Tirs à Grasse : sept ans de prison et un acquittement
Dans une folle nuit d’été où il s’était fait rosser, un jeune Grassois, accompagné de son cousin, avait peu après tiré sur un inconnu. C’était en 2015. La justice a entendu les arguments de la défense.
L’attente est interminable pour les deux accusés qui comparaissaient libres depuis lundi devant la cour d’assises des Alpesmaritimes. Autrefois inséparables, les deux cousins ne s’adressent plus la parole. Ils retiennent leur souffle. Dans un silence monacal, Adrien Longo est reconnu coupable de tentative de meurtre : il est condamné à sept ans d’emprisonnement. La préméditation n’a pas été retenue. Son cousin Antonin, lui, est acquitté. Une fois l’audience levée, Antonin tombe dans les bras de ses avocats Mes Franck et Alexandre De Vita.
L’affaire remonte à la nuit du 25 juillet 2015. Antonin dort à poings fermés quand, vers 3 heures du matin, Adrien – son cousin – appelle à l’aide : « J’ai un eu un problème. Je suis blessé. Viens. » Une bagarre s’est produite peu avant devant le bar Victoria à Grasse. Adrien Longo, ouvrier à la parfumerie, a été mis KO par un certain Amor. Son crâne est ensanglanté. Sa compagne a été brutalisée. Il veut retrouver son ou ses agresseurs. Antonin se met au volant de sa Smart et prend en charge son cousin et s’engouffre rue Charles-nègre dans le Vieux-grasse. Adrien Longo apostrophe Ali Bettaieb, 41 ans, car il pense que le fameux Amor habite dans le coin. Mais il se sent à nouveau agressé par son interlocuteur enivré. Il tire à deux reprises. Par miracle, Ali Bettaieb est aujourd’hui en bonne santé. Aucun organe vital n’a été touché par les deux balles de petit calibre.
15 ans et 8 ans requis
Deux thèses s’opposent depuis lundi. La magistrate de l’accusation a requis hier matin 15 ans de réclusion contre Adrien Longo, coupable, à ses yeux, d’une tentative d’assassinat. Huit ans ont été demandés contre Antonin pour sa complicité. L’avocate générale a évoqué « un plan, un acte réfléchi et pensé » : « Adrien Longo est animé par la rage, la colère, la rancoeur. » La magistrate a insisté sur les versions « fantaisistes et concertées » des accusés. Les avocats eux, s’attardent sur le caractère absurde, irrationnel de cette affaire où l’alcool a joué un rôle essentiel et brouillé les esprits. À l’heure du verdict, les enjeux sont considérables. Deux pères de famille, sans casier judiciaire, insérés, libres depuis six ans, risquent à nouveau l’incarcération. « À quoi tient le destin d’un homme ! », s’exclame Franck De Vita, qui plaide avec conviction l’acquittement d’antonin, qui, par solidarité familiale, s’est retrouvé embarqué dans une galère. Un homme à la vie sans tache, au parcours
d’artisan sans accroc auquel tout un chacun peut s’identifier. « Il a été spectateur mais en aucun cas acteur dans cette affaire », plaide pour sa part Me Alexandre De Vita, qui l’estime « victime de sa gentillesse,
de sa loyauté. »
« Madame l’avocate générale, avec beaucoup de talent, vous avez fait beaucoup avec peu », ironise Franck De Vita, qui rappelle que l’accusation doit démontrer que son client a agi « sciemment », « en connaissance de cause ».
« Il tire pour arrêter, pas pour tuer »
Rien ne prouve, selon la défense, qu’antonin savait que son cousin Adrien avait, dans la poche de son jean, un petit pistolet de défense. Le raisonnement du pénaliste est limpide : « Je ne sais pas qu’adrien est armé, je ne peux donc pas être condamné. »
Au moment de plaider en dernier, Me Alexis Duglin, avocat d’adrien Longo, a deux objectifs. Primo : démontrer l’absence d’intention meurtrière. « Quand on veut tuer quelqu’un, tire-t-on avec un pistolet de défense en regardant de l’autre côté ? Il tire pour arrêter Ali Bettaieb, pas pour le tuer. » Secondo : obtenir la requalification des faits en violences avec arme. L’avocat parisien n'en disconvient pas : les Longo, surnommés « la famille Pinocchio », ont beaucoup menti lors des gardes à vue. Est-ce répréhensible quand, à 24 ans, sa liberté est en jeu ? La cour et les jurés ont entendu les arguments de la défense. Ils ont reconnu l’innocence d’antonin. Mais à leurs yeux, l’acte d’adrien Longo demeure, juridiquement, un crime.