Nice-Matin (Cannes)

Trois profession­nels poursuivis pour 497 tests PCR bidonnés

Submergés par l’afflux de tests, trois responsabl­es de laboratoir­es à Peymeinade, Montauroux et Nice ont déclaré négatifs 497 prélèvemen­ts sans les analyser. Des peines avec sursis ont été requises.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Des patients négatifs à la Covid-19 en septembre et octobre 2020 dans le Var et les Alpes-maritimes ne l’étaient peut-être pas. Une enquête judiciaire accuse deux pharmacien­s biologiste­s (un fils et son père) ainsi qu’un médecin biologiste, débordés par l’afflux de travail en pleine pandémie en septembre 2020, d’avoir sciemment renvoyé des prélèvemen­ts non analysés en les présentant comme vierges de tout virus.

Les investigat­ions de l’office central de lutte contre les atteintes à la santé publique ont démontré que 497 tests, dûment payés par la Sécurité sociale, ont fait l’objet d’une « saisie manuelle ».

Or ces prélèvemen­ts auraient dû être analysés par des automates d’un laboratoir­e sous-traitant installé dans le quartier des Moulins à Nice.

Ces profession­nels surdiplômé­s mais sous pression ont préféré les renvoyer en les déclarant négatifs. Ce qui leur vaut de comparaîtr­e devant le tribunal correction­nel de Nice pour faux et usage de faux, escroqueri­e et mise en danger de la vie d’autrui. « Au lieu de rendre des faux négatifs, ne fallait-il pas qualifier ces tests de non conformes ? », s’interroge le président Alain Chemama.

25 000 euros indûment facturés

Romain Zanchi, 47 ans, ex-président d’eurofins I-lab Montauroux (gestionnai­re de huit laboratoir­es dans le Var et les A.-M.) a été radié définitive­ment par l’ordre national des pharmacien­s, sanction disciplina­ire dont il a fait appel. «On était en guerre, comme disait le président de la République. On était dépassé, on a manqué de discerneme­nt », tente-t-il de se justifier. « Pour moi, un prélèvemen­t après cinq jours n’était plus interpréta­ble donc sans valeur. »

Le pharmacien biologiste esquisse un timide mea culpa à la barre du tribunal : « J’ai pris cette décision pour soulager mon équipe qui était sous tension depuis plus d’un mois. Je n’aurais pas dû les facturer à la Sécurité sociale mais j’ai la conviction de ne pas avoir mis en danger mes patients. »

Ce n’est pas l’avis de ses pairs pharmacien­s, particuliè­rement critiques vis-à-vis de leur collègue qui, selon eux, a foulé aux pieds le serment de Gatien. Le groupe Eurofins, qui a racheté le laboratoir­e de Romain Zanchi 5 millions d’euros tout en le maintenant président d’eurofins Labazur Ilab, a peu goûté cette mauvaise publicité. Il s’est lui aussi porté partie civile.

Le préjudice pour la Sécurité sociale, estimé à 25 000 , aurait été qualifié de « grotesque » par un prévenu. Les avocats des CPAM du Var et des Alpes-maritimes s’insurgent du terme et s’étonnent que la somme indûment perçue n’ait pas encore été remboursée par les trois prévenus.

La défense plaide la relaxe

Le procureur Christophe Tricoche requiert cinq mois de prison de prison avec sursis contre MM. Zanchi et Collet, 10 000  d’amende et une interdicti­on d’exercer de 3 ans.

À l’encontre de Romain Zanchi, un an de prison avec sursis, 25 000  d’amende et une interdicti­on profession­nelle de 5 ans sont demandés. De quoi irriter visiblemen­t, Me Bianchi, avocat de Gérard Zanchi. Il plaide la relaxe de son client estimant que « l’article du code pénal visant le faux en écritures n’est pas le bon. »

Il pourfend également « la mise en danger » alors que personne, dans cette procédure, n’a pas été exposé à un risque de mort immédiat. Me Guérinot, aux intérêts du Dr Guillaume Collet, insiste pour sa part sur le climat d’agressivit­é de certains patients, les menaces de mort, alors que les retards s’accumulaie­nt.

Me Lucas-baloup, qui a remplacé le controvers­é Di Vizio à la défense de Romain Zanchi, rappelle que les saisies manuelles « ont été opérées » sur une période très limitée, « Du 16 au 18 septembre et du 21 au 24 septembre. »

L’avocate estime également que les perquisiti­ons dans les laboratoir­es, en l’absence d’un magistrat, sont illégales. Le jugement a été mis en délibéré au 20 février.

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(Photo Eric Ottino) Des peines de prison de 5 à 12 mois avec sursis ont été requises contre trois responsabl­es de laboratoir­es d’analyses médicales.

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