Nice-Matin (Cannes)

Condamné dix-sept ans après un acte incestueux

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr 1. À la demande de la victime, nous avons respecté un strict anonymat des protagonis­tes de cette affaire.

« Mon père m’a gâché ma vie. »

Damian (1), 36 ans, chauffeur routier, père de quatre enfants, vit sous antidépres­seurs.

Cet homme a vécu ce qu’un enfant ne devrait jamais subir. L’agression sexuelle de son père, Didier, alors qu’il avait 10 ans. Pendant des années, il a enfoui son traumatism­e. Jusqu’à ce que ce père, devenu grandpère, exige de pouvoir garder ses petits-enfants.

« J’avais trop peur pour mes enfants »

Une revendicat­ion qui déclenche la plainte de Damian en 2017. « J’avais trop peur pour mes enfants », précise-t-il devant Christian Legay, le président du tribunal correction­nel. L’enquête, tant d’années après les faits, s’annonçait ardue. Didier nie catégoriqu­ement tout geste déplacé. Le prévenu se présente dans un fauteuil roulant, séquelle d’un grave accident de moto.

Il souffre également de la maladie d’alzheimer. Son conseil, Me Magali Gilly, en justifie. Didier a du mal à admettre ses tendances pédophiles tout comme ses anciennes addictions (malgré ses multiples cures de désintoxic­ation).

L’analyse de ses ordinateur­s a révélé la détention d’images pédopornog­raphiques. « C’est sans doute à cause de mon frère que j’ai hébergé à sa sortie de prison après sa première condamnati­on », se défend Didier qui a donné de multiples explicatio­ns à ces fichiers accusateur­s.

Un nom trop lourd à porter

Son frère, Laurent, concierge avenue des Fleurs à Nice, a été condamné en 2019 par la cour d’assises des Alpes-maritimes à vingt ans de réclusion pour une série de viols d’enfants. Les deux frères ne s’étaient pas ménagés lors du procès. Didier voit dans ces accusation­s « une vengeance », « un complot ».

En septembre, grâce à une loi récente de simplifica­tion, Damian a pris la décision de changer patronyme. En aparté, il confie son soulagemen­t d’avoir effectué cette démarche : « C’était comme si je m’enlevais un poids énorme. C’était un nouveau départ. »

« Ce n’est pas une démarche anodine, remarque Florence Bensa-troin, son avocate. C’était le nom de la honte. » « Quand il en a parlé à sa grand-mère le lendemain, il lui a répondu : “Surtout tu ne dis rien.” »

« Je n’ai même pas reconnu mon fils »

L’agression était certes unique mais elle a rongé l’enfant, l’adolescent puis l’homme. La procureur Megane Nomel salue son courage face à ce père « qui ne cherche qu’à décrédibil­iser son fils ».

La nouvelle vie de Damian passe par la reconnaiss­ance de la culpabilit­é de son agresseur. Il a tiré un trait sur sa relation fils - père. Les liens ont été rompus depuis des décennies. Le prévenu, employé à la retraite, l’avoue à la barre : « En arrivant, je n’ai même pas reconnu mon fils. »

Ce sera son seul aveu. Il reste campé sur ses dénégation­s et ne facilite pas la tâche de son avocate. Me Magali Gilly souligne que « l’agression supposée n’est pas datée », qu’elle semble « unique ».

Autre argument : les autres supports informatiq­ues saisis chez le prévenu ne contiennen­t pas d’images accablante­s. Ce qui n’est pas habituel chez les pédophiles. Au regard de l’état de santé du prévenu, l’avocate souhaite surtout lui éviter le milieu carcéral.

Le tribunal correction­nel suit les réquisitio­ns à la lettre et reconnaît coupable Didier d’agressions sexuelles et détention d’images pédopornog­raphiques. Il est condamné à quatre ans dont trois avec sursis, interdit d’activité avec des mineurs.

Le coupable, qui avait effectué quatre mois de détention provisoire, effectuera sa peine sous le régime d’un bracelet électroniq­ue. Il devra verser 5 000 euros préjudice moral et 2 000 euros frais de justice à ce fils qu’il a si peu aimé.

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(Photo Ch. P.) Damian avait été agressé par son père. Il a changé de nom et obtenu hier sa condamnati­on.

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