Cécile de France, passagère de première classe !
Aux Rencontres Cinéma de Cannes, l’actrice belge est venue présenter en avant-première La passagère, une belle romance où elle plaque tout par amour pour un jeune homme.
Et soudain, la tempête ! En mer, où Chiara exerce son métier de pêcheur auprès de son mari Antoine, sur l’île de Noirmoutier. Mais aussi dans la tête et dans le coeur de cette femme mûre, emportée par une vague d’amour pour Maxence, son jeune apprenti. Jusqu’à devenir pécheresse aux yeux d’une microsociété prompte à la juger. Très beau premier film d’héloïse Pelloquet présenté en avant-première aux Rencontres Cinéma de Cannes, La passagère offre un
(1) rôle en or à Cécile de France, magnifiquement filmée dans tous ses états. La confirmation que la « petite belge » de Namur au patronyme adéquat a définitivement charmé le cinéma français depuis L’art délicat de la séduction. Même hors saison paillettes, l’égérie de Cédric Klapisch illumine la Croisette. Son succès n’a rien de passager.
La passagère est une femme qui se laisse emporter par ses transports amoureux. Et une Cécile de France, telle qu’on l’a rarement vue à l’écran...
Oh, j’ai déjà joué beaucoup de scènes d’amour, avec des hommes plus âgés, notamment dans Moebius (Ndlr : film d’espionnage avec Jean Dujardin, tourné à Monaco). Mais ici, Chiara assume complètement sa recherche du plaisir et de la jouissance sans culpabilité, même si c’est difficile par rapport au jugement de la société bienpensante de l’île. Cette passagère qui n’appartient à personne, ni à la famille qui l’a accueillie sur l’île, ni à son mari Antoine, c’est une femme libre qui prend la vie comme elle vient.
Vous aussi, vous êtes capable de tout plaquer pour un amour, une passion ?
Ah non, je suis quelqu’un de beaucoup plus raisonnable et normée, je suis bien plus docile qu’elle, qui est dans l’irrévérence et l’anticonformisme. Et puis j’ai joué pas mal de filles saines et sympas jusque-là, et ça m’intéressait d’interpréter une femme un peu bourrue.
Une femme bourrue, à la fois forte et vulnérable, dont émane aussi beaucoup de sensualité ?
Oui, Chiara est une femme sensuelle, mais sans artifice, elle n’a pas la beauté imposée par les normes. C’est une femme mûre, qui travaille et dont un jeune homme tombe amoureux, et en plus, son habit de travail sent le poisson (rires) ! Maxence est d’ailleurs séduit par sa force, son courage et son humour.
Avec Félix Lefebvre, votre jeune partenaire, rien d’embarrassant ?
On s’est retrouvé naturellement d’égal à égal, à 100 % au service de nos personnages, de l’histoire et du metteur en scène, avec nos corps pour outils de travail. Héloïse avait précisément écrit les scènes d’amour dans le scénario, on a pu se laisser aller sans devoir proposer des choses qui auraient pu créer une gêne.
Chiara, une femme mûre, l’un de vos plus beaux rôles ?
Je n’en reviens pas ! Je suis en train de vivre une révolution dans l’image représentative de la femme au cinéma, pile poil quand j’approche de la cinquantaine.
Dix ans plus tôt, je n’aurais pas pu surfer sur cette révolution intellectuelle. J’encourage aussi cela, notamment ce choix pour un premier film, c’est ma signature à ce mouvement-là.
Le temps qui passe ne vous angoisse pas ?
Au contraire, je me sens mieux dans ma peau qu’à 20 ans. J’ai l’impression d’être plus mature émotionnellement, mon ego prend moins de place et je vois la vie avec plus de recul, plus d’acuité. L’expérience me permet de mieux comprendre les choses, ce qui me sert pour mon métier. Et puis quand on est gâté par la vie, on est plus facilement en paix.
Votre carrière, vous l’imaginiez aussi belle ?
Elle est à la fois logique et naturelle, au regard de la passion que j’ai investie dans mes rôles. Mais je me considère aussi privilégiée, car j’ai bien conscience que beaucoup d’actrices que j’admirais ne sont plus visibles aujourd’hui. Je deviens également plus exigeante, mes goûts personnels s’expriment davantage et je refuse beaucoup de choses.
Vous êtes venue plusieurs fois au Festival. Là, vous découvrez la Croisette hors saison...
C’est aussi beau finalement. J’ai observé les oiseaux sur les palmiers, pour une fille du Nord, c’est quand même très dépaysant, j’avais l’impression d’être au bout du monde ! Le Festival de Cannes, c’est le côté onirique du métier et c’est un privilège d’y être invité. On monte les marches au bras de gens d’exception, on doit jouer le jeu même si la représentation n’est pas ce que je préfère. Mais Cannes, c’est toujours magique.
Vous avez joué pour Clint Eastwood Le rêve d’une carrière aux États-unis ?
(Au-delà).
Que cela vienne de France, des États-unis ou d’ailleurs, c’est d’abord un scénario et un réalisateur qui me plaisent. Après Clint Eastwood, rien ne m’a vraiment plu de ce qu’on m’a proposé là-bas. Et le fonctionnement français me convient, où les acteurs se sont battus pour composer une collaboration artistique avec le metteur en scène.
Parmi tous vos prestigieux partenaires masculins, lequel vous a le plus impressionnée ?
Gérard Depardieu (sur Quand j’étais chanteur), c’est un génie absolu, un surdoué, hypersensible, qui perçoit tout. Il m’a emmenée avec lui dans son génie, sans me laisser sur le côté, et j’ai beaucoup appris avec lui.
Vous avez tourné dans la folie douce d’un autre génie, Albert Dupontel. Mais aussi dans le Sud pour incarner la femme du peintre Bonnard, mort au Cannet ?
Oui, on a tourné une partie du film de Martin Provost à Toulon et ses environs. Marthe et Pierre Bonnard composaient un couple légendaire. Elle avait un fort caractère, c’était sa muse qu’il a peinte sous toutes les coutures. Pierre Bonnard était fasciné par la lumière du Sud, et on a joué dans des décors extraordinaires.
‘‘ Cannes, c’est toujours magique! ”