Marcus Malte « TOUT CE QUE VOUS ALLEZ LIRE N’EST PAS FORCÉMENT VRAI »
Avec Qui se souviendra de Phily-jo ?, l’écrivain seynois balade le lecteur et brouille les pistes dans un livre drôle. Le roman de toutes les manipulations…
Dans son dernier roman, gigogne et jubilatoire, Qui se souviendra de Philyjo? , Marcus Malte aborde un sujet d’actualité grave en brouillant les pistes et le lecteur avec un art consommé du suspense et du contre-pied. Aux Sablettes, sur ses terres seynoises, l’auteur de Garden Of Love, Les Harmoniques et Le Garçon démêle le vrai du faux. Attention spoiler !
Comment est née l’idée de ce livre ?
J’avais envie d’écrire un roman qui se passait ailleurs qu’en France. Les États-unis m’ont semblé intéressants par rapport au sujet. Au départ, je me suis intéressé à Nikola Tesla, l’inventeur, le physicien et le génie scientifique, que le grand public ne connaît pas. J’ai fait des recherches sur lui et sur l’énergie libre (1), objet de ses travaux. J’ai constaté que d’autres savants et inventeurs qui avaient mené le même type de recherches avaient un point commun. Tous ont affirmé qu’ils avaient été victimes de harcèlement, de menaces, ont été agressés pour certains, voire assassinés. Un départ intéressant…
Sous-jacent, il y a le thème de la recherche de la vérité ?
Je n’arrivais pas à savoir si tout cela était vrai. Sur Internet, il y a énormément d’éléments sur Tesla et l’énergie libre. Et, en règle générale, je trouve qu’il est de plus en plus compliqué de connaître la vérité. On est noyé sous des flux d’informations. Il n’est pas facile de démêler le vrai du faux.
Il y a le sujet de la manipulation aussi ?
Effectivement. Il y a des gens, des groupes qui jouent avec le mensonge et la désinformation.
Vous êtes vous-même auteurmanipulateur assumé ?
Sur cette base, j’ai voulu écrire une histoire romanesque, tout en mêlant le plus étroitement possible le fond et la forme. J’ai essayé d’écrire un roman qui soit lui-même assez manipulateur et qui manipule le lecteur d’une certaine manière.
Un roman du complotisme ?
Non. J’essaye au contraire de démonter tout ça en montrant qu’il y a une forme de propagande exercée par des groupes, des individus qui oeuvrent pour désinformer et influencer le public dans le sens de leurs intérêts.
L’énergie… Un thème brûlant.
Le type d’énergie qu’on utilise et qu’on va utiliser dans l’avenir va certainement être un des facteurs principaux qui va décider de la survie de la planète et de notre espèce. Comme pour beaucoup de gens, cette question me préoccupe, me fait réfléchir et me fiche un peu la trouille. On est en plein dedans ! Le problème, on le connaît. Même si certains le nient et continuent à oeuvrer pour qu’on ne fasse rien ou le moins possible… Quelles sont les solutions ? Il y a beaucoup de paroles mais finalement peu d’actes qui vont dans le bon sens.
Est-ce jubilatoire de perdre le lecteur, de jouer avec ?
J’ai essayé de m’amuser. De prendre vraiment du plaisir. À la fois dans l’écriture et en jouant avec le lecteur qui, je l’espère, a aimé lui aussi être baladé à droite et à gauche. J’aborde un sujet d’actualité (l’énergie, l’écologie, etc.) grave, en essayant d’adopter un ton léger et plutôt drôle.
ce livre !
J’invente effectivement un traducteur, dont le nom est d’ailleurs celui de l’un des personnages assez ambigu et complexe de mon roman Garden Of Love...
Ce n’est pas anodin ?
Rien n’est anodin. C’est une manière de dire dès le début au lecteur : attention ! Tout ce que vous allez lire n’est pas forcément vrai. Malgré ça, beaucoup de lecteurs ont pensé que j’ai écrit ce roman en anglais et qu’il a été traduit. Ça montre qu’on a tendance à croire tout ce qui est imprimé.
Votre roman est ultra-réaliste.
De nombreux personnages et évènement auxquels je fais allusion sont tirés du réel. Comme les méthodes de propagande et de désinformation qui ont été inventées et portées presque à la perfection, notamment par les marchands de tabac dans la première moitié du XXE siècle. Elles ont ensuite été adoptées par tous les lobbys et groupes qui oeuvrent maintenant en faveur d’autres causes indéfendables. C’est extrêmement efficace, avec des conséquences terribles. Jusqu’au sommet de l’état, avec un type comme Trump, qui affirme : « La vérité c’est ce que moi je dis et pas les faits. »
Cette manipulation des foules fait peur…
Ça devrait faire peur… Comme le dit un de mes personnages : “Les gens croient ce qu’ils ont envie de croire.”
« J’ai essayé de prendre du plaisir dans l’écriture et en jouant avec le lecteur »