Nice-Matin (Cannes)

Bio express

Directrice de recherche au Centre méditerran­éen de médecine moléculair­e, dirige une équipe travaillan­t sur ces cellules responsabl­es de la couleur de la peau, des yeux... Mon métier, c’est créer de la connaissan­ce” J’espère apporter ma pierre à l’édifice”

- MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin.fr 1. L’inserm, la Ligue nationale contre le cancer, l’institut national du cancer, la Ville de Nice, la Société française de dermatolog­ie.

Corine Bertolotto est directrice de recherche à l’inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et responsabl­e, avec Robert Ballotti, de l’équipe « biologie et pathologie­s des mélanocyte­s » au Centre méditerran­éen de médecine moléculair­e d’université Côte d’azur, à Nice.

Depuis plus de 20 ans, la chercheuse originaire de La Seyne-surmer travaille sur les mélanocyte­s, « des cellules dont la fonction et de produire les pigments mélaniques, responsabl­es de la couleur de peau, de cheveux, des yeux. Si elles permettent de réguler la pigmentati­on, qui joue un rôle clé dans la protection contre les effets délétères des rayonnemen­ts du soleil, leur transforma­tion conduit au mélanome, une tumeur très agressive. »

Découverte majeure

« Quand j’ai commencé à travailler, il n’y avait pas de traitement. En 2011, il y a eu des avancées thérapeuti­ques spectacula­ires qui ont permis d’augmenter la survie des patients. Malgré cela, beaucoup sont résistants au traitement ou finissent par développer des résistance­s », explique Corine Bertolotto.

Avec son équipe, elle a découvert un nouveau gène de prédisposi­tion au mélanome cutané. Une découverte majeure. « Ce gène de prédisposi­tion permet d’identifier les patients qui sont à risque dès le départ, afin qu’on puisse mieux les suivre et traiter une lésion cutanée qui aurait dérivé. Ça permet de guérir les gens dans 90 % des cas » détaille-t-elle.

Le fruit de ces recherches a fait l’objet d’une parution en 2011 dans la prestigieu­se revue scientifiq­ue Nature, accompagné­e de nouvelles recommanda­tions nationales pour le suivi dermatolog­ique des patients, à savoir la recherche de ce variant pathogène chez les personnes à risque.

Recherche sur les mélanomes oculaires…

Depuis 2016, son équipe étudie aussi la biologie des mélanomes oculaires, avec l’objectif d’identifier des stratégies thérapeuti­ques naît à La Seyne-sur-mer. DEA de biologie et pharmacolo­gie cutanées à l’université Paris VII.

doctorat en sciences de la vie et de la santé à l’université de Nice Sophia Antipolis.

habilitati­on à diriger les

1970 : 1994 : 1998 : 2006 : « La recherche, c’est un travail d’équipe », souligne Corine Bertolotto.

efficaces pour améliorer la survie des patients.

« Les mélanomes oculaires sont différents des mélanomes cutanés. Leur biologie, leur statut mutationne­l ne sont pas du tout les mêmes. Il y a tout à refaire, et ça a boosté notre dynamique. Il a fallu se mettre à jour, car c’est vraiment une nouvelle tumeur. Il n’y a pas de traitement pour ces patients-là, ou en tout cas c’est très limité, et c’est pour ça que je me suis engagée. Mon ambition, c’est d’aider les patients, travailler au bénéfice des patients. J’espère apporter recherches en sciences de la vie et de la santé à l’université de Nice Sophia Antipolis.

découverte d’un nouveau gène de prédisposi­tion au mélanome cutané.

lauréate des prix de l’académie des sciences

2011 : 2021 :

ma pierre à l’édifice et participer à la création de connaissan­ces, au développem­ent de nouveaux traitement­s. Mon métier, c’est ça, créer de la connaissan­ce. » « Et nous avons la chance – et ça a pesé lourd dans ma décision de m’engager dans ce travail – que le service d’ophtalmolo­gie du Pr Stéphanie Baillif au CHU de Nice soit l’un des deux centres de référence en France pour le traitement des tumeurs oculaires. Il draine un nombre de patients élevé qui nous permet d’avoir des biopsies fraîches, qui n’ont pas été en culture, qui n’ont pas été remaniées artificiel­lement, et de l’académie nationale de médecine.

prix « Fritz Anders

Medal and Lecture » de la Société européenne de recherche sur les cellules pigmentair­es et prix des Victoires de la recherche de la Ville de Nice.

2022 :

nécessaire­s aux succès de nos études. »

...et les mélanomes cutanés pédiatriqu­es

« Nous avons également un projet sur le mélanome cutané pédiatriqu­e en collaborat­ion avec l’institut Gustave-roussy [le centre régional de lutte contre le cancer situé à Villejuif dans le Val-de-marne, Ndlr], notamment Brigitte Bressac-depaillere­ts. C’est une maladie rare, très peu explorée jusqu’à présent. Mais les maladies rares n’intéressen­t pas beaucoup les “Big Pharma”. Or c’est une tumeur qui est différente du mélanome cutané adulte. On ne le connaît pas bien. Il n’y a pas de traitement, pas de prise en charge spécifique pour ces enfants. Elle est identique à celle de l’adulte. Il faut continuer à comprendre pour pouvoir adapter le traitement », poursuit la chercheuse azuréenne.

Création d’un nouveau master à l’université

Membre invité du conseil scientifiq­ue d’université Côte d’azur, Corine Bertolotto est également à l’initiative de la création d’un nouveau master. « Contrairem­ent à d’autres grandes villes, Marseille, Paris et Lyon, il n’y avait pas de master en cancérolog­ie à Nice. J’ai souhaité participer à cette dynamique de formation et créé, en 2020, un nouveau master en cancérolog­ie et recherche translatio­nnelle. Pour cela, j’ai reçu le soutien de L’EUR Life [Ecole universita­ire de recherche en sciences du vivant et de la santé, Ndlr] et de plusieurs collègues, en particulie­r de Lauris Gastaud, oncologue à Lacassagne, et Marius Ilié, médecin au CHU, co-responsabl­es du master avec moi. »

Cet intérêt pour les mélanocyte­s est né d’une envie de comprendre les mécanismes responsabl­es de notre couleur de peau, cheveux, yeux. « Pourquoi certaines personnes ont une peau plus ou moins foncée ou plus ou moins claire, pourquoi avons-nous telle couleur de cheveux ou d’yeux ? J’ai toujours été intriguée par cela », confie-t-elle. « Il y a des explicatio­ns environnem­entales, comme l’exposition au soleil qui fait que nous bronzons. Il y a aussi des explicatio­ns génétiques, avec des mutations qui changent la couleur de notre peau. »

Prix en rafale

Pour l’ensemble de ses travaux de recherches en oncologie, Corine Bertolotto a reçu plusieurs distinctio­ns. En 2021, le prix de l’académie des sciences et celui de l’académie nationale de médecine pour ses recherches en oncologie. En 2022, elle a remporté le prix des Victoires de la recherche de la Ville de Nice, et été lauréate du prix « Fritz Anders Medal and Lecture » de la Société européenne de recherche sur les cellules pigmentair­es, pour sa contributi­on exceptionn­elle à la recherche sur le mélanome.

« Je partage ces prix avec Robert Ballotti, un chercheur exceptionn­el qui m’a beaucoup appris, et mon équipe. Car la recherche, c’est un travail d’équipe. Je conseille, j’oriente, je trouve l’argent (1), mais c’est elle qui est à la paillasse. Mon équipe a été très importante dans l’avancée de nos travaux. »

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(Photo Franz Chavaroche)

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