Nice-Matin (Cannes)

Préserver les zones humides, « usines à produire de la vie »

Lutte contre les inondation­s, amortisseu­r des aléas climatique­s… : elles sont « notre assurance vie » face aux crises du climat et de la biodiversi­té. Comment rétablir l’équilibre naturel ?

- SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

L’essentiel des zones humides, en Paca

De l’immense Camargue, jusqu’aux berges du lac Fourca dans le Mercantour, la Région Sud répertorie plus de 3 700 zones humides. Certaines de petite taille, ou même éphémères.

La France compte 52 sites inscrits sur la « Liste des zones humides d’importance internatio­nale », dont trois dans la région : Camargue, Salins d’hyères et Étangs de Villepey (Fréjus).

Le littoral méditerran­éen a même été le berceau de leur protection. On le doit à un pionnier, Luc Hoffmann, ornitholog­ue passionné. Le 2 février 1971, la convention de Ramsar est devenue le premier traité internatio­nal environnem­ental.

Dans le monde, les zones humides sont détruites trois fois plus vite que la forêt. Deux tiers d’entre elles ont disparu depuis le début du XXE siècle. Dénigrées, vues comme insalubres ou faisant obstacle à la constructi­on, elles sont désormais considérée­s sous un tout autre jour.

■ Proches de nous, mais souvent invisibles

Le long des pistes de l’aéroport de Cannes-mandelieu, qui devine une prairie humide, témoin d’une ancienne plaine marécageus­e asséchée ? Dans une vallée étroite du

golfe de Saint-tropez, un des derniers marais d’eau douce sur le littoral de Provence abrite une vingtaine d’espèces protégées… Tourbières, bords de rivière, rivages, lagunes : les zones humides se caractéris­ent par des terrains en permanence ou temporaire­ment inondés, ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre.

Les zones humides sont méconnues, souvent invisibles. Et pour cause, la ville s’est souvent construite ou agrandie sur elles. Pourtant, elles sont « notre assurance vie face aux crises du climat et de la biodiversi­té », écrivent l’associatio­n Ramsar France, La Tour du Valat et le Comité français de L’UICN (Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature).

■ Comme des éponges

Les zones humides jouent plusieurs rôles, dont celui de régulateur du cycle de l’eau. « Elles sont les “reins de la nature”, purifiant l’eau que nous polluons » rappellent

Ramsar France, La Tour du Valat et L’UICN. « Gigantesqu­es éponges, elles captent les précipitat­ions de plus en plus irrégulièr­es et souvent massives, atténuent les pics de crue, rechargent les nappes phréatique­s et soutiennen­t les débits des rivières lors des sécheresse­s plus longues et intenses. »

Ce rôle crucial agit comme «un amortisseu­r climatique, qui absorbe l’eau en excès, alimente les nappes phréatique­s, et restitue l’eau quand on en a le plus besoin », prolonge Jean Jalbert, directeur de La Tour du Valat, institut de référence dans l’expertise des zones humides méditerran­éennes.

Bien sûr, « ça ne peut pas être suffisant pour tout absorber, lorsque la tempête Alex se déchaîne, par exemple », mais le stockage de l’eau par les zones humides est « la façon la plus efficace et durable de garder l’eau et de la rendre disponible ».

À l’image du manteau neigeux qui stocke l’eau en hiver, pour la restituer au printemps.

■ La biodiversi­té et « les briques de la vie »

Les zones humides sont particuliè­rement propices au développem­ent d’une grande variété d’espèces. Selon l’office français de la biodiversi­té (OFB), 100 % des amphibiens (grenouille­s, crapauds…), 50% des oiseaux et 30 % des plantes remarquabl­es et menacées en France, ainsi qu’un grand nombre de poissons, d’insectes encore mal connus, dépendent directemen­t des milieux humides. Cet écosystème est « le plus productif, illustre Jean Jalbert. Vous prenez de l’eau, de la lumière, des nutriments, ce sont les briques de la vie. Une zone humide est une véritable usine à produire de la vie. »

■ Restaurer les zones humides, c’est possible

Dans le Var, un espace naturel récemment restauré est particuliè­rement exemplaire. « Le Plan de La Garde est une fierté, une vitrine pour le Départemen­t, qui l’a acquis non seulement pour le restaurer et les rendre au public », expose Martine Arenas, présidente de la commission environnem­ent, au conseil départemen­tal.

Régulièrem­ent inondée, cette zone humide était sous la pression des décharges sauvages, des cabanons sans droit ni titre et des convoitise­s urbaines. « Beaucoup de personnes s’étaient approprié l’espace, cette plaine côtière inondable

est au coeur de la métropole toulonnais­e »,

décrit l’élue.

Des expropriat­ions ont été nécessaire­s et de longues années de procédures, pour unifier l’ensemble des 135 hectares aujourd’hui protégés. L’ensemble du projet a coûté 19 millions d’euros.

La plaine qui s’asséchait en été est désormais en eau toute l’année, les bassins ont été plantés, les oiseaux qui fréquenten­t le site sont passés de 90 espèces à 230. Douze espèces végétales protégées sont suivies, en partenaria­t avec le conservato­ire botanique de Porqueroll­es. Tout un écosystème sauvage a commencé à regagner du terrain.

■ Tout bénéfice contre les inondation­s

Au Plan de La Garde, c’est la zone d’expansion de crue de trois cours d’eau, qui a été protégée par « le gel de toute velléité d’urbanisati­on ou d’imperméabi­lisation des sols, en offrant des volumes de stockages temporaire­s des eaux ». À ce rôle, « s’ajoute l’améliorati­on la qualité des eaux qui traversent le site, par le rôle de phytoépura­tion », font valoir les services du Départemen­t. Particular­ité très forte, le grand public peut profiter de l’ensemble du site, lieu exceptionn­el de promenade et de découverte.

Le paysage d’une zone humide restaurée, pour un bénéfice commun entre Homme et nature.

 ?? (Photo Frank Muller) ?? Près de Toulon, le Plan de La Garde est l’exemple d’une zone humide reconquise, après avoir subi occupation­s et décharges illégales.
(Photo Frank Muller) Près de Toulon, le Plan de La Garde est l’exemple d’une zone humide reconquise, après avoir subi occupation­s et décharges illégales.
 ?? (Photo C. Lebarbench­on-la Tour du Valat) ?? Poussins d’aigrette, signe de l’immense biodiversi­té des zones humides.
(Photo C. Lebarbench­on-la Tour du Valat) Poussins d’aigrette, signe de l’immense biodiversi­té des zones humides.
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(Photo T. Galewski-la Tour du Valat) La lagune de l’espiguette, dans le parc naturel de Camargue.
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(Photo Hervé Hôte- La Tour du Valat) Jean Jalbert, directeur de la Tour du Valat.

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