Comment peut-on mourir en France sans que personne ne s’en aperçoive ?
Comment peut-on mourir aujourd’hui en France sans que personne s’en aperçoive ? Disparaître pendant des années sans éveiller les soupçons de son entourage ni de l’administration ? La découverte effectuée à Cannes pose la question du fonctionnement de notre société.
« Mort sociale »
Si la personne n’est plus en contact avec les membres de sa famille, qu’elle n’a ni amis ni médecin traitant, qu’elle n’est pas suivie par les services sociaux et n’est pas imposable, elle disparaît des radars. Un phénomène qui s’apparente à une première mort, sociale.
Avec le système du prélèvement automatique auquel nous avons majoritairement recours, pour le remboursement d’un crédit ou le paiement du loyer, des factures d’électricité, des assurances, le règlement des impôts, aucun organisme n’est en mesure de s’apercevoir que le titulaire du compte prélevé est décédé, du moins aussi longtemps que le compte bancaire est suffisamment crédité.
Depuis le déploiement des compteurs Linky, le relevé de consommation d’électricité se fait à distance. Le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité n’a plus besoin d’envoyer un agent relever
les chiffres du compteur. Et si aucune consommation n’est enregistrée, pourquoi s’en alarmerait-il ? Les logements vacants ou résidences secondaires longtemps inoccupées sont nombreuses dans la région.
« Les voisins ont un rôle majeur à jouer »
Ce n’est qu’en cas d’impayé, comme c’est le cas du mort de Cannes, qu’on s’intéresse enfin à votre sort.
« Les voisins ont un rôle majeur à jouer. C’est essentiel depuis la disparition des concierges et le recul des commerces de proximité », estime Dominique Argoud, enseignant-chercheur à l’université Paris-est Créteil, auteur d’une étude sur les solidarités de proximité.
On pensait l’avoir compris après la canicule de 2003, qui aurait causé une surmortalité de 15 000 décès, principalement des personnes âgées et isolées.