Nice-Matin (Cannes)

Relaxe pour deux gardiens de la maison d’arrêt de Nice

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

À peine l’affaire avait-elle éclaté que des voix s’élevaient dans le personnel de la maison d’arrêt de Nice pour dénoncer un dossier « bancal », « à charge ».

Le président du tribunal correction­nel de Nice, Hicham Melhem, n’a pas dit autre chose hier. Il a prononcé une relaxe totale pour deux surveillan­ts pénitentia­ires suspectés d’avoir monté une expédition punitive contre un détenu de la maison d’arrêt de Nice.

Les faits se sont produits le 1er octobre dernier. L’un des surveillan­ts, le plus jeune, trois ans d’ancienneté, était en couple avec une surveillan­te de la maison d’arrêt. Laquelle a été la cible de mots désobligea­nts de la part d’un détenu, au point qu’elle a rédigé un rapport.

Un dossier consternan­t

Le sang de son compagnon n’aurait fait qu’un tour, et il

serait allé s’expliquer dans la cellule même du détenu. Il était accompagné d’un second gardien, « 31 ans de bons et loyaux services », ainsi que l’a décrit Me Benjamin Taïeb, son avocat.

Son client est poursuivi pour complicité de violence par une personne dépositair­e de l’autorité publique. Que s’est-il passé ensuite ? Le jeune gardien reconnaît des mots, mais affirme

n’être jamais entré dans la cellule. L’accusation affirme qu’une bagarre a éclaté. La victime n’a pas déposé plainte.

Le dossier, sans témoin direct, sans victime, est assez consternan­t. Au point de se demander ce qu’il fait dans une chambre correction­nelle, un après-midi de février. Des « ouï-dire », affirme même l’avocate du jeune maton, Me Laila Saidi.

Climat délétère

Aucun élément probant ne vient appuyer la thèse de l’expédition punitive. On découvre en revanche un climat délétère au sein de la maison d’arrêt. « Placé en garde à vue, menotté, mon client se sent bousculé, humilié par cette affaire », estime

Me Benjamin Taïeb.

À l’entrée de l’accès de la maison d’arrêt, réservée aux profession­nels y travaillan­t, et dans ce climat de rumeurs internes, un panneau avait même été apposé : « Entrée interdite sans autorisati­on de la direction pour les surveillan­ts XXX et XXX. » Leurs deux noms, ainsi affichés, pouvaient être vus des avocats, des agents du greffe ou de la direction. Drôle de méthode…

La procureur, Marina Uman, a requis huit mois avec sursis, et deux mois avec sursis. « Dans le dossier, je ne vois pas de preuves de culpabilit­é », a tranché le président du tribunal. «Jene peux pas condamner sur la base d’observatio­ns faites dans des conditions invérifiab­les. »

À l’énoncé du jugement, des larmes de soulagemen­t ont coulé dans la salle. Les collègues proches des deux prévenus n’ont pas caché leur émotion d’entendre la relaxe.

« À l’avenir, ne vous mettez pas dans des situations ambiguës », a simplement commenté le président du tribunal, s’adressant au plus jeune des deux gardiens. Son collègue avait déjà dépassé l’âge de la retraite. Aucune ombre ne viendra donc obscurcir sa carrière.

Le parquet peut toutefois encore faire appel.

 ?? (Photo d’illustrati­on archives Nice-matin) ?? L’affaire risque de laisser des traces au sein du personnel de la maison d’arrêt de Nice.
(Photo d’illustrati­on archives Nice-matin) L’affaire risque de laisser des traces au sein du personnel de la maison d’arrêt de Nice.

Newspapers in French

Newspapers from France