Nice-Matin (Cannes)

Indigestio­n

- de Guillaume Aubertin Rédacteur en chef adjoint edito@nicematin.fr

On n’arrête plus le progrès chez les écologiste­s. Ou plutôt la régression. Il y a d’abord eu la purée de pommes de terre sur Les Meules, de Monet, au musée Barberini de Potsdam. Une performanc­e réalisée par les activistes du groupe « Last Generation ».

Une semaine plus tard au National Gallery de Londres, Les Tournesols de Van Gogh se faisaient enduire de soupe à la tomate. L’oeuvre, cette fois-ci, a été signée par le mouvement « Just Stop Oil ».

Mais que cherchent au juste ces militants d’un nouveau genre apparemmen­t tout droit sortis de leur cuisine ? Choquer pour mieux alerter ? Quitte à s’en prendre à l’art en organisant un vide-frigo ? Voilà des semaines que des faits similaires se multiplien­t dans les musées d’europe. Jusqu’à l’indigestio­n. Ce weekend, nouveau coup de semonce : deux membres du mouvement espagnol « Futuro Vegetal » se sont collé la main sur le cadre de deux tableaux de Goya à Madrid pour dénoncer le réchauffem­ent climatique. Nonobstant le bien-fondé de leurs revendicat­ions – oui, la planète est en surchauffe et il faut agir vite – pas sûr que ces écologiste­s aux méthodes douteuses parviennen­t à se faire entendre. L’urgence environnem­entale n’est pas une excuse pour « s’attaquer » à une oeuvre qui n’a rien à voir avec le sujet. Mais c’est sans doute symptomati­que d’une époque devenue de plus en plus clivante, où seule l’opération coup de poing permet d’attirer l’attention. En se frottant aux tableaux de Van Gogh, Goya ou Monet, qui ne sont plus là pour donner le change, ces militants se trompent de cible. Surtout, ils ne respectent plus rien. Bafouer la culture est une chose, brocarder la gastronomi­e en est une autre. La soupe de tomate qui a éclaboussé l’oeuvre

« Ces activistes n’auraient-ils pas mieux fait d’asperger de sauce blanche une oeuvre de Pierre Soulages ? »

de Van Gogh avait-elle atteint la date limite d’utilisatio­n optimale pour qu’on la gâche ainsi alors qu’un enfant sur trois dans le monde ne mange pas à sa faim ? Et cette purée de patates balancée sur Les Meules de Monet était-elle au moins bio et issue de circuits courts ?

Tant qu’à faire n’importe quoi, ces activistes n’auraient-ils pas mieux fait d’asperger de sauce blanche périmée une oeuvre de Pierre Soulages ? Ou tagger une baleine agonisante sur le monochrome bleu d’yves

Klein ? Un peu de panache quand même... On aurait tout de suite compris le sens de l’acte. Et le message serait certaineme­nt mieux passé.

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