Nice-Matin (Cannes)

Tout est bon dans le cochon

DE JEAN-LUC JOUHANNET

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr Vence Viandes. 4, avenue Henri-isnard à Vence. Tél. 04.93.58.03.46.

À Vence depuis plus de 40 ans, les Jouhannet régalent les Azuréens avec leurs viandes et leurs charcuteri­es maison. Depuis quelques années, Jean-luc fait même son jambon cuit.

Je vais vous prendre la tête de veau. Et puis... Vous avez du jambon ? – Oui, il est encore tiède, il a cuit cette nuit. »

C’est le genre de scène que l’on voit plusieurs fois par jour dans la boutique de Jean-luc Jouhannet, avenue Henri-isnard à Vence, à deux pas des remparts de la vieille ville. Cette boucherie-charcuteri­e, c’est toute sa vie. « J’ai pris la suite de mon père, c’est le métier qu’il a toujours fait, confie-t-il. Le soir, à la sortie de l’école, j’étais là. La boutique est là depuis plus de 100 ans. Ça fait 27 ans que je suis là. Mon père a pris la boutique dans les années 1980. Quand je suis arrivé ici, je ne savais pas encore marcher. »

Depuis toutes ces années, il a eu le temps de tisser des liens solides avec ses clients du monde entier. Ce qui lui a permis de découvrir les particular­ités culturelle­s de certains d’entre eux. « J’ai des clients danois qui prennent tous les ans à Noël une pièce de porc, qu’ils veulent absolument avec la couenne, alors que d’habitude, on l’enlève. » Et puisqu’il achète des carcasses entières, ça n’est pas vraiment un problème pour lui. Parce qu’à l’heure où certaines boucheries relèvent davantage de profession­nels du commerce que de l’artisanat, lui a fait le choix de sélectionn­er ses viandes pour leur qualité. Pour le cochon, ce sera du porc fermier d’auvergne, label rouge. Un animal qui « court dans les champs toute l’année », d’après le site de l’appellatio­n.

Toute la carcasse y passe

Procéder de cette façon lui permet de disposer d’ingrédient­s de qualité pour fabriquer les produits qui trônent dans sa vitrine. « Quand on est boucher, fabriquer ses saucisses, c’est la moindre des choses. Certains utilisent les bas morceaux pour ça. Moi, si je n’ai pas besoin des jambons, je n’hésite à les mettre dans la saucisse. Et alors j’ajoute un peu de gras, pour qu’elles ne soient pas trop maigres. On s’amuse aussi avec les assaisonne­ments. En été, on en fait au citron, au piment d’espelette… »

Il aurait pu s’arrêter aux saucisses. Mais il va plus loin : « On utilise la tête pour le fromage de tête, les épaules pour les pâtés, la poitrine qu’on fait au sel ou avec laquelle on fait la pancetta séchée avec les épices, les travers de porc en été, les côtes et les rôtis pour la boucherie, les cuisses pour faire les saucisses ou les jambons. »

Tradition et modernité

Car oui, Jean-luc prépare son propre jambon. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour ses clients, ça veut dire beaucoup. En effet, dans la plupart des charcuteri­es, le jambon qui est proposé est fabriqué ailleurs. Et pas toujours dans les meilleurs ateliers. La raison est simple : « Faire son jambon, ça demande du temps, et de la place, explique notre artisan vençois. Nous, ça fait longtemps que l’on fait notre jambon. On le désosse, parce que sinon on doit le couper au couteau, et nos clients préfèrent les tranches fines. On le sale avec une saumure que l’on injecte à la seringue. Un jambon, c’est trop épais pour le saler juste en surface. » Sur les nitrites, produit controvers­é ces dernières années et traditionn­ellement utilisé dans la charcuteri­e, Jean-luc confie en utiliser «unpeu» . Mais une réflexion est en cours sur ce sujet. Les jambons qui étaient cuits au bouillon avant, passent aujourd’hui au four vapeur. « Comme il n’y a plus les parfums des aromates qui étaient auparavant dans le bouillon, on va les mettre dans la saumure. J’utilise du genièvre, de l’ail, de l’oignon, de l’estragon. On peut mettre des légumes. Ensuite, je pique une sonde dans le jambon, reliée au four, et quand il atteint la bonne températur­e, c’est terminé. »

Ou comment marier habilement tradition et modernité. Le résultat est succulent, loin des produits industriel­s. On y retrouve, et c’est bien un comble que ce soit si rare, le goût de la viande de porc.

Chouette ! Des rillettes !

Si fabriquer ses propres produits représente une charge de travail conséquent­e, cela permet aussi aux artisans de s’adapter au marché : « On vendait des rillettes d’oie, que je ne fabrique pas. Avec la conjonctur­e, leur prix a flambé et, aujourd’hui, je devrais les acheter au prix où je les vendais à mes clients. Alors on s’est mis à faire des rillettes de porc maison. Ça demande plus de travail, mais ça fait plaisir aux gens. » Au point que, sur les deux heures où nous sommes restés à ses côtés, un client sur deux en a acheté... « parce qu’elles sont trop bonnes ».

La charcuteri­e n’est qu’un aspect de son métier. À côté de cela, Jeanluc vend, bien entendu, de la viande. Et surtout, il conseille : « La côte de boeuf ou l’entrecôte, ça se vend tout seul. Un vrai profession­nel doit arriver à vendre les bons comme les moins bons morceaux. Un client m’a demandé un morceau d’entrecôte pour en faire du carpaccio. J’ai dit : « Surtout pas ! C’est un morceau trop gras pour être mangé cru. Et nous, le carpaccio, on le coupe à la machine à jambon, et pour certains ce n’est pas encore assez fin. Là, il allait le couper à la main avec un couteau pas forcément bien aiguisé. Je l’ai orienté vers des morceaux plus maigres tranchés ici. Et en plus, c’est moins cher. »

« Quand on est boucher, fabriquer ses saucisses, c’est la moindre des choses. »

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