Besoin d’un accélérateur et d’une réflexion stratégique
Emmanuel Barranger, directeur général du Centre Antoine Lacassagne à Nice En tant que centre de lutte contre le cancer, quels sont vos nouveaux enjeux ?
Même si nous sommes un établissement délivrant principalement des soins - notre mission première est de traiter les patients atteints par un cancer –, nous devons participer à la prévention des cancers sur notre territoire. Comment ? En mettant, par exemple, en place des consultations pour lutter contre le tabagisme et la sédentarité, en sensibilisant aux comportements à risques (alcool, alimentation…).
Nous participons également à l’innovation dans les prises en charge et à l’intensification de la lutte contre les cancers de mauvais pronostic. Pour exemple, les cancers dits « triple négatif » représentent 20 % des cancers du sein.
Enfin, nous devons participer à l’accès égal au soin sur le territoire sans reste à charge pour les patients. Pour ce faire, nous réaliserons en 2023 des consultations avancées dans l’arrière-pays des Alpesmaritimes dans le cadre de « l’institut Axel Kahn » itinérant, en collaboration avec le Département et la ligue départementale 06 contre le cancer. L’objectif est de proposer des soins de support ou des services médicosociaux en ambulatoire.
En quoi peut-on parler d’un tournant pour le secteur de la santé ?
Le métier n’est plus vu de la même manière, l’engagement du personnel soignant n’est plus le même, le travail et la relation avec le patient ont considérablement évolué.
Il y a aussi beaucoup plus d’exigence, une asymétrie de connaissance entre le patient et son médecin, une technicité, des formations et des modalités de prise en charge différentes… Le principe de paiement à l’acte avec tarif imposé par la sécurité sociale ne peut plus fonctionner face à nos enjeux et aux investissements qu’ils nécessitent.
Il faut que lui aussi évolue ! Quant aux banques, elles doivent comprendre qu’un hôpital n’est pas une entreprise.
Olivier Bosc, directeur général du Groupe Kantys À quoi est dû le besoin croissant des populations en termes de soin ?
Le vieillissement de la population, les effets du style de vie, le recours de plus en plus précoce aux éléments de diagnostics permettant de tendre vers davantage de prévention. Et concernant les services hospitaliers, les difficultés de la médecine de ville à prendre en charge dans des délais rapides. Actuellement, notre enjeu n’est pas de « trouver des patients », c’est d’avoir le bon capacitaire de compétences médicales pour répondre aux besoins de nos bassins de population et à nos missions d’intérêt général. En effet, on ne forme pas assez de médecins en France pour remplacer les baby-boomers. On manque également de personnel paramédical à cause d’un équilibre compliqué entre pénibilité, intensité et rémunération du travail. Dans un secteur où les tarifs de prise en charge et de soin sont régulés, il est très compliqué pour les hôpitaux de matérialiser ce réajustement salarial pourtant mérité. Les hôpitaux doivent aussi investir dans la qualité des parcours et de l’expérience patients afin de mieux informer et mieux servir des patients de plus en plus exigeants.
La nouvelle filière Territoire Santé de la CECAZ peut-elle être une solution pour vous ?
Son expertise du secteur devrait nous permettre de prendre de la hauteur, de comprendre ce qui se fait sur le marché, de profiter d’un regard comparatif sur les performances des différents acteurs du secteur. En étant totalement dédiée à la santé, cette filière devrait réussir à être à la fois un interlocuteur du quotidien pour nos équipes administratives, un accélérateur pour nos projets, et une source de réflexions vraiment stratégiques pour l’avenir. Ces partenariats sont utiles pour sortir la tête du quotidien et nous positionner sur nos territoires.