Nice-Matin (Cannes)

L’évolution du nom de Sospel

À TRAVERS LES SIÈCLES

- NELLY NUSSBAUM magazine@nicematin.fr Source : Journal du Cercle d’études de l’histoire et du patrimoine de Sospel.

Cette station alpestre allonge de façon pittoresqu­e ses vieilles maisons sur les deux rives de la Bévéra. Parsemé de monuments et de vestiges, c’est un village privilégié pour lire l’histoire.

Des Ligures, qui vivaient sur le site jusqu’à nos jours, en passant par une riche antiquité, un prospère Moyen Âge, des périodes troublées, une Révolution et deux tristes guerres..., la commune a conservé un peu partout en ses murs, l’empreinte des temps passés depuis plus de mille ans. Si aujourd’hui son nom définitif est Sospel et que les Sospelois aiment à le prononcer Sousper ou Susper pour conserver le dialecte local, il n’en a pas toujours été de même. Au fil du temps, ce toponyme, presque millénaire, n’est pas resté immuable.

Foisonneme­nt de patronymes

Au cours des siècles, le patronyme a évolué sous différente­s formes, quelquefoi­s contestées par les historiens, tels Hospitellu­m (hospice) ou Sospes Tellus (terre de salut) dans l’antiquité. Certains linguistes ont avancé que Sospel provenait du latin classique Caespes, suivi du suffixe ellum ou ellus signifiant terre recouverte de gazon.

En 1095, la première trace écrite du nom du bourg apparaît sous la forme latine Cespedelli, désignant soit un domaine rural sur les bords de la Bévéra, soit une élévation au confluent Bévéra/merlanson, alors que c’est Cespedel qui fut utilisé dans le langage populaire jusqu’au XIIE siècle. Une autre forme du nom apparaît dans un acte du 30 août 1157 qui mentionne : « Les habitants de Cespeel ont juré fidélité à la commune de Gênes. » Alors que c’est Cespeello qui, en 1217, apparaît dans une sentence arbitrale sous contrôle génois. Entre 1252 et 1592, le toponyme est passé de la forme latine Aspezello, Spesel, Lespel et enfin Espel. Alors qu’à la fin du XIVE siècle, une transcript­ion de phrases dialectale­s d’eugène Cais de Pierlas mentionne le village en tant que Cespel, ce qui signifie une éminence, un tertre ou une élévation.

Et ce n’est pas terminé !

Au début du XVE siècle, on retrouve le bourg sous l’appellatio­n Cespitello. Puis une mutation définitive, vers le milieu du siècle, va modifier la première syllabe du mot, soit sur les actes officiels Cespitello devient Sospitello. Après l’abandon progressif du latin en 1561, l’italien devient la langue obligatoir­e. Mais pour le langage populaire, le village est resté Cespel ou quelquefoi­s déjà, Sospel. En fait, le verbal a provoqué la modificati­on de l’écrit afin que le nom de la cité demeure compréhens­ible et identique tant dans les documents que dans les échanges verbaux.

Ainsi, au début du XVIIIE siècle, des poètes sospellois utilisaien­t soit le toponyme de Sospel, soit l’italien comme l’abbé Sigismondi Alberti dans son Istoria della Città di Sospello, imprimé à Turin en 1728.

À partir de là, le toponyme a évolué librement, Souspel en 1793, puis Sousper/susper à la fin du XIXE siècle. Dans d’autres parties du départemen­t, on trouve Souspèu en nissart, Souspé en Mentounasc et Souspel dans l’arrièrepay­s. Puis, le nom Sospello fut définitive­ment fixé dans la langue officielle, jusqu’au milieu du XIXE siècle et même pendant la période révolution­naire. Ce n’est qu’après l’annexion française en 1860 que Sospel est devenu le nom officiel de la République française. Cependant, on a retrouvé une lettre du 31 mai 1861 qui était encore intitulée « Mairie de Sospello », avec au bas le tampon officiel du « Maire de Sospel ». Rare sont les communes qui ont vu un tel foisonneme­nt de toponymes qui se sont retrouvés dans les actes officiels et dans l’évolution d’un millénaire du parler populaire.

Ce n’est qu’après l’annexion française en 1860 que Sospel est devenu le nom officiel

d’échoppes sous les arcades aujourd’hui comblées fut très active au Moyen Âge. L’ancien palais communal, fait toujours face au Pont Vieux, avec ses arcades romanes en plein centre et la fontaine « Souta-loga » du XVE siècle, posée sur la place Saint-nicolas, ancienneme­nt place du Saintespri­t.

C’est dans la Loggia de cette place – avec sa pierre sculptée au mouton sur la façade (symbole de protection divine) – que se tenaient les réunions des syndics et du Parlement au temps où la ville était administré­e par les hommes libres sous la protection des Comtes de Provence. Sospel a aussi de nombreuses églises et chapelles dont la chapelle Sainte-croix, place Sainte-croix qui, construite au

XVIE siècle, abrite une Vierge de Pitié du début du XVE siècle. Sans oublier la place Saint-michel, pavée à l’ancienne avec des galets qui forment une rosace. En 1975, Jacques Doillon tourna dans le village le film Le sac de billes.

La plupart des monuments sospellois méritent la visite et sont classés aux Monuments historique­s.

 ?? ??
 ?? (Photo Eric Dulière) ?? La Bévéra est encore bordée de vieilles maisons dont certaines datent du Moyen Âge.
(Photo Eric Dulière) La Bévéra est encore bordée de vieilles maisons dont certaines datent du Moyen Âge.
 ?? (Carte postale ancienne) ?? Ce village de l’arrière-pays niçois a traversé les siècles en changeant très souvent de patronyme.
(Carte postale ancienne) Ce village de l’arrière-pays niçois a traversé les siècles en changeant très souvent de patronyme.

Newspapers in French

Newspapers from France