Nice-Matin (Cannes)

L’incroyable épopée des affiches militaires de 14-18

On a retrouvé le généreux donateur de ces documents cédés par la Maison du Combattant aux archives municipale­s et restaurés avec soin ! C’est Roger Devalle, ancien horticulte­ur.

- M.-C. A. mabalain@nicematin.fr

Il les appelait les « affiches de la Babouchka » et les a perdues de vue durant de nombreuses années, jusqu’à ce jour où, lisant comme chaque jour son cher journal local, il a eu une excellente surprise. Roger Devalle n’en croyait pas ses yeux. Là, dans l’édition antiboise datée du 22 juillet 2021, au coeur d’un été encore bousculé par le Covid-19 et son lot de restrictio­ns, ces quatre-vingtneuf anciennes affiches militaires de la guerre 14-18 encouragea­nt l’effort citoyen par des dons et la participat­ion à divers emprunts, dont parle l’article, ce sont les siennes ! Du moins celles que l’horticulte­ur, aujourd’hui à la retraite et résidant toujours dans le domaine familial, près des Plateaux Fleuris, avait crues définitive­ment perdu.

Par souci de devoir de mémoire, aimant coucher sur le papier tous ses souvenirs et ceux que ses aïeux ont conté, le soir au coin du feu, quand il était petit, Roger Devalle nous a contactés. « Pas pour réclamer ces affiches ! Elles sont à leur place aux archives municipale­s et elles ont été restaurées. Mais parce qu’elles ont une histoire incroyable. Ce sont de véritables reliques ».

Transmises en 2000 puis perdues de vue

Le retraité les a transmises dans les années 2000 à un ancien président de la Maison des Anciens Combattant­s, avenue Pastour, avec qui il siégeait au bureau du CCAS. Il rêvait d’une exposition pour les faire connaître au public... Mais, hélas, son ami est décédé et le projet n’a pas eu le temps d’éclore. Bien sûr, un peu plus tard, Roger Devalle a tenté de récupérer

Sses documents. En vain. On ne les retrouvait plus. Jusqu’à la lecture du fameux article. Les « affiches de la Babouchka » sont sauvées ! D’ailleurs pourquoi Babouchka ? C’est tout le sel de l’histoire... Dans les années 1950, la famille Devalle est un peu à l’étroit dans la maison. Le jeune Roger a terminé son service militaire et rentre chez les parents. Mais le vieux mas des Dattiers est bien plein, avec les frères, l’oncle et la tante, les cousins et la grand-mère. Cette dernière loue alors deux chambres dans une grande bâtisse des années 1920, à côté du mas, entourée d’un grand jardin. « La propriétai­re, Maria, était une comtesse russe, émigrée à la révolution dans leur pays », écrit l’horticulte­ur. Veuve d’un amiral de la flotte de Crimée et de la mer Noire, elle avait eu la douleur de perdre son unique fils, Gregor, élève dans la prestigieu­se école des cadets du tsar et dont elle était la babouchka adorée. « Maria et ma grandmère qui avait aussi perdu une fille de cet âge étaient très proches ». Et la propriétai­re a raconté sa vie de haute aristocrat­e.

« Dans la chambre où je dormais, juste la nuit, avant de repartir travailler à l’exploitati­on familiale, il y avait une grande armoire fermée à clef ».

Dans l’armoire de la comtesse russe

À la mort de la propriétai­re, Roger a hérité de cette armoire sans valeur. En l’ouvrant, il découvre deux uniformes. L’un appartenai­t au père, l’autre au fils. Hélas, ils étaient dévorés par les mites. Irrécupéra­bles. Mais, en bas, se trouve une centaine de grandes affiches militaires. Roger venait de découvrir la collection du jeune Gregor, disparu trop tôt. « Sa mère m’avait confié qu’il avait un ami à Paris dont le père était imprimeur et qu’il avait accès aux affiches dès qu’elles sortaient de la presse ». Roger avoue qu’au fil des décennies, certains documents ont été abîmés et perdus. Sauf ce lot de quatre-vingt-neuf affiches conservées aux archives municipale­s, et qui ont retrouvé tout leur lustre grâce à l’interventi­on d’anaëlle Giraudo, jeune restauratr­ice spécialisé­e. Le souhait, aujourd’hui, de Roger Devalle ? Être invité lors de l’exposition publique de ces affiches, témoins à la fois de l’histoire avec un grand H et de la petite histoire, intime et précieuse.

 ?? (Photo M.-C. A.) ?? Roger Devalle, issu d’une famille d’horticulte­urs, aime écrire ses souvenirs pour qu’ils ne se perdent pas. Comme l’histoire des affiches militaires de 14-18.
(Photo M.-C. A.) Roger Devalle, issu d’une famille d’horticulte­urs, aime écrire ses souvenirs pour qu’ils ne se perdent pas. Comme l’histoire des affiches militaires de 14-18.

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