Nice-Matin (Cannes)

Si, senior…

- De LIONEL PAOLI Reporter politique edito@nicematin.fr

Maudite réforme des retraites ! À longueur de reportages, on ne parle que des « seniors de plus de 50 ans ». J’en avais déjà pris pour mon grade avec les discours hostiles aux « mâles blancs » quinquagén­aires.

À la veille de pleurer mes 51 bougies, me voici donc triplement stigmatisé – sur mon âge, ma couleur et mon sexe. Mâle, OK. Blanc ? Ça dépend des saisons. En été, j’oscille plutôt entre le rouge et l’écrevisse. De plus de cinquante ans ? Vrai. Mais je plaide non-coupable : seuls mes parents sont comptables de la date de ma conception. Senior ? Voilà tout le débat. À 25 ans, j’attendais avec impatience les tempes grises, synonyme de respectabi­lité. Aujourd’hui, j’observe avec inquiétude cette toison blanche qui trahit mon obsolescen­ce programmée. Un discret “Régé color” pourrait remédier à cela. Mais quid des rides qui prennent leurs aises sur mon front ? Faudrait-il les gommer à coups d’injections malignes, quitte à ressembler aux poulpes qui régalaient mon beaupère ? Cela fait quelque temps que je n’ose plus demander à mes jeunes confrères ce qu’ils faisaient le 11 septembre 2001 ; certains entraient tout juste à la maternelle. Un peu las, aussi, de témoigner devant leurs regards incrédules qu’il fut un temps où Internet n’existait pas, lorsque le téléphone était filaire et inamovible au milieu du salon.

Pourtant, je ne me sens pas vieux. J’arrive à grimper les cinq étages qui mènent à mon bureau sans l’aide d’un monte-escalier Stannah. Je me passe assez aisément de déambulate­ur lorsque je chemine dans les couloirs. Mon cerveau n’est pas encore tout à fait liquide. Vaille que vaille, je parviens à cibler les bonnes lettres en pianotant sur mon clavier d’ordinateur. Mais aux yeux de la société, je suis un « senior ». Ce n’est peutêtre pas pire qu’être un

« junior »

– mal payé, peu considéré, souvent exploité.

Entre les trop jeunes et les trop vieux, la période faste dans le monde du travail se résume à quarante saisons entre 35 et 45 ans. À l’heure où l’on prétend reculer l’âge de la retraite, cela devrait donner à réfléchir.

« La période faste dans le monde du travail se résume à quarante saisons entre 35 et 45 ans. »

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