Indigestion
On n’arrête plus le progrès chez les écologistes. Ou plutôt la régression. Il y a d’abord eu la purée de pommes de terre sur Les Meules, de Monet, au musée Barberini de Potsdam. Une performance réalisée par les activistes du groupe « Last Generation ».
Une semaine plus tard au National Gallery de Londres, Les Tournesols de Van Gogh se faisaient enduire de soupe à la tomate. L’oeuvre, cette fois-ci, a été signée par le mouvement « Just Stop Oil ».
Mais que cherchent au juste ces militants d’un nouveau genre apparemment tout droit sortis de leur cuisine ? Choquer pour mieux alerter ? Quitte à s’en prendre à l’art en organisant un vide-frigo ? Voilà des semaines que des faits similaires se multiplient dans les musées d’europe. Jusqu’à l’indigestion. Ce weekend, nouveau coup de semonce : deux membres du mouvement espagnol « Futuro Vegetal » se sont collé la main sur le cadre de deux tableaux de Goya à Madrid pour dénoncer le réchauffement climatique. Nonobstant le bien-fondé de leurs revendications – oui, la planète est en surchauffe et il faut agir vite – pas sûr que ces écologistes aux méthodes douteuses parviennent à se faire entendre. L’urgence environnementale n’est pas une excuse pour « s’attaquer » à une oeuvre qui n’a rien à voir avec le sujet. Mais c’est sans doute symptomatique d’une époque devenue de plus en plus clivante, où seule l’opération coup de poing permet d’attirer l’attention. En se frottant aux tableaux de Van Gogh, Goya ou Monet, qui ne sont plus là pour donner le change, ces militants se trompent de cible. Surtout, ils ne respectent plus rien. Bafouer la culture est une chose, brocarder la gastronomie en est une autre. La soupe de tomate qui a éclaboussé l’oeuvre
« Ces activistes n’auraient-ils pas mieux fait d’asperger de sauce blanche une oeuvre de Pierre Soulages ? »
de Van Gogh avait-elle atteint la date limite d’utilisation optimale pour qu’on la gâche ainsi alors qu’un enfant sur trois dans le monde ne mange pas à sa faim ? Et cette purée de patates balancée sur Les Meules de Monet était-elle au moins bio et issue de circuits courts ?
Tant qu’à faire n’importe quoi, ces activistes n’auraient-ils pas mieux fait d’asperger de sauce blanche périmée une oeuvre de Pierre Soulages ? Ou tagger une baleine agonisante sur le monochrome bleu d’yves
Klein ? Un peu de panache quand même... On aurait tout de suite compris le sens de l’acte. Et le message serait certainement mieux passé.