Des mondes parallèles
C’était le match de la semaine. Il s’est joué, loin des stades climatisés, entre Bernard Arnault et Elon Musk. Le Français a pris la tête du classement Forbes des plus grandes fortunes du monde, mercredi matin, en profitant du recul de l’action Tesla à la Bourse de New York. Pas pour longtemps. En fin d’après-midi, Musk, 184,9 milliards de dollars sous la toise, avait déjà repris son titre et blackboulé le p.-d.g. de LVMH (184,7 milliards). Loin devant ces quasi-smicards que sont Gautam Adani (134,8 milliards) et Jeff Bezos (111,3 milliards). On imagine la frustration du grand patron tricolore. Un joli podium perdu pour 200 misérables petits millions, ça fait rager !
Et pendant ce temps-là, des millions de Français se demandent s’ils vont pouvoir se chauffer cet hiver. Ils comptent les pièces jaunes et se bousculent aux portes des Restos du coeur. Parmi eux, les étudiants passent souvent sous les radars. Les enquêtes de l’unef et de la Fage
(1) (2) dessinent un tableau effrayant. Frappés de plein fouet par l’inflation, deux étudiants sur trois sont aujourd’hui en situation d’extrême précarité. Quelque 56 % d’entre eux avouent ne pas manger à leur faim. La suppression des repas à 1 euro, annoncée pour la fin de l’année, n’est assurément pas faite pour arranger les choses. Parallèlement, le nombre de jeunes gens qui dorment dans la rue ne cesse d’augmenter. Si l’hexagone compte près de trois millions d’étudiants et plus de 700 000 boursiers, seulement 235 000 d’entre eux bénéficient d’un logement à caractère social. Sur les 60 000 appartements en résidences universitaires promis par le gouvernement au cours du précédent quinquennat, seuls 10 723 sont sortis de terre.
Bien sûr, la pauvreté des anciens n’est pas moins tolérable. Mais en fermant les yeux sur les maux qui frappent nos enfants, en imaginant benoîtement que la jeunesse est un baume contre la misère, nous insultons l’avenir. Le prix à payer pourrait être exorbitant. Jusqu’à ébranler les tours d’ivoire de tous les Elon Musk de la planète.
« En imaginant que la jeunesse est un baume contre la misère, nous insultons l’avenir »