Ecoles notées sur Google : les enseignants inquiets
Des commentaires malveillants pullulent dans les avis Google consacrés aux établissements scolaires des Alpes-maritimes. Une situation qui inquiète notamment les enseignants du Premier degré.
«Nous sommes sollicités, de plus en plus, par des collègues qui découvrent sur Google des avis sur leur école, et une note moyenne attribuée. Des noms sont parfois cités en mal, il est très difficile de supprimer les posts, nous tentons de le faire à chaque signalement. » Thierry Pajot, secrétaire général national du Syndicat des directrices et directeurs d’école, ne masque pas son inquiétude. Il a publié sur Twitter, ce 1er mai, cette notice d’alerte Si Internet apporte évidemment son lot de remarques positives et constructives, il sert aussi hélas de défouloir anonyme. Une société où tout le monde note tout le monde, son médecin, son chauffeur Uber, son coiffeur, son avocat, son boulanger, son restaurateur.
Une tendance inquiétante
La série d’anticipation Black Mirror avait d’ailleurs imaginé un monde où chacun est évalué en permanence, rendant, en cas de mauvaise appréciation, l’achat de l’appartement de ses rêves impossible. Les écoles du département font les frais de cette tendance inquiétante. Ainsi, après une recherche Google sur l’école Risso, dans le centre de Nice, on peut lire cet avis : « L’échec n’est pas seulement dû à l’enfant... dans cette école on surévalue les élèves afin d’être tranquille et on ferme les yeux sur les mauvais traitements. À fuir absolument si vous tenez à l’épanouissement de votre enfant. » Cinq avis ont été déposés sur cet établissement. Les quatre autres lui attribuent cinq étoiles, le maximum. Doit-on alors juger le seul commentaire négatif comme anecdotique ?
Ce n’est pas l’avis de Thierry Pajot, qui enseigne dans les Alpes-maritimes. « C’est grave. Dans une autre école niçoise, un internaute écrivait que l’établissement était formidable, à l’exception d’une maîtresse qu’il fallait virer. L’enseignante en question était citée, et n’était pas informée de la présence de ce message. C’est son directeur qui lui a annoncé. Alors certes, ‘‘méchante’’ ce n’est peut-être pas de la diffamation au sens juridique, mais elle l’a très très mal vécu. »
Sous le nom d’un établissement du Cannet, quelqu’un écrit : « Catastrophique
! Harcèlement moral des profs envers les élèves. J’avais déjà entendu quelques rumeurs c’est une honte. Hormis Mme XXX qui est
(1) une professionnelle ! » Ailleurs, plus à l’est, un autre fonctionnaire est visé : « Directeur enseignant pas très investi, plutôt meilleur en gardien de
grille. » Depuis qu’il a publié son tweet, Thierry Pajot a reçu de nombreuses remontées d’enseignants. Certains n’avaient jamais eu la curiosité d’aller voir. « Notre syndicat conseille désormais aux directeurs d’école d’assurer une veille informatique régulière sur ces avis. La société a évolué, tout est noté. »
Des dépôts de plainte
Quand un message diffamatoire est repéré, le syndicat informe immédiatement l’enseignant ou l’établissement concerné, la hiérarchie est prévenue. « On demande à notre collègue s’il veut aller plus loin ou pas. Si c’est son souhait, nous prenons un avocat avec dépôt de plainte pour diffamation. » Le syndicat souligne qu’il est quasi impossible de faire retirer ces avis : « Nous avons déjà demandé à Google, mais nous n’avons jamais réussi. Il faut une mesure contraignante pour qu’ils le fassent. » 1. Le prénom a été masqué.
On se rappelle qu’en février 2008, le site Note2be proposait déjà la notation des profs. L’énorme tollé qui avait suivi avait conduit à une plainte en justice et le site avait été vidé de sa substance. Une nouvelle tentative avait ensuite eu lieu avec « Notetonprof », il a connu le même sort.