« La plupart d’entre nous ont envie d’agir pour le climat »
Pour le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion, il est plus que temps de changer notre logiciel démocratique, économique, sociétal pour répondre au dérèglement mondial du climat.
L« a gravité de la situation, c’est l’équivalent d’une guerre mondiale. La bonne nouvelle, c’est qu’on peut agir. » Quand il s’agit d’éveiller les consciences sur l’urgence climatique, l’auteur et réalisateur Cyril Dion ne manque ni de franc-parler, ni de pédagogie, ni d’enthousiasme. Invité à s’exprimer devant des entrepreneurs à Nice le médiatique militant écologiste a alerté autant qu’inspiré.
Comment expliquez-vous le succès de votre documentaire qui filme des solutions face à la crise climatique ?
Demain,
Énormément de gens se sentent écrasés par l’ampleur de la crise écologique, n’ont absolument aucune idée de ce qu’ils pourraient faire, voient l’écologie comme quelque chose de dramatique, de punitif… Qu’on vienne leur raconter comment le monde pourrait s’améliorer, en donnant la parole à des gens qui font des choses extraordinaires, je pense que ça a été une sorte de bouffée d’oxygène. Et ça continue : la série documentaire Un monde nouveau, faite avec le réalisateur Thierry Robert, a déjà été vue par plus de trois millions de personnes sur Arte.
Le rapport de synthèse du Giec est alarmant. Vous avez plaidé en faveur des petits pas pour le climat. Comment accélérer ?
Je n’ai jamais plaidé pour les petits pas. Avec le mouvement Colibris, l’idée était de dire : « Chacun fait sa part », qu’on soit chef d’entreprise ou président de l’union européenne. Que chacun d’entre nous fasse tout ce qu’il peut, de là où il est, sans attendre que quelqu’un d’autre le fasse à sa place. L’accélération viendra par la concomitance de gens qui essaient d’inventer une société véritablement soutenable, et de gens qui engagent des rapports de force de façon beaucoup plus importante et tordent le bras des responsables politiques et des multinationales. C’est comme un aiguillage de train : il faudrait que les flux financiers, que les décisions publiques aillent dans une direction différente pour permettre de massifier
les comportements individuels. La plupart d’entre nous ont envie d’agir. Mais on vit dans un monde dont l’organisation fait que parfois, on n’a pas le choix : de prendre la voiture, d’acheter du plastique au supermarché, d’avoir une banque qui investit dans les énergies fossiles… Ce qui va accélérer l’action, ce sont les circonstances historiques dans lesquelles nous sommes : la crise écologique va être de plus en plus douloureuse, et donc va pousser les gens à réagir de façon plus puissante.
Vous avez été l’un des garants, déçu, de la Convention citoyenne pour le climat. Pourquoi dites-vous que le fonctionnement de notre démocratie est un frein ?
Le problème qu’on a, c’est qu’une immense majorité des décisions
publiques sont orientées par des intérêts privés. Ils ont étouffé les décisions prises par les citoyens dans le cadre de cette convention. Comme le malus sur le poids des véhicules de plus de 1400 kg, entre autres… Selon la célèbre phrase de Lincoln, c’est « le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Or, c’est l’inverse. On le voit avec la réforme des retraites : Emmanuel Macron prend une décision a priori à rebours de l’immense majorité des Français. Pour la crise écologique, on est à peu près dans le même cas de figure.
Comment changer ?
Je plaide pour des mécanismes institutionnels qui permettent à la population de vraiment participer à la décision publique. La solution la plus intelligente, à mon sens, serait d’institutionnaliser le Référendum d’initiative citoyenne (RIC) délibératif. Cela permettrait, comme en Suisse, à une partie du corps électoral de se mobiliser pour proposer ou s’opposer à une loi, pour mettre un sujet au coeur du débat. Puis, une assemblée citoyenne, tirée au sort, dégrossirait le sujet à ciel ouvert. Un travail relayé dans les médias, qui susciterait des conversations…
Cette assemblée formulerait ensuite ses recommandations, soumises au RIC. C’est très différent d’un référendum sec, tel qu’on le connaît et qui vire systématiquement à un vote pour ou contre le gouvernement en place, tellement on sollicite peu souvent l’avis des Français… Face à l’urgence climatique, on doit arriver à une forme de démocratie 3.0. Sinon, on ne s’en sortira pas. Le sujet est trop complexe, il y a toujours quelqu’un qui ne sera pas content, donc il y aura toujours des raisons de reculer.
Quels enjeux pour le climat dans le monde de l’entreprise ?
Aujourd’hui, heureusement ou malheureusement, le monde économique va plus vite que le monde politique. On voit bien que ce qui a le plus bouleversé le monde ces dernières années, ce sont davantage des entreprises (Google, Apple, Amazon…) que des gouvernements. On a absolument besoin que le monde économique se transforme et devienne une locomotive qui entraîne le pouvoir politique. Je dis aux entrepreneurs : « Soyez des lobbyistes d’intérêt général. »
Créer une démocratie 3.0” La Méditerranée est un du réchauffement. Comment concilier cette réalité avec le tourisme, locomotive de l’économie ?
hotspot
Il faut réinventer le modèle, comme à d’autres endroits.
On le voit bien avec les stations de ski qui, dès 1 500 m, n’ont plus de neige. Créer du tourisme, sans doute un peu plus de proximité, où les gens viennent en train, en voiture électrique, où on développe aussi une économie locale… Réfléchissons : qu’est-ce que ça coûte en dépollution, en travaux, en infrastructures d’avoir autant de gens qui débarquent toute l’année ?
Pour quels bénéfices ?
Est-ce que tout ce qu’on pourrait économiser si on réduisait un peu ce délire de tourisme de masse ne pourrait pas servir pour la prospérité de la population ?
Trop de gens se sentent écrasés par la crise écologique”
Le patron de la fédération de l’hôtellerie et de la restauration 06 estime que ce n’est pas aux vacanciers d’économiser l’eau. Comprenez-vous ce discours ?
C’est aux acteurs du territoire de penser les infrastructures de manière à favoriser les comportements individuels vertueux. Et pour toutes les personnes qui y vivent : que ce soit à l’année, ou ponctuellement. Si on est en pénurie d’eau, cela concerne tout le monde. La sécheresse n’a pas de frontière ! On manque d’eau en France et dans le monde. 1. À l’invitation du Centre des jeunes dirigeants 06.