Ces robots qui veulent du bien à nos fonds marins
Des robots sous-marins pour préserver et la protéger les mers : c’est le travail fou d’un laboratoire de recherche de Mines Paris à Sophia Antipolis qui va collaborer avec Antibes.
On pourrait s’y croire : en partance pour une mission sur Mars. Avec ces petits robots qui évoluent sur le sable, se frayant un chemin dans l’immensité en mode Rover (1).
Si l’on se trouve bien loin de la planète rouge, mais plus proche de Juan-lespins, il est tout de même question d’eau. « Cela fait deux ans que l’on travaille sur le projet Underwater », indique Franck Guarnieri, directeur du centre de recherche sur les risques et les crises de Mines Paris à Sophia Antipolis.
L’idée ? Créer des machines capables de prendre soin des fonds marins. Pour chaque projet robotique, vingt et un élèves du cycle ingénieur civil s’engagent. Une motivation de plus pour choisir ce cursus dans la technopole. « Nous déployons notre expertise de robot terrestre en sous-marin. On a un formidable écosystème ici pour ça : l’institut océanographique de Monaco, l’institut de la mer de Villefranche, les labos de l’université Côte d’azur… » Mais aussi l’espace mer et littoral d’antibes (voir ci-contre).
Cartographier la Méditerranée
Concrètement, ces petits bijoux de technologie 100 % made in Sophia Antipolis se jettent à l’eau avec des tâches précises. À chaque appareil sa compétence. Le champ d’action ? « Nos machines descendent entre 0 et 300 mètres – au-delà, c’est plutôt du ressort de l’ifremer à Toulon qui tend vers les 6 000 mètres », soutient Franck Guarnieri. Le message est clair : les ingénieurs ne partent pas à la chasse au poulpe des abysses. Profitant d’une autonomie allant de 90 à 120 minutes avec leurs batteries en lithium, les robots peuvent se relayer sur le
terrain. Illustration faite en baie de Juan.
Au casting ? Léon, le premier robot fabriqué par l’équipe d’enseignantschercheurs. « Il est très gourmand en énergie ». Et pour cause : avec deux caméras et deux lasers, il permet d’avoir les yeux partout et de réaliser des photographies 3D des milieux. Et pour l’aider à cartographier la biodiversité en Méditerranée, il peut également compter sur son homologue baptisé César. Lui, son job, c’est la réalisation de prélèvements avec sa pince. Un crabe qui vous veut du bien. Également à la barre : Victor. Lui aussi réalise des prélèvements. Mais liquides. « Il est à la surface, il descend de dix mètres, il prélève, il descend encore de 10 mètres, il prélève, il descend à 50 mètres, il prélève… », explique le directeur du centre de recherche en liant le geste à la parole : « Ensuite, une analyse biologique de ces échantillons est réalisée. Cela nous permet de savoir ce qu’il y a dans l’eau. »
À ces trois mousquetaires s’ajoute Eugène, fabriqué par les élèves. Lui, prend de la hauteur. Son but : créer une collection de prises de vues d’ensemble, d’en haut. Paparazzi dans son genre, il doit réaliser un maximum de clichés durant le temps imparti. Un marathonien.
Défi de demain
S’ils s’entraînent au large de la station en basse saison, ces robots ont déjà officiellement mené des vraies missions. « On a été sollicités par la commune de Villefranche-sur-mer qui avait repéré une ombre sur le relevé d’une carte sous-marine. Pour comprendre de quoi il s’agit, on a envoyé Léon. » Alors, erreur ou épave ? « Ce serait plutôt un ancien navire, mais on doit y retourner en ce mois de mai pour confirmer
cette hypothèse. »
Autre utilité de cette Dream Team robotique : pouvoir remonter un filet de pêche à 80 mètres de fond sans envoyer de plongeur.
L’ingénierie bleue veut « participer à une meilleure connaissance » de l’environnement. « La dernière étude, faite sur la biodiversité, sur la ville d’antibes date de 2011 », relève Franck Guarnieri en précisant : « Demain, on pourrait avoir des machines à demeure qui seraient en capacité de monitorer l’environnement. » Un défi de taille.
Entre 20 000 et 30 000 euros
En désirant participer à « l’ingénierie au service de la réparation » dans le cadre d’une pensée écologique, le cursus a pour ambition de s’attaquer aux enjeux cruciaux : « On sait par exemple que si la température des eaux continue de monter, dans dix ans il n’y a plus de récif corallien dans le monde. L’ingénierie peut trouver des solutions, à nous de nous y pencher. »
De belles intentions pour quel coût ? « Les robots coûtent entre 20 000 et 30 000 euros. »
Mais avant de s’attaquer à la barrière de corail, dans quoi la prochaine promotion plongera-t-elle ? « On va construire un robot qui va travailler sur la cartographie de la Fourmigue. Au large d’antibes, il y a des canyons qui descendent à plus de 1 500 mètres de fond, on pourrait envoyer un robot au fond en 2025… » Après, tout, comme le spécialiste le répète : « On connaît plus la surface de la lune, de mars que le fond des océans. »
Alors, y’a du boulot !
VINCENT BELLANGER vbellanger@nicematin.fr 1. Mission de la NASA lancée en 2003 avec deux robots destinés à étudier la géologie et l’eau sur la planète Mars.