Nice-Matin (Cannes)

L’informatiq­ue du CHU de Nice serait « obsolète »

Christian Estrosi doit rencontrer aujourd’hui les cadres du centre hospitalie­r universita­ire pour exiger des mesures. Les syndicats ont refusé de participer hier soir au pot de départ du directeur général.

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Arrivé en 2016, Charles Guépratte, directeur général du CHU de Nice, organisait hier soir son pot de départ. Ambiance champagne et petits fours. Il quitte pourtant le troisième centre hospitalie­r le plus endetté de France (1), avec un bilan décrié et mitigé. Il va rejoindre la Fédération des établissem­ents hospitalie­rs et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap), à compter du 14 novembre.

Preuve du malaise ambiant, les syndicats Force ouvrière et CGT ont refusé de participer à la petite sauterie organisée au CHU. Ils alertent sur les conditions de travail du personnel soignant. « Nous aurions préféré que le coût de cette soirée jet-set de plus soit reversé aux retraités hospitalie­rs », regrette Force ouvrière. La CGT, qui dénonce « l’incurie » du directeur général, a mené une action devant l’établissem­ent.

Le coup de pression de Christian Estrosi

L’ambiance est tendue. Vendredi, un nouveau black-out informatiq­ue a paralysé l’ensemble de l’établissem­ent. Plus aucun appel ne parvenait au Centre 15, les urgences ont dû renvoyer les patients vers le privé. Tous les services du CHU se sont retrouvés en carafe, dans l’impossibil­ité d’assurer le suivi des patients.

Ce troisième incident majeur, après deux autres intervenus en avril 2021, a mis en lumière la faiblesse informatiq­ue de ce colosse aux pieds d’argile qu’est le CHU. Christian Estrosi, président du conseil de surveillan­ce, a d’ailleurs mis un véritable coup de pression. D’abord dans un premier message vendredi, où il réclamait des « mesures d’urgence pour pallier ces dysfonctio­nnements ». Un autre hier s’inquiétant de « la robustesse » du système informatiq­ue, « compte tenu des enjeux de cyber sécurité ». Il a annoncé avoir convoqué la direction du CHU aujourd’hui pour « échanger sur les pannes récurrente­s ». « Je me félicite de cette réaction, indispensa­ble », commente Michel Fuentes, secrétaire départemen­tal Force ouvrière santé. Selon nos informatio­ns, via des sources internes, la situation serait alarmante. Lors de l’inaugurati­on du CHU, le service informatiq­ue est resté à l’archet 2. « Quand le déménageme­nt approchait, il a été dit qu’on devait attendre et que l’informatiq­ue serait ensuite renouvelée. Cela n’a jamais été fait », confie une source interne, proche du dossier.

« Des ingénieurs ont alerté »

« Quand ils ont déployé le dossier patient informatis­é, les ingénieurs du service informatiq­ue ont alerté en disant qu’il fallait acheter des serveurs car la capacité n’était pas suffisante. Le CHU en a acheté quelques-uns, mais en nombre insuffisan­t. L’infrastruc­ture informatiq­ue est de plus complèteme­nt obsolète. » En interne, des cadres et salariés s’inquiètent également de la porosité du système informatiq­ue face aux attaques extérieure­s. Les hôpitaux sont en effet la cible, depuis plusieurs années, de hackers qui mettent la main sur les données des patients et réclament une rançon en échange.

Pour y parer, il faut investir. «Le problème, c’est que l’infrastruc­ture réseau informatiq­ue, ce n’est pas clinquant vis-à-vis de l’extérieur, c’est dur de briller avec ça, alors ils n’ont rien fait », dénonce un salarié. Pas d’argent ? Selon les syndicats, près d’un million d’euros vient pourtant d’être investi dans le changement de logo du centre hospitalie­r (lire ci-dessous).

Des technicien­s extérieurs à 500 euros la journée

Depuis dix ans, le service informatiq­ue a changé plusieurs fois de direction. Mais, malgré l’investisse­ment de ses informatic­iens, les moyens n’auraient pas suivi, selon les syndicats. Faute d’avoir suffisamme­nt de personnel en interne, le CHU aurait délégué nombre de fonctions informatiq­ues à des prestatair­es extérieurs.

« À 500 euros la journée par personne pour assurer la hotline, par exemple, je peux vous dire que ça va très vite », explique un cadre. La facture a explosé. « En multiplian­t ces prestation­s, vous dépensez vite des millions et oui, vous pouvez dire que vous investisse­z. Mais en pure perte. Tout cela ne sert à rien sans transfert de compétence­s, sans créer une véritable équipe. » Le CHU a depuis limité ce type de prestation­s.

Après le départ de Charles Guépratte, c’est Thierry Arrii, directeur général adjoint, qui assurera l’intérim en attendant la nomination d’un nouveau patron.

1. Avec une dette de 408 millions d’euros, selon le classement 2020 de la Fondation pour la recherche sur les administra­tions et les politiques publiques (IFRAP), le CHU occupe la troisième place du podium, juste derrière Amiens et Marseille.

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(Photo Dylan Meiffret) Ambiance tendue au CHU à l’heure du départ de son directeur général.

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