Nice-Matin (Cannes)

Égéries de Pierre Cardin GALERIE DEPARDIEU À NICE

Exposées pour la première fois jusqu’au 25 février, des robes créées par le styliste pour Jeanne Moreau et Sylvana Lorenz rappellent son génie créatif.

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr Égéries de Pierre Cardin. Galerie Depardieu

D« Il aimait à produire des spectacles dans l’ancien château du marquis de Sade »

isposées sur deux scènes de part et d’autre de la Galerie Depardieu, elles se font face et accueillen­t, telles de splendides sentinelle­s, le visiteur. Dans une débauche de rouge d’un côté, ce ton si éclatant qu’est le « rouge Cardin », dans un camaïeu de jais ou de noir scintillan­t de l’autre, toujours d’un chic absolu.

« Elles », ce sont les robes créées par le grand couturier pour ses deux égéries, avec lesquelles il entretint une tendre amitié : la blonde, l’actrice Jeanne Moreau, de 1962 à 1966, et la brune Sylvana Lorenz, de 1985 à 2015. Chaise de metteur en scène, projecteur­s baignant la pièce d’une lumière façon studios Harcourt, la scénograph­ie, signée Bernard Barbero, chef de plateau à l’opéra de Nice, est inspirée du 7e art : « J’ai voulu que ce soit une installati­on immersive, une ambiance cinématogr­aphique », souligne Sylvana Lorenz, en total look Cardin.

Des robes créées pour Jeanne Moreau

Jusqu’à la musique des films La Baie des anges (Jacques Demy, 1962) et Eva (Joseph Losey, 1962) qui achève de nous transporte­r dans une ambiance glamour à souhait, tout a été pensé dans les moindres détails. « Jeanne Moreau étant sa muse et sa tendre amie, Pierre Cardin a créé pour elle les robes de ces deux films, ainsi que celles de Mata Hari, agent H21 de Jean-louis Richard (1964) et de La mariée était en noir, de François Truffaut (1968) », rappelle cette ancienne responsabl­e de la communicat­ion artistique de 1999 à 2015 à l’espace Cardin, à Paris. Autant de tenues que Sylvana Lorenz a acquises lors d’une vente organisée par Artcurial en 2020.

Et pour renforcer l’effet produit par ces pièces de toute beauté, de la robe du soir en velours et satin au manteau du soir en crêpe pailleté rehaussé d’un motif en vinyle, en passant par la tunique à manches kimono en tulle noir rebrodé de sequins, Sylvana Lorenz a orné les murs de la galerie d’affiches de films dont Jeanne Moreau était la vedette.

On découvre aussi un ciré en vinyle noir, rehaussé de velours milleraies, caractéris­tique de l’esprit orignal et précurseur de Pierre Cardin : « C’est lui, et non pas Saint-laurent qui a inventé le vinyle ! À l’époque, les gens trouvaient cela très vulgaire, parce que les concierges espagnoles mettaient cela sur leurs tables. Et lui a eu l’idée d’en faire un vêtement. Il a lancé aussi les chaussures à bouts carrés, les cravates à pointe de flèche, et utilisait beaucoup le néoprène. ..»

Chaque vêtement raconte une histoire, comme cette pelisse en lainage taupe, doublée de vison. « C’était un manteau unisexe, qu’il portait luimême. Pierre Cardin n’utilisait jamais de fourrure, mais Jeanne Moreau étant frileuse, pour elle, il a fait exception à la règle. » Les gouaches sur papier de l’artiste Phil de Rodrigue, réalisées pour l’occasion, évoquent ces moments marquants. Au centre de la pièce, trône le clou de l’exposition : la robe « Vestale », toute en drapés, créée par Pierre Cardin pour Sylvana Lorenz en référence au fait qu’elle était, selon lui, « la grande prêtresse de son culte ». Façonnant sur elle des merveilles, le couturier lui a créé un personnage, tout de rouge vêtu et aux cheveux de jais. À mi-chemin entre Barbarella et Emma Peel, l’héroïne de la série Chapeau melon et bottes de cuir, dont il a signé les costumes.

Les Beatles, le col Mao et l’académie des Beaux-arts

De même que l’on doit aussi à ce génial créateur, premier couturier à entrer à l’académie des Beaux-arts, le look unique des Beatles, le col Mao et des parfums, comme le rappelle le documentai­re diffusé en boucle. Pierre Cardin avait également acquis le château de La Coste, connu pour avoir été celui du marquis de Sade, et où il aimait à produire des spectacles ! Sur le plan architectu­ral, il avait imaginé le célèbre Palais Bulles à Théoule-sur-mer, une propriété dans laquelle Sylvana Lorenz a passé tant d’étés, comme l’évoque la série d’aquarelles de Caroline Denis. Les touchants portraits de l’artiste ukrainien Misha Sydorenko confèrent aussi une âme à l’ensemble.

Vestale s’il en est, en effet, Sylvana Lorenz vient de tenir à Nice une conférence à propos de cette expo (répétée prochainem­ent à Monaco, lire cicontre) et de la vie de Pierre Cardin. Histoire de prolonger l’immersion dans l’univers résolument pop, avant-gardiste, voire intergalac­tique, du créateur...

(6, rue du docteur Guidoni), à Nice. Jusqu’au 25 février. Tous les jours, sauf le dimanche, de 14 h 30 à 18 h 30. Gratuit. Rens. 09.66.89.02.74.

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(Photos Franz Chavaroche) Sylvana Lorenz, l’égérie brune de Pierre Cardin devant les tenues créées pour Jeanne Moreau.
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L’une des gouaches de Phil de Rodrigue.

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