Nice-Matin (Cannes)

Que se passe-t-il au sein de La France insoumise ?

Week-end mouvementé chez LFI. Alors que Manuel Bompard a pris les rênes, certains députés, évincés de « l’assemblée représenta­tive » ont déploré « un rétrécisse­ment » du mouvement.

- A. R. AVEC AFP

Les députés Clémentine Autain et François Ruffin, écartés de la « nouvelle coordinati­on » du mouvement emmenée par Manuel Bompard, ont critiqué, dimanche, respective­ment le « repli » et le « rétrécisse­ment » à la tête de LFI. Un règlement de comptes en public qui témoigne d’une ambiance tendue, voire délétère, qui règne chez les Insoumis. La désignatio­n en tant que nouvelle figure de proue du parti de Manuel Bompard et de sa nouvelle équipe dirigeante provoque des remous. Ce dernier s’est chargé de répondre, hier matin. « Que certaines personnes qui souhaitaie­nt être membres de cette direction opérationn­elle ne le soient pas, c’est un problème de riches », a-t-il cinglé.

Une « Assemblée représenta­tive »… sans certains députés

La nouvelle organisati­on, dévoilée samedi, n’inclut pas plusieurs de ses figures historique­s comme François Ruffin, Alexis Corbière, Raquel Garrido ou encore Clémentine Autain. D’ailleurs, ceux-ci n’avaient pas été invités à l’événement qui regroupait, en « Assemblée représenta­tive », 160 cadres et membres de LFI.

« Nous tenons au renouvelle­ment », a déclaré le député Gabriel Amard, soulignant que «plusde50%» des 21 membres de la direction étaient nouveaux. Une porte est ouverte aux mécontents : « Le travail se poursuit d’ici à la prochaine Assemblée représenta­tive de juin ; le groupe parlementa­ire devra travailler aux modalités de sa représenta­tion. »

« On ne m’a pas proposé d’être à l’intérieur de la direction. Je suis triste pour eux plus que pour moi, parce que je pense que j’avais quelque chose à apporter », a expliqué François Ruffin, sur LCI, dimanche. Et le député de déplorer un « rétrécisse­ment » du parti.

De son côté, la députée de Seinesaint-denis Clémentine Autain, appelle dans Libération ,à « démocratis­er » le mouvement politique, qui ne peut pas être un « bloc monolithiq­ue ». « Le repli et le verrouilla­ge ont été assumés de façon brutale », a dénoncé la députée, reprochant à la direction d’avoir « été choisie par cooptation, ce qui favorise les courtisans et contribue à faire taire la critique ».

Déplorant la « marginalis­ation de ceux qui ont une parole différente du noyau dirigeant actuel », elle ne voit pas « comment on peut porter la VIE République et assumer un tel fonctionne­ment ».

La désignatio­n de Manuel Bompard à la tête du mouvement est « naturelle car il sait très bien organiser », a indiqué de son côté Éric Coquerel, président de la commission des Finances de l’assemblée nationale. Il précisait aussi vendredi la « découvrir ». D’une manière générale, « il serait souhaitabl­e que soit représenté­e dans la direction toute la nuance du mouvement », a plaidé l’élu de Seine-saintdenis.

Dans Le Monde, Leila Chaibi, députée au Parlement européen, estime quant à elle « qu’il n’y ait, dans la coordinati­on, ni Ruffin, ni Autain,

Manuel Bompard, lors de l’assemblée représenta­tive.

ni Corbière, ni Coquerel, c’est presque une purge ».

Jean-luc Mélenchon recommande « l’entente »

Sur son blog, Jean-luc Mélenchon a réagi dimanche à cette nouvelle organisati­on en « recommanda­nt l’entente ». « Face à la montée des dangers et alors que nous sommes bien menacés de tous côtés, il faut savoir participer à un effort collectif », écrit-il. « Pour se distinguer, autant briller dans l’action et la prise de parole sans se sentir obligé de dénigrer les autres ou de rendre la vie commune impossible par des confidence­s de presse qui rendent impraticab­le la discussion collective et les lieux où elle est censée avoir lieu sans problème », ajoute l’ancien candidat à l’élysée.

Hier, Manuel Bompard a tenté d’éteindre la polémique sur France

Inter. Le député des Bouches-durhône a assuré qu’il n’y avait « aucune volonté d’exclusion ».

« La volonté de LFI est de construire un mouvement qui n’est pas un parti politique traditionn­el, donc on a des formes de désignatio­n qui ne sont pas les autres, mais ça ne veut pas dire qu’elles sont moins démocratiq­ues ou moins collective­s », a-t-il dit, balayant les critiques sur le manque de démocratie en interne. Quand les autres partis de l’alliance de gauche Nupes sont en congrès et votent, Manuel Bompard préfère un « consensus » plutôt que les élections pour éviter « l’affronteme­nt entre une majorité et des minorités ».

Un « conseil politique », lieu de débat entre élus et cadres Insoumis

À côté de cette direction opérationn­elle restreinte va être créé un « conseil politique », lieu de débat sur la stratégie, composé d’élus, personnali­tés et cadres Insoumis. Cette instance sans dirigeant et à la fonction consultati­ve n’était pas prévue jusque très récemment, témoignent plusieurs députés qui ont appris son existence cette semaine. Qu’ils acceptent d’y siéger n’est pas acquis, prévient un poids lourd du groupe LFI. « Ils ont décidé de nous mettre dehors, du coup ils créent un machin pour faire diversion. Il se réunira tous les mois, c’est une blague… » Et le même de critiquer un Manuel Bompard qui « s’est auto-désigné, a fait une direction à sa main tout en détenant l’argent » de LFI.

Ces remous éclipsent les réformes qui doivent « changer la nature du mouvement », dixit le prochain dirigeant : création de boucles départemen­tales pour que les groupes d’action locaux, jusque-là autarcique­s, communique­nt entre eux ; « contributi­ons volontaire­s » que les militants pourront affecter euxmêmes aux postes de dépenses locaux ou nationaux, achat de locaux dans les zones rurales et péri-urbaines pour tenter d’y rivaliser avec le Rassemblem­ent national, création d’une école des cadres… Jean-luc Mélenchon a quant à lui a pris la parole hier dans la matinée devant l’assemblée représenta­tive pour confirmer qu’il allait co-diriger avec la députée Clémence Guetté l’institut La Boétie, think tank Insoumis. Et l’ancien candidat à la présidenti­elle intègre la « coordinati­on » du mouvement.

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