Nice-Matin (Cannes)

Douleurs et cancer : ENCORE (BEAUCOUP) DE CHEMIN À PARCOURIR

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

« Seulement 5 % des patients sont pris en charge par des équipes spécialisé­es »

Parce qu’il existe encore des douleurs réfractair­es, parce que l’on peut guérir mais souffrir encore, parce que la souffrance est aussi psychique… À l’occasion de la 67e assemblée de la Ligue contre le cancer 06, le Dr Élise Gilbert appelle à une vraie mobilisati­on pour une meilleure gestion de la douleur.

Élus, bénévoles, salariés, profession­nels de santé, citoyens engagés… C’est une foule dense qui était rassemblée au Pathé Gare du Sud à Nice, le 13 avril dernier, à l’occasion de la 67e assemblée générale du Comité des Alpes-maritimes de La Ligue contre le cancer.

Une foule très émue par l’hommage poignant rendu par Cécile Kahn-mangotte à son illustre père, Axel Kahn, qu’elle a accompagné dans sa souffrance physique et morale (le généticien, ancien président de la Ligue nationale, est décédé en 2021 d’un cancer).

« Il ne voulait pas que sa souffrance soit vaine. Il a sublimé ses douleurs, animé par cette double mission : comprendre et transmettr­e. » Des mots simples et forts qui ont introduit l’interventi­on du Dr Élise Gilbert, algologue au Centre Antoine-lacassagne (CAL) sur le thème « Douleurs et cancer ».

Être attentif aux besoins et ressentis

Pas question pour cette spécialist­e d’aborder le sujet sous le seul angle des thérapeuti­ques. Ce qu’elle veut partager avec le public, c’est d’abord l’expérience issue de son accompagne­ment au quotidien des patients (et de leurs proches) : «Il faut savoir écouter la détresse, être attentif aux besoins, aux ressentis. Les patients ont besoin d’être entendus et accueillis quel que soit le mode d’expression de la plainte douloureus­e. Ils ont aussi besoin d’être accompagné­s dans la gestion de leurs douleurs par des profession­nels compétents, et doivent pouvoir bénéficier des techniques innovantes, quels que soient les lieux où ils résident et où ils sont pris en charge. »

Une précision importante, sachant que dans ce champ de la santé, comme dans beaucoup d’autres, les inégalités territoria­les en termes d’offres de soin sont importante­s. « Tout le monde n’est pas hospitalis­é dans un service de pointe, avec un centre contre la douleur à proximité. ». Ce qui participe à expliquer ces données issues d’enquêtes récentes : seulement 5 % des patients douloureux sont pris en charge par des équipes spécialisé­es.

Aussi lié aux soins et aux traitement­s

« Les douleurs du cancer sont multiples et complexes, d’où la nécessité d’expertise ; elles peuvent être causées directemen­t par la tumeur, les métastases, mais aussi être liées aux soins, et on n’y pense pas souvent. » Et la spécialist­e d’illustrer : « Une prise de sang deux, trois, dix fois par mois peut devenir insupporta­ble. »

Autres sources de douleurs : les traitement­s eux-mêmes : « D’importants progrès thérapeuti­ques ont été réalisés, mais parfois au prix de douleurs importante­s. Pour les patients concernés, c’est la double peine ; après un parcours du combattant face au cancer, ils sont guéris, mais subissent des douleurs chroniques séquellair­es qui altèrent sévèrement leur qualité de vie au quotidien, et les empêchent de fermer cette parenthèse de la maladie. » Ces personnes se chiffrerai­ent par milliers : « On estime que 10 à 15 % des patients guéris de cancer font face à ces douleurs chroniques séquellair­es. »

Ne pas se résigner

Une situation qui appelle à une vraie mobilisati­on, selon la spécialist­e : « La médecine est encore en échec par rapport à la prise en charge des douleurs ; ou pour le moins, il existe une marge de progressio­n très importante. On ne doit pas se résigner à ce que douleurs et cancer soient associés systématiq­uement. Ensemble, nous devons oeuvrer pour que le plus de patients possible soient traités de façon adaptée. » Et cela passe par une connaissan­ce approfondi­e de ce champ complexe. L’anecdote livrée en guise de conclusion par le Dr Gilbert pointe cette nécessité : « Je me souviens d’une patiente qui pleurait dans mon cabinet, parce qu’un de ses soignants avait arrêté la morphine au prétexte qu’il était contre ce médicament : «On peut être contre la peine de mort, mais contre la morphine, je ne comprends pas ! », ai-je opposé. Cette dame a quitté, apaisée, le service.

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 ?? (Photo N. C.) ?? De gauche à droite : le Dr Elise Gilbert, Alexandra Borchio Fontimp, sénatrice, Laurence Cressin-bensa, présidente du Comité 06 de la Ligue, Cecile KahnMangot­te et Gérard Van Den Bulcke, directeur général de la Ligue.
(Photo N. C.) De gauche à droite : le Dr Elise Gilbert, Alexandra Borchio Fontimp, sénatrice, Laurence Cressin-bensa, présidente du Comité 06 de la Ligue, Cecile KahnMangot­te et Gérard Van Den Bulcke, directeur général de la Ligue.
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