La semaine vagabonde de Denis Carreaux
Lundi
Indécence (s). La course au buzz ne connaît ni répit ni limites sur le plateau de Cyril Hanouna. Nouvel exemple ce soir avec la présence dans TPMP du père d’un des auteurs de l’agression barbare d’une vieille dame à Cannes. Privé de son emplacement au marché de La Bocca par le maire David Lisnard, Bouchaib Azhari crie à l’injustice. De la mamie qui a failli mourir, attaquée parderrière par des ados, il n’est évidemment pas question. Non, le scandale est ailleurs. « Vous voulez que je devienne SDF ? », s’égosille le père avant de regagner l’hôtel parisien payé par C8. Les 60 000 € qu’il devrait à la Caisse d’allocations familiales ? « C’est juste des calculs. J’ai contesté », justifie le brave homme. Pour peu, il nous arracherait une larme. Séquence suivante. Cyril Hanouna évoque brièvement la condamnation de Jean-marc Morandini. L’animateur d’une autre chaîne du groupe Bolloré vient d’écoper d’un an de prison pour corruption de mineurs. Il n’est pas pour autant privé d’antenne par Cnews. Tout va bien.
Mardi
Trop drôles. Aujourd’hui, c’est la remise des prix « Press club, humour et politique ». Récompensé pour sa phrase : « La station d’essence est le seul endroit en France où celui qui tient le pistolet est aussi celui qui se fait braquer », le député PCF du Nord Fabien Roussel avait des concurrents sérieux en face de lui. Sandrine Rousseau, qui mériterait d’être récompensée pour l’ensemble de son oeuvre, reçoit le prix de la récidive pour trois citations, dont cet involontaire mais inoubliable :
« Les SDF meurent plus de chaud l’été que l’hiver. » Dommage que la sélection du prix « Humour et politique » 2022 ait été bouclée si tôt. Avec son coup de gueule du jour au sujet des coupures d’électricité (« Les scénarios de la peur, c’est non »), Emmanuel Macron aurait pu décrocher un accessit. Difficile en effet de ne pas se bidonner en entendant le chef de l’état dénoncer très sérieusement une dramatisation orchestrée par le gouvernement depuis une semaine. Quel talent !
Mercredi
À l’école du crack. Mieux que les parents, les nounous ou les papismamies trafic, les policiers !
Pour se rendre chaque matin à l’école maternelle Charles-hermite, dans le XVIIIE arrondissement de Paris, les enfants sont désormais escortés par des policiers municipaux. Au coeur de ce quartier gangrené par la présence de consommateurs de crack, on ne cherche même plus à traiter le mal. On s’en accommode en faisant en sorte de protéger quand même des écoliers à la merci de l’agressivité des toxicomanes. Dans ce secteur où se mêlent trafics de stupéfiants, délinquance et prostitution, les adultes n’osent même plus s’aventurer. Seuls les policiers et les CRS occupent encore le terrain. Jusqu’à quand ?
Jeudi
Macron, Président à vie ? C’est une petite musique qui monte lentement, mais sûrement. Et si Emmanuel Macron, qui n’a pas le droit de se présenter à nouveau en 2027 au terme de deux mandats consécutifs, était quand même candidat ? Il y a quelques jours, l’ex-garde des Sceaux socialiste Jean-jacques Urvoas a allumé la mèche en évoquant un scénario assez alambiqué ouvrant la voie à cette possibilité. Son raisonnement : si Emmanuel Macron devait démissionner et ne pas aller au terme de son bail de cinq ans, il n’effectuerait donc pas deux mandats successifs complets et pourrait donc se présenter à nouveau. Jean-pierre Raffarin va beaucoup plus loin. Invité de l’émission « Face aux territoires » de Cyril Viguier sur TV5 Monde en partenariat avec Nice-matin, l’expremier ministre estime carrément qu’il faut changer la Constitution. « Il faut revenir sur cette idée où on empêche le Président de se représenter », explique-t-il, rêvant déjà à de nouveaux quinquennats Macron. La Chine et la Russie y ont pensé avant lui.
Vendredi
L’appel de Nice de Darmanin. La comparaison avec son exmentor Nicolas Sarkozy est facile, mais toujours pertinente. Journées marathon et débit mitraillette, le ministre de l’intérieur avance en mode bulldozer. Au gouvernement depuis six ans, il trace son sillon sans complexes, tenant d’une ligne droitière adaptée aux nécessités du macronisme. Interrogé par un de nos lecteurs à l’occasion de sa venue à Nice, le ministre de l’intérieur esquive gentiment la question sur sa trajectoire personnelle. « Moi, je ne pense pas à 2027, mais à ce soir et demain matin », assure Gérald Darmanin, qui en profite pour tendre la main à ses ex-amis politiques de droite. « Venez rejoindre le président de la République comme l’ont fait le maire de Nice, le maire de Toulon et le président de la Région ! » Un appel depuis la ville de Christian Estrosi qui n’a rien d’anodin, à 48 heures de l’élection probable d’éric Ciotti à la présidence des Républicains.
Samedi
La bataille du 7 h 01. Censée être un instrument d’aménagement du territoire, la SNCF est aussi responsable de l’enclavement d’une partie de la France. En supprimant des trains, elle contribue ainsi à affaiblir le Limousin et l’auvergne, déjà fragilisées par le redécoupage des régions opéré à la truelle par François Hollande en 2014. À Limoges, la disparition de l’intercités de 7 h 01 qui permettait de se rendre à Paris le matin en 3 h 15 (soit 21 minutes de plus que le Capitole en… 1967) pourrait entraîner des conséquences dramatiques. Le groupe international Legrand, premier employeur de la ville avec 2 200 salariés, menace de faire ses valises si la SNCF ne réagit pas. Chez Michelin, qui fait vivre 10 000 familles à Clermont-ferrand, on fustige aussi l’attitude désinvolte de la SNCF. Manifestation ce lundi, pétitions, courriers aux ministères : la colère monte contre la France à deux vitesses, celle des métropoles reliées par le « tout TGV » et celle des déclassés, au beau milieu de ce que les géographes qualifiaient jadis de « diagonale du vide ».
« Et si Macron, qui n’a pas le droit de se présenter à nouveau en 2027, était quand même candidat ? »