Est-ce que ce monde est sérieux ?
« Je les entends rire comme je râle et je les vois danser comme je succombe, je pensais pas qu’on puisse autant s’amuser autour d’une tombe. » Est-ce que ce monde est sérieux ?, s’interrogeait ensuite Francis Cabrel dans sa chanson... La Corrida. Nous sommes en 199394.
Ce puissant plaidoyer contre la tauromachie dans lequel l’artiste prend la place de l’animal émeut, sans pour autant porter la question plus loin que quelques conciliabules de comptoir entre les « pour » et les « contre » de l’époque. Vingt-huit ans plus tard, les banderilles sont toujours sorties mais le combat se joue désormais dans l’arène parlementaire. Sans tomber dans l’anti-spécisme radical, de nombreuses voix s’élèvent, mais les « olé ! », cette fois, ne sont pas pour acclamer le torero. L’amendement « anti-corrida » du député de la Nupes Aymeric Caron, qu’il soit voté ou pas ce jeudi, transcende les partis politiques,
divise au sein même des différents groupes siégeant au Palais Bourbon. Et a le mérite d’ouvrir le débat, certes on ne peut plus clivant. Faut-il maintenir ce spectacle, que certains qualifient sans trembler de barbare, au nom de la tradition ? Faut-il interdire cette pratique et tomber dans ce que d’autres considèrent comme une forme de cancel culture, cette fameuse culture de l’oubli ? En Espagne, la Catalogne
a pris le taureau par les cornes en proscrivant la corrida. Tout un symbole.
En France, si 74 % des sondés se disent favorables à son interdiction dans une enquête d’opinion Ifop / JDD publiée le 17 novembre, le pouvoir politique semble largement plus frileux pour lui porter l’estocade. D’autant que la nuance est difficile à trouver sur ce thème. Dans le même sondage, son remplacement par des courses
« En Espagne, la Catalogne a pris le taureau par les cornes en proscrivant la corrida. Tout un symbole. »
camarguaises ou landaises est
(1) encouragé par 76 % des interviewés. Une piste vers l’apaisement ? Rien n’est moins sûr. Trouver le juste équilibre reste chancelant et tout cela démontre, si c’était encore nécessaire, qu’une véritable réflexion – la plus sereine possible – doit être engagée sur le sujet. Car à l’heure où le bien-être animal fait grandement partie des préoccupations, le spectacle d’un être vivant, aussi imposant soit-il, mis à terre et à mort par la main de l’homme à de quoi interroger ce monde... pas vraiment sérieux ?