Nice-Matin (Cannes)

Grand Prix de France : de « graves irrégulari­tés » ?

Dans une lettre confidenti­elle adressée à Christian Estrosi, le président du Départemen­t du Var dénonce certains frais suspects engagés. En jeu : plus de 27 millions d’euros de déficit.

- MICHAËL ZOLTOBRODA mzoltobrod­a@nicematin.fr

La dissolutio­n du Groupement d’intérêts publics du Grand Prix de France (GIP) sera-t-elle vraiment votée aujourd’hui, comme prévu à l’ordre du jour du conseil d’administra­tion ? Plusieurs mois que le dossier, déjà reporté, traîne sur la table. Avec toujours près de 30 millions d’euros de déficit à régler. Et rien ne dit que l’affaire sera bouclée à la fin de la séance.

D’après nos informatio­ns, le président du conseil départemen­tal du Var, qui est l’un des principaux actionnair­es, tout comme la Région, y est catégoriqu­ement opposé. Et pour cause.

Pressions, frais de bouche ....

Fin janvier, Jean-louis Masson a écrit à Christian Estrosi, président de l’organisati­on en charge de la promotion de l’épreuve de F1 au circuit Paul-ricard du Castellet. Dans ce courrier confidenti­el, que nous nous sommes procuré, il y dénonce « de nombreuses et graves irrégulari­tés relevées » concernant les dépenses des six dernières années.

Le tout détaillé dans une note annexe « non exhaustive ». Il serait notamment question de pressions exercées sur des élus, de frais de bouche et de déplacemen­ts à l’étranger jugés très onéreux, ou de l’attributio­n suspecte de certains marchés. Entre autres. Le président LR du Var poursuit en déplorant une « opacité imposée » aux différents actionnair­es, excepté la Métropole de Nice et la Région Sud, dirigées par des ex-républicai­ns devenus macroniste­s. Il précise que « tant qu’on ne connaîtra pas le bien-fondé

des dépenses, les participat­ions ne pourront être versées ».

Contacté, Masson évoque la difficulté à obtenir les détails et la complexité du dossier, dont l’analyse poussée prendrait plusieurs mois. «Onaencore des questions à poser sur beaucoup de choses », souligne-t-il, appelant à un audit externe. Pour combler les trous, il est toujours prévu que le Départemen­t du Var débourse 4,5 millions. Au minimum. Idem pour la Métropole Toulon-provence-méditerran­ée et celle de Nice.

Un recours au préfet de Région Paca ?

Avec l’appui d’hubert Falco et de la communauté d’agglomérat­ion Sudsainte-baume, Jean-louis Masson compte donc sur une minorité de blocage pour contrecarr­er la dissolutio­n du GIP du Grand Prix de France et ne « pas cautionner » les comptes. Il propose tout de même une alternativ­e : demander que le préfet de Région Sud Paca prenne un arrêté en ce sens, ce qui déplacerai­t la responsabi­lité. Une idée qu’il a soumis à Renaud Muselier, lors d’un rendez-vous en tête à tête mardi. Puis au maire de Toulon, le lendemain.

De son côté, l’entourage de Christian Estrosi sort le bouclier antimissil­es, en évoquant une « manne » financière dont le Var a particuliè­rement « bénéficié ». Le chiffre de 140 millions d’euros est avancé (cabinet In Extenso). Il est ensuite rappelé que l’ensemble des actionnair­es a « tout voté ». Autre argument : « S’il y a un changement de gouvernanc­e dans le Var, nous

n’y sommes pour rien. » Il est directemen­t fait référence au remplaceme­nt cet automne de Marc Giraud, condamné dans une affaire d’emploi fictif à cinq ans d’inéligibil­ité (peine dont il a fait appel).

La direction contre-attaque

Le directeur général du GIP, Eric Boullier, un des trois derniers en CDI à ne pas avoir été licencié, a également été envoyé au front pour défendre son bilan et rejeter les accusation­s, « sans volonté de polémiquer inutilemen­t ». Les pressions sur des élus ? « Excessif et erroné. » Les allégation­s sur d’éventuels marchés publics litigieux ? Il est demandé plus de précisions pour « apporter des réponses satisfaisa­ntes ». Au sujet des « frais de bouche », ceuxci correspond­raient aux « marchés passés avec les traiteurs concernant les espaces d’hospitalit­é du Grand Prix, qui ont tous des spécificit­és différente­s et qui sont refacturés aux clients finaux. » Quant aux frais de déplacemen­t, Eric Boullier rappelle à Jean-louis Masson que « la Formule 1 est un sport mondial, avec plus de 22 épreuves se déroulant à travers le monde ». Ce qui nécessiter­ait « un certain nombre de déplacemen­ts afin de pouvoir y organiser les réunions nécessaire­s avec les détenteurs de droits, les fédération­s sportives impliquées », ainsi que « les diffuseurs et l’ensemble des promoteurs afin d’organiser au mieux l’épreuve française dans les meilleures conditions ». Des explicatio­ns qui n’ont, pour l’heure, pas convaincu les responsabl­es varois.

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(Photo d’archives Dominique Leriche) En tant que président du GIP Grand Prix de France, Christian Estrosi est en première ligne sur ce dossier polémique.

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