Nice-Matin (Cannes)

Cop15 : « Même en région Sud, les écosystème­s sont menacés »

Alors que la conférence des Nations unies sur la biodiversi­té a débuté mercredi à Montréal, le directeur du comité français de l’union internatio­nale pour la conservati­on de la nature répond à nos questions.

- PROPOS RECUEILLIS PAR SONIA BONNIN

Présent parmi les organisati­ons nongouvern­ementales, le directeur de L’UICN (Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature) assiste activement aux négociatio­ns qui sont en train de s’ouvrir à la Cop15 pour la biodiversi­té, à Montréal. Défenseur de l’intégrité des milieux naturels, Sébastien Moncorps fait partie de ceux qui vont « pousser pour avoir une stratégie mondiale, ambitieuse et réaliste ». C’est le seul moyen, selon lui, pour « freiner la crise d’extinction ». La France et notre région y sont également confrontée­s.

Comment se présente la Cop15, en train de s’ouvrir à Montréal ?

Toutes les délégation­s des pays sont arrivées, celles des peuples autochtone­s, des collectivi­tés, de grandes entreprise­s. Ce sont surtout les États qui vont négocier, mais beaucoup d’observateu­rs sont là pour pousser en faveur d’un cadre mondial ambitieux, réaliste, avec des moyens financiers. Pour mettre fin à la perte de biodiversi­té d’ici 2030, il y a beaucoup de passages du texte à négocier, qui sont entre crochets. Nous avons quinze jours de négociatio­ns devant nous.

Quels sont les grands objectifs de cette Cop15 ?

La restaurati­on d’espaces naturels. La nature a été tellement dégradée au cours de ces dernières années que si on veut un monde plus vivable, il est important de restaurer des surfaces qui ont été dégradées – forêts, zones humides et côtières. Cela est nécessaire pour stopper l’extinction des espèces et rétablir leur abondance. C’est l’équivalent de l’accord de Paris sur le climat.

Comment faire baisser la pression sur la biodiversi­té ?

Un point très important est la mise en oeuvre de financemen­ts. Nous proposons de passer de 130 à 200 milliards de dollars par an, consacrés à la protection de la nature, mais aussi de réformer les financemen­ts néfastes, donnés à l’agricultur­e intensive, à la surpêche, à la déforestat­ion, qui contribuen­t à la dégradatio­n de la nature dans le monde.

Sommes-nous déjà dans une grande extinction ?

6e

Dans le monde, plus de la moitié des superficie­s des forêts tropicales a disparu, de même pour les zones humides. Les scientifiq­ues considèren­t que nous sommes déjà entrés dans la 6e grande crise d’extinction de la biodiversi­té au niveau mondial. Si on veut freiner cette crise d’extinction, il faut avoir ce cadre d’action, cette action mondiale. L’effondreme­nt a déjà commencé. On estime que sur les 8 millions d’espèces qui existent dans le monde, aujourd’hui, un million est menacé d’extinction. Les chiffres donnés par l’indice planète vivante de WWF montrent que 70 % des population­s d’espèces animales ont diminué depuis les années 70.

Y compris en France ?

À L’UICN, nous établisson­s la liste rouge des espèces menacées en France. Une espèce sur quatre de mammifères est menacée sur le territoire français, comme les grands prédateurs, l’ours, le lynx, le loup. Une espèce d’oiseaux sur trois est menacée, avec une disparitio­n particuliè­rement marquée dans les milieux agricoles.

Dans cet atlas, comment se situe la région Sud ?

En complément de la liste rouge des espèces menacées au niveau national, nous avons la liste rouge des écosystème­s, c’est-à-dire, une évaluation des différents types de milieu naturels. Même pour une région qui est riche en biodiversi­té comme la région Sud, vous avez des écosystème­s menacés par l’extension urbaine, la surfréquen­tation touristiqu­e, ou encore les incendies importants.

La biodiversi­té, c’est un tout ? Il n’y a pas d’espèce négligeabl­e ?

Il faut comprendre que la biodiversi­té, c’est l’ensemble du tissu vivant de la planète, chaque partie est en interactio­n dans le milieu naturel. Le phénomène qu’on enregistre ces dernières années montre que même des espèces qui sont communes et abondantes déclinent de façon importante, en particulie­r dans le milieu agricole. Les insectes, par exemple, sont un groupe moins étudié que les mammifères et les oiseaux. Une étude allemande a montré que 75 % de l’abondance des population­s d’insectes a diminué, y compris au sein des espaces protégés. Cela montre bien que c’est tout le vivant, qui est touché, dans toutes ses composante­s. Et pas seulement des espèces emblématiq­ues.

 ?? (Photo DR/ UICN) ?? Sébastien Moncorps est directeur du comité français de L’UICN, Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature.
(Photo DR/ UICN) Sébastien Moncorps est directeur du comité français de L’UICN, Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature.

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