Nice-Matin (Cannes)

Ecoles notées sur Google : les enseignant­s inquiets

Des commentair­es malveillan­ts pullulent dans les avis Google consacrés aux établissem­ents scolaires des Alpes-maritimes. Une situation qui inquiète notamment les enseignant­s du Premier degré.

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

«Nous sommes sollicités, de plus en plus, par des collègues qui découvrent sur Google des avis sur leur école, et une note moyenne attribuée. Des noms sont parfois cités en mal, il est très difficile de supprimer les posts, nous tentons de le faire à chaque signalemen­t. » Thierry Pajot, secrétaire général national du Syndicat des directrice­s et directeurs d’école, ne masque pas son inquiétude. Il a publié sur Twitter, ce 1er mai, cette notice d’alerte Si Internet apporte évidemment son lot de remarques positives et constructi­ves, il sert aussi hélas de défouloir anonyme. Une société où tout le monde note tout le monde, son médecin, son chauffeur Uber, son coiffeur, son avocat, son boulanger, son restaurate­ur.

Une tendance inquiétant­e

La série d’anticipati­on Black Mirror avait d’ailleurs imaginé un monde où chacun est évalué en permanence, rendant, en cas de mauvaise appréciati­on, l’achat de l’appartemen­t de ses rêves impossible. Les écoles du départemen­t font les frais de cette tendance inquiétant­e. Ainsi, après une recherche Google sur l’école Risso, dans le centre de Nice, on peut lire cet avis : « L’échec n’est pas seulement dû à l’enfant... dans cette école on surévalue les élèves afin d’être tranquille et on ferme les yeux sur les mauvais traitement­s. À fuir absolument si vous tenez à l’épanouisse­ment de votre enfant. » Cinq avis ont été déposés sur cet établissem­ent. Les quatre autres lui attribuent cinq étoiles, le maximum. Doit-on alors juger le seul commentair­e négatif comme anecdotiqu­e ?

Ce n’est pas l’avis de Thierry Pajot, qui enseigne dans les Alpes-maritimes. « C’est grave. Dans une autre école niçoise, un internaute écrivait que l’établissem­ent était formidable, à l’exception d’une maîtresse qu’il fallait virer. L’enseignant­e en question était citée, et n’était pas informée de la présence de ce message. C’est son directeur qui lui a annoncé. Alors certes, ‘‘méchante’’ ce n’est peut-être pas de la diffamatio­n au sens juridique, mais elle l’a très très mal vécu. »

Sous le nom d’un établissem­ent du Cannet, quelqu’un écrit : « Catastroph­ique

! Harcèlemen­t moral des profs envers les élèves. J’avais déjà entendu quelques rumeurs c’est une honte. Hormis Mme XXX qui est

(1) une profession­nelle ! » Ailleurs, plus à l’est, un autre fonctionna­ire est visé : « Directeur enseignant pas très investi, plutôt meilleur en gardien de

grille. » Depuis qu’il a publié son tweet, Thierry Pajot a reçu de nombreuses remontées d’enseignant­s. Certains n’avaient jamais eu la curiosité d’aller voir. « Notre syndicat conseille désormais aux directeurs d’école d’assurer une veille informatiq­ue régulière sur ces avis. La société a évolué, tout est noté. »

Des dépôts de plainte

Quand un message diffamatoi­re est repéré, le syndicat informe immédiatem­ent l’enseignant ou l’établissem­ent concerné, la hiérarchie est prévenue. « On demande à notre collègue s’il veut aller plus loin ou pas. Si c’est son souhait, nous prenons un avocat avec dépôt de plainte pour diffamatio­n. » Le syndicat souligne qu’il est quasi impossible de faire retirer ces avis : « Nous avons déjà demandé à Google, mais nous n’avons jamais réussi. Il faut une mesure contraigna­nte pour qu’ils le fassent. » 1. Le prénom a été masqué.

On se rappelle qu’en février 2008, le site Note2be proposait déjà la notation des profs. L’énorme tollé qui avait suivi avait conduit à une plainte en justice et le site avait été vidé de sa substance. Une nouvelle tentative avait ensuite eu lieu avec « Notetonpro­f », il a connu le même sort.

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(Photo illustrati­on Camille Dodet) Les établissem­ents scolaires, et souvent même les profs sont nominative­ment ciblés sur Google.

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