Nice-Matin (Cannes)

Chafroud, « influençab­le » ou « mentor » ?

Le Tunisien est en détention provisoire depuis plus de six ans pour associatio­n de malfaiteur­s terroriste. La cour d’assises spéciale de Paris, qui juge l’attentat du 14 juillet 2016 à a passé sa vie au tamis.

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Debout dans le box des accusés, Chokri Chafroud, 43 ans, entend sa vie défiler devant la cour d’assises spéciale de Paris. De son enfance au sein d’une famille musulmane croyante mais pas franchemen­t pratiquant­e, sévère mais aimante, jusqu’à l’arrêt de sa scolarité à 11 ans, pour vendre des fleurs ou travailler dans un hôtel à Sousse, sa ville natale. Puis l’italie, où il part en 2006...

« Je voulais oublier mes douleurs »

Une longue parenthèse de 9 ans avant Nice, à la fin 2015 ou au début 2016, les versions sont discordant­es. « Je voulais découvrir une autre vie. Une autre mentalité. Je voulais oublier mes douleurs », dira-t-il, en arabe, derrière la vitre blindée. La douleur liée à la mort d’un ami sous ses yeux, écrasé par un camion en Tunisie. En 2015, alors qu’il travaille dans un hôtel à Lecce (sud de l’italie), les relations deviennent difficiles avec son employeur qui le trouve « agressif », « renfermé ». Le Tunisien disparaît sans prévenir personne, laissant toutes ses affaires. Et des bouteilles d’alcool vides dans la chambre où il était hébergé.

Chokri Chafroud comparaît pour associatio­n de malfaiteur­s terroriste comme Mohamed Ghraieb, dont l’éventuel lien avec l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice a été passé au crible la semaine dernière. Walid, son nom d’usage, comparait libre. Chafroud, lui, est toujours en détention provisoire.

« Rapport libre à la religion »

Au Qer d’osny, le Quartier d’évaluation de la radicalisa­tion, où il sera incarcéré de novembre 2018 à mars 2019, Chafroud est décrit par l’agent de probation comme un détenu « calme », « respectueu­x », « avec un rapport très libre

àla religion ». Le psychologu­e dépeint, lui, un individu « sans dispositio­n pour la violence », « empathique ». Et devenu le bouc émissaire des autres détenus du Quartier d’évaluation, notamment parce qu’il écoute de la musique et ne prie pas.

Dans ce rapport sur son éventuelle radicalisa­tion, un trait de caractère ressort de manière prégnante. Chafroud est une « personne vulnérable », « qui n’arriverait pas à s’opposer à de fortes personnali­tés ».

Les yeux perdus

Un portrait qui a de quoi interpelle­r. Bien loin de la conclusion faite par la sous-direction antiterror­iste, à l’issue de son enquête, après l’attentat.

Et l’avocat de Chokri Chafroud, Florian François-jacquemin, ne manquera pas de le souligner. Noir sur blanc : Chafroud était un mentor influent. « Est-ce que c’est compatible avec le rapport du Quartier d’évaluation de la radicalisa­tion ? », demande maître François-jacquemin. Chafroud, yeux perdus, économe de mots, lui répond un simple « non »...

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 ?? (Croquis AFP) ?? Dans le box des accusés, Chokri Chafroud (au centre), devenu ami du terroriste quelques mois avant l’attentat.
(Croquis AFP) Dans le box des accusés, Chokri Chafroud (au centre), devenu ami du terroriste quelques mois avant l’attentat.
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