Nice-Matin (Cannes)

La location bientôt impossible dans les stations de ski ?

Les propriétai­res vont-ils devoir en passer au plus vite par une rénovation pour continuer à louer leurs biens ? Plusieurs stations comportent une part importante de « passoires thermiques ».

- PIERRE PEYRET ppeyret@nicematin.fr

Sale temps en perspectiv­e pour les propriétai­res d’appartemen­ts meublés des stations de ski du pays... Élaborée par Heero, spécialist­e de la rénovation des logements, une étude met en avant le bilan énergétiqu­e de 70 stations en fonction de la performanc­e énergétiqu­e de leurs logements (1). Les étiquettes F et G, synonymes de passoires thermiques, y sont particuliè­rement scrutées.

« Le constat est alarmant », résume Romain Villain, directeur général de la structure. « Alors qu’en France, 16,9 % des logements sont considérés comme des passoires énergétiqu­es, les stations de ski étudiées comptent en moyenne 50 % de logements avec un diagnostic de performanc­e énergétiqu­e Foug!» Avec des écarts d’un massif à l’autre. Si l’on retrouve des taux autour de 15 % dans le Jura, cela grimpe jusqu’à 90 % dans les Alpes du Sud et les Pyrénées.

Qu’en est-il pour les stations des Alpes-maritimes ?

Selon ce classement, 90 % des logements d’isola 2000 seraient des passoires thermiques, soit le plus mauvais taux au niveau national, devant Piau-engaly, dans les Pyrénées (86 %) et La Pierre Saint Martin, toujours dans le massif pyrénéen (79 %). Auron, la seconde station azuréenne étudiée, affiche pour sa part un taux de 49 %. Pour parvenir à ce résultat, « nous nous sommes basés sur le nombre de logements de la commune d’isola (3 438 logements) et le nombre de DPE réalisés (496), dont 139 en étiquette F et 307 en étiquette G », explique Romain Villain.

Sur place, la maire Mylène Agnelli s’étonne d’un tel pourcentag­e. Si elle cite tout de suite le cas de la galerie marchande, elle l’assure : « Ce ne sont plus seulement des logements locatifs », affirme-t-elle. « Ce sont des appartemen­ts privés en dehors de quelques logements sur Airbnb ou à la location. » D’une manière générale, selon elle, cette étude ne tient pas en compte des efforts et des travaux réalisés ces dernières années. «On écrit aux copropriét­aires pour les aider, leur expliquer qu’ils peuvent monter des dossiers, qu’il existe des appuis techniques. De plus, sur les nouveaux projets, nous sommes très regardants sur les matériaux utilisés, cela fait partie des prérequis. »

Comment cela s’explique ?

Au niveau national, plusieurs facteurs contribuen­t à ce constat. L’altitude d’une part, mais aussi la zone géographiq­ue ou l’âge de constructi­on des bâtiments. Beaucoup de stations construite­s dans les années 70, rapidement et avec des matériaux alors peu performant­s, se retrouvent confrontée­s à la nécessité d’entretenir leur parc de logements devenus vieillissa­nts.

« À Isola 2000, les logements ont été construits trop rapidement, avec des matériaux peu performant­s », rappelle l’étude.

Un directeur d’agences immobilièr­es, cité par France 3 Occitanie, pointe du doigt un autre problème. Ces logements situés en altitude, même bien isolés et rénovés récemment nécessiten­t une période de chauffage plus longue. Et donc une consommati­on accrue, dégradant la note. «Ce même appartemen­t pourrait obtenir jusqu’à la note B, la 2e meilleure note possible, s’il avait été situé dans la plaine. »

À partir du 1er janvier 2023, selon la loi climat et résilience, les logements dont la consommati­on excède 450 kilowatthe­ures par mètre carré et par an, soit une large partie de la classe énergétiqu­e G, seront interdits à la location. De plus, le ministre délégué au Logement Olivier Klein a annoncé, fin octobre, vouloir étendre aux meublés touristiqu­es cette loi, ce qui pourrait concerner de nombreux logements dans les stations de ski.

« Ces dernières risquent de voir leur parc locatif diminuer de moitié dès 2028, soit dans 5 ans seulement », poursuit Romain Villain pour Heero. Et pour cause, à cette date, les logements classés F vont venir s’ajouter à la liste.

« Pour certaines stations, il sera matérielle­ment impossible de rénover l’ensemble des logements concernés d’ici là », craint-il. Aussi, certains acteurs de la montagne demandent d’ores et déjà une applicatio­n adaptée de cette loi.

Pourquoi cela pose problème ?

Pour des questions d’efficacité énergétiqu­e, d’une part, surtout à une période où le coût de l’énergie augmente. Mais aussi de location. À terme, ces biens pourraient ne plus être mis en location par leurs propriétai­res.

1. Les diagnostic­s de performanc­e énergétiqu­e (DPE) relevés lors des transactio­ns immobilièr­es entre 2006 et juillet 2021 des logements de 70 stations de ski ont été analysés.

 ?? (Photo S. Botella) ?? Selon ce classement, 90 % des logements d’isola 2000 seraient des passoires thermiques.
(Photo S. Botella) Selon ce classement, 90 % des logements d’isola 2000 seraient des passoires thermiques.

Newspapers in French

Newspapers from France