Les interventions de Vauban
Vue aérienne des vestiges du château de la reine Jeanne avec la majestueuse tour cylindrique du roi René. Les vestiges du château-donjon – qui domine avec fierté le village et dont la silhouette majestueuse donne un cachet si pittoresque au paysage – incarnent toute l’histoire de Guillaumes.
Guillaumes possède une histoire mouvementée et pittoresque mais trop peu connue. Les ruines imposantes du haut donjon plantées sur un sommet escarpé, la masse de maisons coiffées de mélèze brun, les pans de remparts où s’accrochent des balcons et le clocher carré étirant une flèche de pierre grise... témoignent de l’importance de Guillaumes en tant que place forte provençale puis française.
Un premier castrum millénaire
C’est autour de l’an mille que se situerait la fondation du castrum de Guillermo. Celui qui lui donna son nom serait, d’après de vieux historiens provençaux, Guillaume II de Provence, dit le Libérateur. En revanche, des chroniqueurs modernes avancent que le nom proviendrait, en fait, d’un gentilhomme de la région du nom de Guillaume tandis que d’autres optent pour un seigneur, Guillaume Rostagni, mais cette hypothèse est contredite.
Le castrum, entouré de remparts, était dominé par un castel flanqué de la Tourre Caïrado édifiée par Raymond Beranger vers 1235. À cette époque, le castrum figure dans une liste des habitats inféodés au comte de Provence, règle établie par l’administration comtale entre 1232 et 1234. Mais, en 1359, la reine Jeanne Ire de Naples, d’anjou et comtesse de Provence annule cette inféodation. Et, malgré la charte du 28 septembre 1388 qui scelle le rattachement de Nice à la Savoie, Guillaumes reste rattaché à la maison d’anjou et, en 1390, Guillaumes est désigné comme chef-lieu de Viguerie. C’est à cette époque, qu’en référence à la fidélité du village à la reine Jeanne, que le château est baptisé de son nom. Mais certains historiens affirment qu’il ne s’agit que d’une légende. Vers 1450, le roi René d’anjou, le refond en véritable forteresse grâce à l’édification d’un donjon cylindrique sur le modèle du vieux principe capétien.
Un château, modèle de l’architecture militaire
En 1562, Charles IX, roi de France, consacre l’intérêt militaire de Guillaumes en y affectant une garnison permanente. Puis, de 1700 à 1706, le château est revisité par Vauban qui en dresse de nouvelles fortifications (lire
Le château devient alors l’une des fortifications défendant la frontière du royaume de Piémont-sardaigne. Ces dernières seront malheureusement détruites quelque 60 ans plus tard, du fait de la rectification des frontières imposées par le traité de Turin du 24 mars 1760, entre Louis XV et Charles Emmanuel III. La place est cédée à la Maison de Savoie et le château démantelé avant d’être définitivement rendue à la France en 1860. Sans le traité de 1760, le château de Guillaumes serait sans doute encore une altière forteresse. Malheureusement, aujourd’hui, il ne reste plus qu’une imposante carcasse de pierres dominant le village situé à l’entrée des gorges du Daluis et du parc du Mercantour. Malgré tout, on peut se rendre compte que ces vestiges représentent encore un modèle de l’architecture militaire entre le XIIIE et le XVIIIE siècle. De plus, par son intérêt patrimonial et son importance pour le développement local, le château de la reine Jeanne a été sélectionné et subventionné dans le cadre de la Mission Bern pour la sauvegarde du patrimoine en péril. Le site du château et la parcelle boisée qui l’environne sont classés depuis 1931.
L’importance militaire du Guillaumes s’affirme à la fin du XVIIE siècle. Vauban y vint plusieurs fois et, s’étant rendu compte de l’importance de la place, fin septembre 1700, il y revint pour dresser les plans des nouvelles fortifications. II y resta environ un mois, à cause d’un rhume opiniâtre qui le tourmentait. Il en profita pour rédiger un mémoire sur le château où il décrit les fortifications existantes ainsi que le donjon à trois étages avec, au rez-de-chaussée, trois petites chambres. La première possédait un four, une cheminée et un petit magasin à poudre. Au premier étage, une grande salle de garde, deux petites chambres et un magasin à poudre. Au deuxième étage, une grande salle, une chambrette, une salle avec un grenier communiquant avec la tour. En haut, un petit parapet en saillie porté sur des bouts de poutre avec mâchicoulis et, à côté du donjon, la citerne, une tour et deux bastions. L’ingénieur décide alors de renforcer l’axe de défense. Il renonce à démolir le logis central du château, pourtant peu adapté à la guerre moderne, mais il renforce la fortification en ajoutant devant le château un bâtiment bas constitué de deux bastions reliés par une courtine, un « cornichon » selon le terme de l’époque.
Le château de la reine Jeanne a été sélectionné et subventionné dans le cadre de la Mission Bern pour la sauvegarde du patrimoine
(Miniature de Robinet Testard tirée d’un manuscrit de la collection De mulieribus claris de Boccace, vers 1488-1496)