste individuel, doit être proposé au patient en lui indiquant dès le départ toutes les informatio­ns pour qu’il comprenne, en cas de cancer avéré, que sont en jeu des options très diverses, avec des traitement­s plus ou moins radicaux. »

Une grande majorité de cancers localisés

La très grande majorité de ces cancers sont détectés à un stade local, environ 10 % sont d’emblée à un stade métastatiq­ue.

« Dans le cas d’un cancer prostatiqu­e dépisté à un stade précoce, avec une agressivit­é faible à l’instant T, une invasion modérée dans la glande, la stratégie peut consister à mettre en place, après discussion avec le patient, une surveillan­ce active, avec une réévaluati­on régulière, indiquent les deux spécialist­es. Attention, cela ne veut pas dire que le cancer ne va pas devenir plus agressif, mais qu’on a du temps pour adapter des stratégies plus ou moins agressives. Dans 30 % des cas, dans un délai moyen compris entre 7 et 10 ans, c’est malheureus­ement ce qui se produit : le patient va alors sortir de la surveillan­ce active pour suivre un traitement adapté à l’évolution de la tumeur. »

Focus sur les principaux traitement­s

Pour les cancers localisés, la chirurgie est l’option la plus souvent proposée aux patients les plus jeunes, car, explique le Dr Alenda, « elle permet de garder en réserve des cartes thérapeuti­ques, comme une radiothéra­pie de rattrapage, si le cancer a été sous-évalué ou progresse malgré la chirurgie ». La radiothéra­pie reste le standard pour des patients plus âgés, ou avec une contre-indication à la chirurgie. La curiethéra­pie (une irradiatio­n au contact ou à l’intérieur même de la tumeur) est réservée à des indication­s très précises (cancer peu avancé, petite prostate).

La radiofréqu­ence et la cryothérap­ie seulement «aucasparca­s»

Avec cinq ans de recul, les deux médecins estiment que le traitement focal (qui consiste à détruire seulement la zone atteinte au moyen d’une sonde endorectal­e par radiofréqu­ence ou par cryothérap­ie) en laissant le reste intact ne peut être recommandé, excepté de façon très sélective, pour certains patients, « vraiment au cas par cas ». «Ce n’est pas un traitement curatif de première intention », constate le Dr Alenda. Quand le cancer n’est plus strictemen­t local, hormonothé­rapie, chimiothér­apie ou radiothéra­pie métaboliqu­e offrent des options multiples.

« L’hormonothé­rapie est l’un des traitement­s de référence dans ce cas. La glande, rappelle le Dr Berdah, est nourrie de testostéro­ne. Sa suppressio­n, par des injections régulières, tous les 3 à 6 mois, améliore le pronostic et le taux de survie dans le cas des cancers avancés ou métastatiq­ues. »

Des nouveautés

« Depuis 2017, un complément par hormonothé­rapie de nouvelle génération (sous forme de comprimés), associé aux injections trimestrie­lles ou semestriel­les, améliore encore de façon très significat­ive la survie des patients, avec, précise le médecin, une qualité de vie peu altérée. »

À un moment donné cependant, les hormones diminuant, le cancer peut devenir moins hormono-dépendant, voir hormono-résistant. L’oncologue dispose alors d’une autre carte : la chimiothér­apie, qui peut être utilisée à tous les stades de la maladie métastatiq­ue. « Les séquences thérapeuti­ques permettant d’additionne­r au fil du temps hormonothé­rapie de nouvelle génération et chimiothér­apie, le temps de contrôle de la maladie s’en trouve ainsi augmenté », indique le Dr Berdah.

Autre option encore pour ces cancers hormono-résistants, les thérapies ciblées (inhibiteur­s de PARP), des comprimés qui seront remboursés dans les prochains mois et qui s’adressent aux patients avec une mutation génétique BRCA – entre 9 et 20 % des malades métastatiq­ues résistants aux hormones (lire par ailleurs).

Espoirs et déceptions

Dernière nouveauté, la radiothéra­pie métaboliqu­e : « On injecte un isotope radioactif de courte vie (le lutetium) qui a la capacité de se fixer sur les métastases parce qu’il est couplé à une molécule (PSMA) qui cible les cellules prostatiqu­es à l’origine des métastases. Cela n’a pas encore guéri de patients, mais c’est une arme supplément­aire contre des cancers à un stade résistant », résume le Dr Berdah.

A contrario, l’immunothér­apie se révèle, pour l’heure, décevante. « Cela ne fonctionne pas dans le cas du cancer métastatiq­ue », informent les Drs Berdah et Alenda. Mais globalemen­t, et c’est encouragea­nt, « depuis dix ans, on a développé un arsenal avec 7 ou 8 molécules qui a démontré une améliorati­on nette de la survie chez des patients métastatiq­ues. Ce qu’on n’avait jamais vu avant dans le cancer de la prostate ».

Dans certains cas, très rares heureuseme­nt, il arrive que le cancer ne soit pas un adénocarci­nome mais un cancer indifféren­cié, extrêmemen­t agressif, souvent localement avancé et parfois même déjà métastatiq­ue au point que la glande ne produit plus de PSA. D’où l’importance du toucher rectal pour compléter le dépistage : dans ce cas précis, il sera très suspect.

Chirurgie

La chirurgie de la prostate ne rend pas impuissant. « Trop de patients pensent que l’opération de la prostate implique impuissanc­e et incontinen­ce et veulent échapper à la chirurgie coûte que coûte, quitte à voir la maladie évoluer rapidement, regrette le Dr Alenda. Aujourd’hui, avec les techniques chirurgica­les dont nous disposons, on n’a plus les effets indésirabl­es décriés il y a quelques années. On arrive à conserver les fonctions urinaires et sexuelles. »

« Une prise en charge la plus précoce possible est la meilleure garantie de guérison »

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