Grand Prix de France : de « graves irrégularités » ?
Dans une lettre confidentielle adressée à Christian Estrosi, le président du Département du Var dénonce certains frais suspects engagés. En jeu : plus de 27 millions d’euros de déficit.
La dissolution du Groupement d’intérêts publics du Grand Prix de France (GIP) sera-t-elle vraiment votée aujourd’hui, comme prévu à l’ordre du jour du conseil d’administration ? Plusieurs mois que le dossier, déjà reporté, traîne sur la table. Avec toujours près de 30 millions d’euros de déficit à régler. Et rien ne dit que l’affaire sera bouclée à la fin de la séance.
D’après nos informations, le président du conseil départemental du Var, qui est l’un des principaux actionnaires, tout comme la Région, y est catégoriquement opposé. Et pour cause.
Pressions, frais de bouche ....
Fin janvier, Jean-louis Masson a écrit à Christian Estrosi, président de l’organisation en charge de la promotion de l’épreuve de F1 au circuit Paul-ricard du Castellet. Dans ce courrier confidentiel, que nous nous sommes procuré, il y dénonce « de nombreuses et graves irrégularités relevées » concernant les dépenses des six dernières années.
Le tout détaillé dans une note annexe « non exhaustive ». Il serait notamment question de pressions exercées sur des élus, de frais de bouche et de déplacements à l’étranger jugés très onéreux, ou de l’attribution suspecte de certains marchés. Entre autres. Le président LR du Var poursuit en déplorant une « opacité imposée » aux différents actionnaires, excepté la Métropole de Nice et la Région Sud, dirigées par des ex-républicains devenus macronistes. Il précise que « tant qu’on ne connaîtra pas le bien-fondé
des dépenses, les participations ne pourront être versées ».
Contacté, Masson évoque la difficulté à obtenir les détails et la complexité du dossier, dont l’analyse poussée prendrait plusieurs mois. «Onaencore des questions à poser sur beaucoup de choses », souligne-t-il, appelant à un audit externe. Pour combler les trous, il est toujours prévu que le Département du Var débourse 4,5 millions. Au minimum. Idem pour la Métropole Toulon-provence-méditerranée et celle de Nice.
Un recours au préfet de Région Paca ?
Avec l’appui d’hubert Falco et de la communauté d’agglomération Sudsainte-baume, Jean-louis Masson compte donc sur une minorité de blocage pour contrecarrer la dissolution du GIP du Grand Prix de France et ne « pas cautionner » les comptes. Il propose tout de même une alternative : demander que le préfet de Région Sud Paca prenne un arrêté en ce sens, ce qui déplacerait la responsabilité. Une idée qu’il a soumis à Renaud Muselier, lors d’un rendez-vous en tête à tête mardi. Puis au maire de Toulon, le lendemain.
De son côté, l’entourage de Christian Estrosi sort le bouclier antimissiles, en évoquant une « manne » financière dont le Var a particulièrement « bénéficié ». Le chiffre de 140 millions d’euros est avancé (cabinet In Extenso). Il est ensuite rappelé que l’ensemble des actionnaires a « tout voté ». Autre argument : « S’il y a un changement de gouvernance dans le Var, nous
n’y sommes pour rien. » Il est directement fait référence au remplacement cet automne de Marc Giraud, condamné dans une affaire d’emploi fictif à cinq ans d’inéligibilité (peine dont il a fait appel).
La direction contre-attaque
Le directeur général du GIP, Eric Boullier, un des trois derniers en CDI à ne pas avoir été licencié, a également été envoyé au front pour défendre son bilan et rejeter les accusations, « sans volonté de polémiquer inutilement ». Les pressions sur des élus ? « Excessif et erroné. » Les allégations sur d’éventuels marchés publics litigieux ? Il est demandé plus de précisions pour « apporter des réponses satisfaisantes ». Au sujet des « frais de bouche », ceuxci correspondraient aux « marchés passés avec les traiteurs concernant les espaces d’hospitalité du Grand Prix, qui ont tous des spécificités différentes et qui sont refacturés aux clients finaux. » Quant aux frais de déplacement, Eric Boullier rappelle à Jean-louis Masson que « la Formule 1 est un sport mondial, avec plus de 22 épreuves se déroulant à travers le monde ». Ce qui nécessiterait « un certain nombre de déplacements afin de pouvoir y organiser les réunions nécessaires avec les détenteurs de droits, les fédérations sportives impliquées », ainsi que « les diffuseurs et l’ensemble des promoteurs afin d’organiser au mieux l’épreuve française dans les meilleures conditions ». Des explications qui n’ont, pour l’heure, pas convaincu les responsables varois.