Nice-Matin (Cannes)

Festival de Mouans-sartoux

TATIANA DE ROSNAY, SANS FILTRE

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Attendue par de nombreux fidèles hier, l’écrivaine a évoqué Nous irons mieux, un dernier roman où l’une de ses héroïnes est touchée par des maux qui l’ont aussi concernée.

Dans cette salle haut perchée du cinéma La Strada ,elleest arrivée, égale à elle-même. Pleine d’élégance et de spontanéit­é. Pendant près d’une heure, l’écrivaine a échangé avec ses lecteurs, parmi lesquels une écrasante majorité de lectrices. Beaucoup semblaient avoir déjà dévoré Nous irons mieux demain, le quinzième roman de Tatiana de Rosnay, sorti le 15 septembre. On y croise deux femmes, séparées par une trentaine d’années. Dominique, la soixantain­e, est victime d’un grave accident de la route. Candice, une ingénieure du son, assiste à la scène et tente de secourir la victime. Le duo finira par se lier d’amitié. D’une manière que l’autrice a tenu à ne pas révéler, le grand Émile Zola s’invitera dans ce livre, présenté par Tatiana de Rosnay comme son roman « le plus personnel ».

Troubles de l’alimentati­on

Assez vite, elle a expliqué pourquoi elle affirmait cela. Le personnage de Candice est concerné par des troubles des conduites alimentair­es (TCA). « Ce problème m’a touchée pendant vingt-cinq ans, je m’en suis libérée il n’y a pas si longtemps. Même ma famille n’était pas au courant de ce que j’avais vécu. Écrire sur ce sujet, c’était une expérience enrichissa­nte et déstabilis­ante. Je l’ai abordée avec une certaine violence. Après, j’ai dû décider si j’assumais ou pas de faire le lien avec moi. [...] Le nombre de gens touchés par les TCA a explosé pendant le confinemen­t, je l’ignorais. Cela peut dévaster une vie. Je reçois des témoignage­s bouleversa­nts et inattendus, partout où je passe », assuré l’autrice.

Aller vers la lumière

aMalgré tout, Tatiana de Rosnay estime que Nous irons mieux demain la mène à basculer du côté lumineux de la force. « En écrivant ce roman, j’ai eu l’impression de me libérer de beaucoup de choses. J’ai eu l’impression de laisser une peau derrière moi, comme si j’étais en train de muer. Je me sens mieux aujourd’hui qu’à 30 ou 40 ans. Je crois avoir compris qui j’étais et ce que j’avais envie d’écrire. »

L’an dernier, la publicatio­n de Célestine du Bac, un texte écrit trente ans plus tôt, retrouvé dans des cartons à l’occasion d’un déménageme­nt, avait posé un premier jalon dans ce sens. « Ce livre a été une claque. Il y a de la spontanéit­é, de la fraîcheur. Alors que mes autres romans, comme Sentinelle de la pluie, étaient plutôt construits comme des cathédrale­s. Ce texte va vers la lumière, c’est assez rare pour moi. Habituelle­ment, mes fins sont assez noires, même si je suis assez joyeuse dans la vie. »

Zola derrière son épaule

Dans Célestine du Bac, Émile Zola passait déjà une tête. Logique, puisqu’avec Daphné du Maurier, il fait partie de ceux qui ont donné l’envie d’écrire à la Franco-anglaise. Avec humour, elle raconte comment celui-ci l’a accompagné­e. « Les Fleurs de l’ombre est sorti en mars 2020, il n’a eu que trois jours de vie en librairie. Ma tournée a été annulée, je me suis retrouvée chez moi, sans trop d’inspiratio­n. J’avais une vague idée, quelque chose parti pour être un polar un peu manichéen. Et puis j’ai voulu m’attarder sur les zones d’ombre. Quelqu’un a frappé très fort à ma porte. Personne n’a le droit de faire cela quand j’écris. J’ouvre, très énervée. Et je vois un gros monsieur avec des bésicles : Zola ! Il n’avait pas de place dans ce livre. Mais il m’a tendu une lettre. Tout d’un coup, un boulevard moi. »

Depuis, Tatiana de Rosnay se fait un malin plaisir de dresser un pont entre deux mondes, en conduisant les journalist­es au 21 bis, rue de Bruxelles, dans le IXE arrondisse­ment de Paris. À cette adresse, où Zola écrivit J’accuse et mourut asphyxié, on trouve aujourd’hui les locaux d’une start-up. « Les dirigeants m’ont pris pour une frappading­ue quand je suis arrivée avec le cadastre et en mimant l’endroit où se trouvait son lit ! » s’est ouvert devant

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Tatiana de Rosnay sera à nouveau présente aujourd’hui pour dédicacer son roman, sur le stand A013.
(Photo Sébastien Botella) Tatiana de Rosnay sera à nouveau présente aujourd’hui pour dédicacer son roman, sur le stand A013.

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